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Twittérature (toujours)

Publié le 31 janvier 2013 par Perce-Neige

Twittérature (toujours)Seriez vous de ceux qui sortent sans sourciller leur révolver pour peu que l’on s’aventure à prononcer devant eux, à haute voix, le mot de Twittérature (j’en connais !) ? Seriez vous de ceux qui n’ont pas encore saisi que toute littérature, nécessairement, n’est que contrainte et servitude, extorsion de mots, forceps et torsions de diverses natures, expulsions et bannissements de la langue, expectoration des phonèmes ? Et que la forme des fers, même, génère le chant qu’ils sont supposés administrer… Pour preuve, la récente publication, sur Pas-Vu-Pas-Pris, du quinzième chapitre (déjà…) de la Vie rêvée, le (trop fameux) TwitteRoman de Paul-Henri Sauvage… Avec, ici, ce court extrait juste pour vous donner l’envie « d’aller y voir de plus près » : 
Laetitia Jasmin perçoit alors un bref tremblement de l'air qu'elle respire. Une subtile altération du climat. Une infime variation du temps. Berlin n'est pas si loin. Elle y sera demain au plus tard. Rassemble son sac en moins de deux. Prévient le ban et l'arrière ban. S'apprête. S'imagine déjà. S'impatiente. Tourne 7 fois au moins la langue dans sa bouche. Accepte du steward aux yeux bruns une énième rasade de vodka. Attache sa ceinture à contre coeur. S'enthousiasme pour le kaléidoscope argenté des étangs, des prairies inondées ou d'invisibles méandres. Chaque voyage s'avère un échec. Chaque voyage vous ramène en enfance. Chaque voyage (un peu plus) vous laisse perplexe et blessée. Brisée. A la seule idée de devoir bientôt toucher terre vous êtes à deux doigts de déclarer forfait. A deux doigts d'abandonner la partie. Vraiment. A gauche, votre voisin de palier se tortille sur son siège, tourne sans y croire les pages de son magazine. A droite l'horizon s'impatiente. A gauche le bellâtre se fourmille les jambes, s'ankylose le bassin, lorgne en douce les fadaises de votre carnet, emberlificote sa ceinture. A droite, le soleil s'amplifie. Puis se valse musette, se chaloupe. Puis se dérobe, se drape de cumulonimbus, se travestit de brouillard. A gauche, l'insupportable s'embrouille allègrement les pinceaux. S'aventure à philosopher plus que de raison. Vous assomme d'insignifiances. A droite, la ligne des crêtes s'incline au couchant. Le fuselage s'écarlate du soir venu. Le réacteur vous serine de ne pas vous en faire... A gauche, l'impossible se targue de pouvoir convoquer Deleuze, balayer Descartes d'un revers de la main. Traiter Kant, ou Hegel, de farceur. A droite, la nuit s'échine à fertiliser le jour qui décline. Se devine, brusquement, la géométrie inquiétante des pistes d'atterrissage.  A gauche vous perdez pied. Vous accepteriez n'importe quoi pour que le furibard se taise une demi seconde. Une vague promesse de se revoir ? A droite, les guirlandes autoroutières, lessivées de pluie, chapelets d'antibrouillards et feux clignotants, se rapprochent dangereusement.
 A gauche vous avez tout faux. Le numéro dont vous avez, au final, accepté d'égrener le secret, se glisse dans la poche intérieure du veston.

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