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La fin du monde… et la cosmologie des Mayas

Par Cosmologik22

La réactualisation d’un mythe
Le vieux mythe de la fin du monde ressurgit. La date du grand cataclysme est fixée au 21 décembre 2012. Quelques uns s’y préparent sérieusement, d’autres commentent et citent maladroitement les prophéties Mayas.

Un simple changement de cycle
La culture maya est méconnue du grand public, cette distance permet de faire croire n’importe quoi. Le CNRS a mis en ligne une vidéo pédagogique très bien faite (http://www.cnrs.fr/cnrs-images/) pour contrer ces nombreuses erreurs.
Dans l’astronomie maya, le 21 décembre 2012 correspond à un changement de cycle, certainement pas à une fin de monde. Cette conception du temps, très précise, s’appuie sur un calendrier très élaboré typique de la culture maya.

Reconstruction du monde des anciens mayas (©Guillaume Duprat, Mondes, Mythes et images de l'univers, Seuil)

Reconstruction du monde des anciens mayas (©Guillaume Duprat, Mondes, Mythes et images de l’univers, Seuil)

La civilisation maya se développe en Amérique centrale, entre les hautes terres du Guatemala et la péninsule du Yucatán. Entre le VIe et le IXe siècle après J.-C., les cités mayas sont à leur apogée, puis elles sont désertées vers 900. La culture maya persiste et traverse le temps, dominée successivement par les Toltèques, les Aztèques, et les colons espagnols qui ont essayé de l’anéantir. Aujourd’hui beaucoup de Mayas sont christianisés mais on trouve encore dans leurs croyances des traces de la cosmologie de leurs prestigieux ancêtres.

L’OBSERVATION DU CIEL CHEZ LES MAYAS
Les aj k’inob, les prêtres du calendrier maya, étaient de grands observateurs des mouvements des astres. La lecture du ciel permettait de maîtriser l’agriculture, de prédire des événements, d’associer une créature surnaturelle à telle période, de choisir les rites appropriés. Les aj k’inob garantissaient
la prospérité de la communauté.

* Les calendriers
Le calendrier est fondé sur une base mathématique et un système d’écriture. Les Mayas utilisaient comme base de calcul le nombre 20 (système vigésimal). Pour transcrire les chiffres, les Mayas utilisaient soit une notation en points et traits, soit un glyphe figurant une tête.
Le calendrier rituel tzolk’in, signifiant en langue quiché « ordre des jours », correspond à une série de 260 jours (20 signes de jours combinés à 13 chiffres). Chacun des 260 jours a des caractéristiques plus ou moins favorables. Les plus anciennes traces sont des inscriptions sur pierre datant du Ve siècle après J.-C.. Il s’agit d’un probable emprunt aux peuples occidentaux et méridionaux Mixe et Zoque.
Le calendrier profane haab correspond à 18 mois de 20 jours auxquels sont ajoutés 5 jours, soit un total de 365 jours. Chaque mois est dédié à un protecteur, et les 5 jours restants étaient des jours de mauvais augure. Contrairement au calendrier tzolk’in, haab fait intervenir le zéro.
tzolk’in et haab furent combinés par les Mayas dans un cycle plus long appelé par les historiens « calendar round ». Trois cycles sont imbriqués, comme trois roues : 20 (jours du tzolk’in), 13 (chiffres du tzolk’in), et 365 (jours du haab). Au terme de 18 980 jours (52 années), on retrouve une date identique et le cycle se reproduit. La combinaison de tous ces cycles servait à calculer le temps écoulé.
Les Mayas multipliaient les nombres de jours par 18 ou 20 pour faciliter la mesure du temps :
1 kin = 1 jour
1 uinal = 20 jours
1 tun = 360 jours
1 katun = 7 200 jours
1 baktun = 144 000 jours.
A chaque nombre de jours correspond un glyphe, cette manière de compter est appelée « compte long ». En déchiffrant les stèles, on a pu dater les règnes des rois, les grands changements de cycle comme la création de notre monde (13 août 3314 av. J.-C.). Cette datation ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs et c’est cette date qui détermine le point de départ d’un cycle qui s’achève le 21 décembre 2012. Le 21/12/2012 n’est donc qu’une hypothèse de datation du changement de cycle du calendrier maya.

* Un ciel « étagé »
Le ciel étagé en 13 couches correspond à une croyance tardive, partagée avec les Aztèques. Le chiffre 13, singularité parmi les cosmologies traditionnelles, est lié au ciel et s’oppose aux 9 bandes souterraines de l’Inframonde. Associé au 9, le 13 est lié au comput du temps.

* Les deux visages de la Voie lactée
Dans le Popol Vuh la Voie Lactée est une route. Les deux jumeaux mythiques découvrent un carrefour d’où partent quatre chemins (rouge, vert, noir et blanc). En fait les chemins noir et blanc correspondent à une portion de la Voie Lactée qui forme une grande route, voire un anneau autour la terre. La Voie lactée croise l’écliptique en deux points, deux carrefours. Ces deux carrefours sont comme les deux têtes du dieu du ciel Itzamma. Cette représentation sous-jacente (postclassique) marque une continuité avec la représentation courante d’un monstre cosmique à deux têtes sur de nombreux bas-reliefs (période classique). Une thèse récente (Schele, 1993), plus marginale, associe La voie lactée à l’arbre cosmique au solstice d’été.

