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Le règne de Cendres - VI -

Par Blackout @blackoutedition
- VI - Cendres VI n'était pas le genre d'homme à se laisser intimider par une poignée d'adversaires. Ainsi, dès le début de son règne, il s'appliqua à faire taire tous ceux qui s'opposaient à lui et fit voler en éclat le culte lui-même. Après tout, peu lui importait que les dieux ne lui adressassent plus la parole, son simple titre lui octroyait tous les pouvoirs nécessaires pour diriger. Il nomma soigneusement son entourage proche, plaçant là un cousin digne de confiance ou là encore un quelconque et sinistre personnage dont il s'assurait la fidélité en entretenant l'avidité. Mais, plus important encore, il nourrissait le désir de régner toujours, non pas en repoussant les limites de sa condition humaine, mais en créant une dynastie vouée à perdurer. Aussi plaça-t-il ses enfants à des postes stratégiques ; l'aîné de ses fils fut nommé au rang de prêtre sans avoir effectué ses années de noviciat tandis que son frère cadet devint chef de son armée personnelle. Quant à sa seule et unique fille, qui avait hérité de l'incomparable beauté de sa mère, il en fit une monnaie d'échange qui se révéla plus qu'utile pour nouer des alliances avec de riches prétendants qui n'aspiraient qu'à une nuit auprès d'elle. Il délaissa sa Vénus dont la beauté s'était fanée avec les années, et, l'abandonnant dans sa villa entretenue par les mains habiles des serviteurs, lui préféra la fraicheur des courtisanes qu'il invitait dans ses propres appartements, s'amusant de voir les prêtres s'offusquer de ses outrages. Il déjoua habilement toutes les tentatives d'assassinat, organisa de grands banquets durant lesquels il faisait tout pour paraître sympathique à ses ennemis avant de faire emplir leurs coupes de vin empoisonné. Et, lorsque le roi d'un pays frontalier vint se présenter aux portes de la ville pour lui demander de renoncer à son rôle auprès des dieux, il trama une savante machination qui conduisit son ennemi à mourir de la peste. Face à la rouerie et à l'intelligence dont faisait preuve le Nuntius, nombre de ses opposants préférèrent se ranger à ses côtés plutôt que de risquer inutilement leurs vies. Mais l'un d'entre eux se moquait bien de mourir car, à ses yeux, seule la vérité comptait. Et la vérité était que les dieux, à défaut de ne plus accorder le moindre intérêt à Cendres VI, s'adressaient à lui. Ainsi, comme il ne pouvait y avoir qu'un seul annonciateur, il s'acharnait à ternir la réputation déjà peu reluisante de l'imposteur – comme il aimait à l'appeler. Il avait le peuple de son côté, et, en homme intelligent, il avait compris que si la population pouvait changer les choses, elle n'en était pas moins manipulable. En excellent orateur, ses discours ébranlaient l'auditoire et les indécis qui étaient venus l'écouter par hasard finissaient fatalement par lui donner raison. Ses partisans l'appelèrent l'Oracle, car tous ce qu'il prophétisait s'avérait véritable. En effet, des années auparavant, alors que les prêtres s'agitaient à l'intérieur du sanctuaire dans l'attente du nouvel annonciateur, il s'était adressé au peuple, lui assurant que le prochain Nuntius serait un débauché que les dieux abandonneraient.

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© Black-out


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