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Anna Karénine ou les préjugés sans l’orgueil par Joe Wright (No spoiler)

Par Aurealisations

Anna Karénine

Aurélie en mode critique normale

 Le magazine du ciméma annoncait la nouvelle adaptation d’Anna Karénine par Joe Wright dans les catégories « Love love » et « Kleenex ». Après visionnage, il devient évident qu’ils ont oublié une colonne : « Intello ». Si l’œuvre de Tolstoï est sans aucun doute d’une complexité impressionnante, le réalisateur n’a pas trahi ce trait de caractère. Plus qu’un film nous relatant l’histoire d’Anna Karénine, peignant la trame sur une toile de salle obscure, Mr Wright  offre ici une adaptation dans ce que mot a de plus littéral. Tout comme le théâtre de cette tragédie, le réalisateur nous emmène d’un étage à l’autre, plus haut ou plus bas. Grâce à sa manière typique de filmer des scènes extrêmement longues sans changement de plans et au parti pris de tourner 90% des scènes dans un décor de théâtre qui se réajuste en même temps que les personnages se meuvent, ce film devient une danse dans laquelle tous les acteurs connaissent exactement les pas sous peine de casser le rythme.

Anna Karénine, femme d’un homme politique russe très influent, tombe amoureuse d’un jeune comte au détour d’un voyage chez son frère. Je ne vous dévoilerai rien si je précise que la liaison ne mettra pas 100 ans à éclore car cette relation dévastatrice va consumer les deux personnages comme un feu de paille. C’est l’histoire d’une passion, sur fond de conventions sociales qui entravent les véritables sentiments et s’opposent à toute inclination naturelle, et de l’hystérie conséquente du refus collectif au bonheur qui finira de précipiter l’affaire. Le casting à majorité britannique nous prouve que le cinéma de la Reine n’a rien à envier à Hollywood. Le vivier d’acteurs aux obligeances de la BBC et de la Working Title nous présente une nouvelle fois sa grâce, sa délicatesse et ses hommages.

Joe Wright, loin de tomber dans la répétition d’un Orgueil et Préjugés déjà merveilleux, dévoile son côté Baz Luhrmann. Plans de plusieurs minutes, décors de théâtre mouvants et transformatifs, pièces de vie frôlant le surréalisme et privilégiant le symbolisme plutôt que le pragmatisme déjà vu et revu du quotidien, transitions fuyantes, esthétiques parfois mythologiques et « médusantes », présages violents comme la littérature russe en a le secret (la locomotive et le cheval entre autres) et danses millimétrées : vous avez quasiment toujours un train de retard sur l’enchaînement du film tellement vous êtes occupé(e) à regarder le paysage. Grand paradoxe : si l’on ne voit pas les « coulisses » des personnages comme il en va de soi au théâtre (lorsque l’acteur disparaît de la scène, vous n’avez plus connaissance de ses actes), Wright choisit de nous montrer les coulisses du théâtre physique, du sol au plafond. Autre gros succès un peu déroutant au début mais qui ravira les amateurs d’orignal : ce film ne se déroule pas. Il vous porte au gré des courants de la tempête. L’histoire n’est pas racontée au fil de plusieurs enchaînements de décors intérieurs et extérieurs avec une ligne de temps logique.  Le seul fil conducteur ici est celui des émotions. C’est la seule trame que semble, à mon avis, avoir suivie Joe Wright. Aussi changeante, surprenante, aliénable et emportée que l’âme humaine.

C’est un tableau impressionniste. Des tâches de couleurs d’une palette immense distribuées telles des émotions ressenties qui formeront plus tard le canevas général du drame. L’histoire n’est pas vécue parle biais de faits mais par celui des sentiments humains. Ne cherchez pas les repères habituels. Joe Wright vous brouille les pistes à coups d’illusions d’optiques et de jeux de miroirs. Une réussite.

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