Zutte, avec tout ça, j'ai raté mon 100.000ème visiteur ! Pourtant, une lectrice fidèle m'avait averti, assortissant son alerte d'un "La vache, ça va se fêter, j'espère !"
Donc, oui, euh oui, ça va se fêter, même si c'est derrière nous et je propose ceci : si vous vous reconnaissez comme mon cent-millième visiteur, laissez-moi un commentaire et je vous envoie un cadeau.
Cinématographe
En présentant mes films de 2012 et les tendances de l'année, j'en ai oublié une. C'est une tendance encore minoritaire, mais qui procède agréablement du même phénomène de ringardisation du CD audio par le vinyle et de grand retour du 33 tours : il s'agit de l'usage au cinéma, en lieu et place des différents formats plus ou moins larges issus du 35 mm, du bon vieux et fermé écran carré des débuts du cinématographe sonore.
Ainsi, on a pu voir en 2012 l'image en couleur outrageusement anamorphosée (ce qui accentue l'effet de "diablerie" de certaines scènes) du singulier Faust d'Alexandre Sokourov. Les personnages mutants de Xavier Dolan, se trouvaient enfermés dans l'écran carré de Laurence anyways (carré pour faire bien, j'imagine, faire artiste, format aussi vain à exprimer quoi que ce soit que le film). En fin d'année, le fameux format carré des origines renforçait majestueusement le pèlerinage vers un passé lumineux du Tabou de Miguel Gomes, cette fois dans un noir-et-blanc parfaitement expressionniste.
Fin 2011, le cinéma commercial franco-américain avait déjà produit avec The artist, un film qui singeait avec un vrai talent de décalquage l'image carrée, le noir et blanc et le mutisme des débuts. Une vraie tendance, vous dis-je.
Ce 2013 naissant perpétue déjà la tendance avec Blancanievesde l'espagnol Pablo Berger. A-t-on encore le droit de dire d'un film qu'il constitue un enchantement ? Qu'il a ce pouvoir de créer dans l'imagination du spectateur un lien privilégié avec des mondes fantasmatiques qu'on aimerait fréquenter plus souvent et ailleurs que dans nos rêves ? Blancanieves est une Blanche Neige née des amours flamencas d'un torero et d'une danseuse. Prénommée Carmen, car on est tout de même en Espagne, la jeune fille rebondira de conte en conte, de la piqûre rouge de la Belle au Bois à la course effrénée d'Alice sur les traces d'un lapin-coq vers les zones interdites de la famille et de l'inconscient. Barbe Bleue n'est pas loin, ni même, vers la fin, la monstrueuse parade vengeresse de ses amis Freaks, des nains clowns-toreros.
Dans un noir et blanc de toute beauté, toile tendue pour y projeter ses peurs et ses désirs, Blancanieves est un magnifique voyage de retour vers l'enfance, qui ne craint pas d'exciter toute la cruauté des contes pour mieux en exprimer le merveilleux. Les enfants aiment avoir peur et en cela nous restons tous des enfants.
Il faut dire et répéter qu'un film muet aujourd'hui est un projet parfaitement crédible s'il est porté par la passion et la sincérité et que le silence peut se montrer éloquent. Ce très très beau film, qui ne craint pas d'exarcerber les émotions (ah, cette petite fille qui retrouve son père, ces larmes échangées comme des baisers) et de mobiliser les ressorts les plus instinctifs du drame feuilletonnesque (la jalousie, la dissimulation, le désir de meurtre, la trahison, la vengeance) est un merveilleux objet filmique, étonnant, séduisant, pleinement satisfaisant tant pour le coeur que pour l'esprit. La première très belle surprise de 2013... Vivement dimanche.
Trouvé sur un site ciné très agréable, cette page, Il était 99 fois le cinéma, vision fragmentée à la Georges Pérec de notre 7ème Art préféré, présentée ainsi par la rédaction : "Un pull, un regard, une atmosphère, une réplique, un décor, une lumière, des couleurs, un mouvement, un cri, des pleurs ou quelques notes : Grand Écart dresse une liste de 99 fragments de cinéma. Aucun ordre, aucune logique, que du ressenti..." Dommage le dernier mot, mais l'idée est très belle (à consulter chez Grand écart qui ne craint malheureusement pas les écarts de langage, ce qui ne lui enlève nullement un joli sens de l'image au fétichisme délicat.
Parmi ces fragments, "Le cerf épargné dans Voyage au bout de l’enfer", "“I Got You Babe” de Sonny & Cher au réveil d’Un jour sans fin", "La culotte rose de Scarlett Johansson et l’air paumé de Bill Murray dans Lost in Translation", "Kate Winslet qui vomit sur les livres d’art de Jodie Foster dans Carnage.. "Je suis particulièrement sensible au fragment n° 16, citation de Murnau.
