A hauteur d’un post tous les 5 mois sur ce blog, on va dire que Londres occupe plutôt bien l’agenda.
Si vous n’avez pas suivi, j’ai lancé en mai dernier une agence digitale intitulée French Ideas, à Londres, sur fonds propres et avec le soutien moral de mes proches et du vin de chez Tesco. L’histoire est passionnante, on grossit et déménage dans quelques semaines, grâce à des premiers clients fidèles et à la confiance acquise avec des gens de talents.
C’est parti pour quelques retours d’expérience. Ca n’engage que moi; mais toujours prêt à chicaner autour d’une pinte!
- C’est en ce moment #leweb de Loïc et Géraldine; j’ai par curiosité regardé le streaming sur “les” écosystèmes entrepreneuriaux européens. Et plusieurs choses m’ont choqué. A entendre certains intervenants tout au long de la journée, mais aussi autour du Silicon Roundabout londonien, ou encore lors de conférences dites “digitales”, on a l’impression que monter une entreprise basée autour du web passe nécessairement par un recours au système magique de Venture Capitalists, ce qui implique de devoir mener à bien toute une série de “pivots”. On va être clairs; je pense que cette image véhiculée est particulièrement fausse, et “misleading” comme on dit chez les Brits. Je pense même que le recours à ces VCs est déconseillé. Je m’explique:
- quand on monte un business, je pense qu’on le fait d’abord par soif d’aventures et d’indépendance; faire entrer le loup de la bergerie (c’est à dire en somme ne plus travailler pour vous mais avec un réseau de contraintes, à savoir les gens qui vous donnent des sous…) remet en cause ces postulats-ci. Ca correspond à avoir les désavantages du salariat sans les bénéfices de l’entrepreneur
- Un VC est là pour se faire des sous sur vous; en clair, il ne va pas attendre 20 ans avant de vous faire générer un peu de cash. Tant pis pour les tenanciers de l’idéologie libertarian, un VC veut que vous soyez profitables vite. Or pour de nombreuses start ups, la perspective d’une éventuelle profitabilité (j’entends au sens non pas de Mitch qui a pu s’acheter son 4×4 avec ses premiers 100K de dividendes, mais bien d’une profitabilité crédible sur des marchés financiers) n’est par essence pas atteignable de suite. Un VC peut donc vous conduire à une remise à plat de votre business model; pas parce que votre chaine de valeur est mauvaise, mais parce qu’elle ne “crache” pas assez vite.
- sur la question des industries à forte valeur ajoutée; certes des domaines requièrent une mise de départ ébouriffante (biotechnologies etc.). Et là, un tour de table non seulement se justifie mais est indispensable. Il n’empêche; tu as 22 ans et tu sais à peine compter sur tes dix doigts? Tu as fait une école de commerce et tu vas me faire croire que tu maitrises déjà suffisamment la recherche moléculaire pour en faire du business? Ok tu es exceptionnel. N’empêche que pour l’immense majorité des jeunes en soif d’entreprise, le niveau d’investissement de départ est vraisemblablement bas. Savoir construire un business plan cohérent avec une perspective d’équilibre à un an serait déjà un plus pour le bien commun. La mode est pourtant de “pitcher” en 1 minute à des gens qui ont l’air sérieux. En tant que Mad Man moderne, je n’ai jamais réussi à vendre du vent en moins de 30 minutes, café compris. Vous me dites comment les “entrepreneurs” seraient devenus des publicitaires? J’arrête ici sur les VCs mais vous m’aurez compris, on consacre – j’en ai bien peur – une pratique minoritaire comme s’il s’agissait du standard
- Sur les industries reliées au digital justement, Londres est particulièrement en avance. Les cafés, boutiques, associations, tous ont une présence digitale ou tentent d’activer digitalement un public réel. La concurrence est forte, n’empêche que les Brits ont de fait une habitude assez élevée de ces pratiques. Le niveau de créativité qu’on peut employer est donc à la mesure de ce que ces publics sont déjà prêts à vivre
- Les phénomènes de “clusters” ont sans doute un versant structurel (infrastructures, vivier d’opportunités locales, etc.). Je pense pourtant que le principal ressort est la proximité culturelle entre individus, en termes de valeur. Pas étonnant qu’en Californie, on souhaite se retrouver avec le sourire dans un garage: on est prêts à accepter un effort au prix d’une adhésion à ce qu’un travail à plusieurs pourrait donner. Il est là, le vrai pivot…
- Le “Social Media” en tant que tel n’est plus vraiment LE secteur le plus porteur du business; il est déjà à Londres absorbé dans une approche globale du digital et du marketing. Plusieurs raisons à celà: le community management est bien une fonction, pas un job (je persiste et signe); cette fonction est intégrée dans des jobs (depuis l’attaché de presse en passant par le vendeur du coin), packagée dans des services transversaux (ex: plus une solution d’intelligence économique n’intègre pas une analyse des conversations et des communautés), ou quasi automatisée (ex: les acheteurs médias doivent désormais composer avec les systèmes d’affilitation…)
- Emerge donc le “Social Design“…