On est pas des Charlots
J'avais très envie de ressusciter la rubrique On est pas des Charlots de feu La séance du mercredi, une rubrique que j'aimais bien, finalement, qui me permettait , comme ça, gentiment, d'appeler l'attention du lecteur sur les films que j'avais aimés et qui étaient toujours distribués, donc de les conseiller et de les soutenir (un des principes qui justifient ce blog est l'idée qu'il faut soutenir les films, surtout ceux qui sont peu médiatisés, mais pas seulement. Le principe : plus j'ai aimé, plus il y a de Charlots (donc d'étoiles, Charlie Chaplin représentant pour moi l'Etoile absolue et Modern times, LE Film absolu). On ira de zéro à cinq Charlots/étoiles, ceci étant, je vois mal pourquoi je décernerais zéro Charlot (nada) à un film que je conseille. C'est bizarre. On est bizarre et c'est très bien comme ça.
DJANGO UNCHAINED de Quentin Tarentino (USA)
BLANCANIEVES de Pablo Berger (Espagne)
EL ULTIMO ELVIS de Armando Bo (Argentine)
ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow
[Un mot de ce dernier film que je n'ai pas chroniqué, en fait trois :
1. Une traque de type espionnage assez classique mais efficace.
2. Une fin sidérante,
qui justifie en 20 minutes
de suivre les 2h40 du film.
3. Une idéologie (le rapport à la torture, essentiellement),
sur laquelle il est utile de s'interroger,
mais personnellement, je serais incapable de faire la part des choses,
du Bien et du Mal dans le propos de Bigelow.]
Cinéthéâtre
François Morel s'est installé pour la saison et une Carte blanche au Théâtre La pépinière. Le Matois Morel (j'aime bien ce mot, matois) y présente plusieurs programmes dont il assure l'écriture, la mise en scène et/ou l'interprétation.
Instants critiques nous offre d'assister, par delà les barrières du temps, à une sélection d'échanges entre Georges Charensol et Jean-Louis Bory, les deux mousquetaires de l'émission radiophonique Le Masque et La Plume (France-Inter), bien avant que cette émission sacrifie à la mode des critiques satisfaits d'eux-mêmes, plus que soucieux de leur art. Les voir, incarnés par Olivier Saladin et Olivier Broche, auxquels se mêlent le charme, la voix et le piano de Lucrèce Sassella, faire revivre les polémiques souvent drôles, cocasses, vaguement surréalistes de Charensol le faux réac et Bory le vrai novateur, les deux armés d'une langue qui nous surprend (s'agissant de langage parlé, donc de dialogues totalement improvisés) par sa richesse, sa clarté et sa précision.
Dommage, on ne cause plus ainsi dans le poste (sauf chez Pierre Bouteiller, peut-être ?). C'est drôle et subtil, intelligent, parfois mélancolique et ça fait tellement de bien, cet amour vrai, sans maquillage, du cinéma.
Lire, putain, lire, qu'est-ce que c'est bon !
Revenir à James Lee Burke, découvert grâce au film de Bertrand Tavernier Dans la brume électrique, avec Tommy Lee Jones dans le rôle du personnage récurrent Dave Robicheaux, est un indéscriptible bonheur. Seules ou seuls celles et ceux qui ont lu un livre me comprendront. Robicheaux est un ancien flic brutal, ancien alcoolique sans limite qui s'ébat et se débat dans les brumes d'un rêve d'alcool et de la Louisianne où il élève sa fille adoptive, Alafair, en la protégeant et se heurtant à toutes les saloperies violentes de la vie. J'avais commencé à lire au hasard et depuis deux ans j'ai tout repris au premier volume et je suis régulièrement l'évolution de mon héros favori, colosse au coeur d'argile.
Je conseille vraiment la lecture de Burke (qui a lui-même une sale allure d'aventurier sans foi ni loi) à qui aime la littérature noire, les livres d'action ne négligeant pas cette putain de surdétermination qui fait que, héros ou pas, on ne s'en sortira pas aussi facilement, pas avant d'avoir raclé la boue noueuse au fond du bayou, au fond de la gorge.
que certains ont comparé à Faulkner, ce qui me semble excessif,
mais qui suis-je pour juger ?
Rien à voir,
mais...
L'internaute, webmag pour cad'sup en manque de culture gé, est toujours au fait de l'actualité qui compte. Ainsi, on pouvait y lire récemment cette info ébouriffante à propos de Jean S. : "Le fils cadet de Nicolas Sarkozy souhaitait se lancer dans une carrière de chanteur avec Didier Barbelivien. Mais il a décidé de laisser tomber. Pour son père." (Publié le 25 janvier 2013, 11h09) Merci pour Lui (le père, car comme nous l'ont dit récemment au moins un million de manifestants grimés en rose et découvrant la musique techno, un petit con, c'est un père et une mère), merci pour Nous.
Bonne semaine,
Bons films,
Et autres bons moments montrant qu'une fois de plus,
La vie vaut d'être vécue.