* Le zodiaque maya
Sur le Codex de Paris un cycle de 364 jours est divisé en 13 groupes de 28 jours. Les groupes d’étoiles
sont figurés sous forme d’animaux ou de créatures mythiques : oiseau (Balance), scorpion (Scorpion), poisson-serpent (Sagittaire), oiseau (Capricorne), chauve-souris (Verseau), squelette (Poisson), ocelot (Bélier), serpent à sonnette (Pléiades dans Taureau), tortue (Orion), oiseau (Gémeaux), grenouille (Cancer), pécari (Lion), non identifié (Vierge).

CARACTERISTIQUES DE LA COSMOLOGIE MAYA

* Une reconstruction complexe
Compte tenu de l’hétérogénéité, de la fragmentation des sources dans le temps et l’espace, cette cosmologie est une reconstruction délicate et complexe. Le « bricolage », caractéristique des cosmologies traditionnelles, trouve là un terrain fertile.

L’arbre cosmique, bas-relief du temple de la croix à Palenque (692 apr. J.-C.)

L’arbre cosmique, bas-relief du temple de la croix à Palenque (692 apr. J.-C.)

* Une cosmologie verticale
L’arbre cosmique est un axis mundi qui relie les 13 étages célestes aux 9 étages de l’Inframonde,dessinant une structure générale étagée. Les Mayas appelaient cet arbre Yaxche, l’« arbre vert ».* Une cosmologie horizontale : L’espace se déploie aussi sur un plan horizontal. L’« arbre vert » a la couleur qui symbolise le centre du cosmos. Aux 4 points cardinaux, des êtres surnaturels, des vieillards mythiques appelés bacabs supportent le ciel (Muluk = est/rouge, Ix = nord/blanc, Kawak = ouest/noir, Kan = sud/jaune). Chaque point cardinal correspond également à un arbre et un oiseau.

* Une cosmologie chamanique
L’arbre cosmique reliant la terre au ciel est un thème chamanique présent dans de nombreuses cosmologies amérindiennes. Le fromager (Ceiba pentandra) était un arbre sacré pour les Mayas.

* Une cosmologie… oubliée ?
Aujourd’hui, malgré la christianisation, des populations mayas (Tzotzil, Chamula, Quiché, Lacandón) ont conservé des traits de l’ancienne cosmologie, de diverses manières : structure spatiale horizontale, route du soleil, ciel étagé, notions de « coins du ciel », etc.

SOURCES
La cosmologie maya est un condensé d’astronomie, de mathématiques, de mythologie et de religion, je me suis donc basé sur les travaux récents d’historiens spécialisés dans ces différents domaines : Susan Milbrath, Linda Schele, Claude-François Baudez.
La civilisation maya prend racine dans la culture olmèque et s’étend sur plusieurs millénaires (de 2000 av. J.-C. à aujourd’hui). Le dessin correspond principalement à des croyances du postclassique (900-1500 apr. J.-C.). On suppose que certains traits remontent au classique (300-900 apr. J.-C.). Une continuité entre les cosmologies du classique et postclassique ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs. Les sources sont très hétéroclites :
- Mythes écrits en langue maya transcrits en latin : Le fameux Popol Vuh (« Livre du Conseil », langue quiché, 1555) contient des indices précieux sur la mythologie, la cosmogonie, la géographie de l’inframonde. Dans la tradition des livres de Prophéties, Le Chilam Balam de Chumayel (langue maya du Yucatà, XVIIe siècle) présente des informations sur la cosmogonie, la cosmographie, ainsi que sur le calendrier.
- Codex mayas originaux : Le Codex de Dresde (1200-1500 apr. J.-C. lieu d’origine inconnu) présente un calendrier avec un tableau d’éclipses, le déroulement complet de la cérémonie en l’honneur des quatre bacabs. Le Codex de Paris (350-1500 apr. J.-C. lieu d’origine inconnu) présente des prophéties, des rituels religieux, un calendrier, des figures associées à des constellations zodiacales.
- épigraphie et iconographie : Les bols peints, les écritures gravées, les nombreuses figures sculptées dans la pierre complètent la reconstruction de la cosmologie.

Bibliographaphie :
- Le Pop Vuh, Le Livre des événements, version de Adrián I. Chávez, Gallimard – collection L’Aube des Peuples, Paris, 1990 (édition espagnole : 1978).
- Le Popol Vuh, les dieux, les héros et les hommes de l’ancien Guatéméla, traduction Georges Raynaud, Maisonneuve, Paris, 2000 (1re édition 1925).
- B Baudez Claude-François, Une histoire de la religion des Mayas, Albin-michel, Paris, 2002.
- Le clézio, Les prophéties du Chilam Balam, Gallimard, Paris, 1991.
- Milbrath Susan, Star gods of the Maya – Astronomy in Art, folklore, and calendars, University of Texas Press, Austin, 1999.
- Schele Linda, Parker Joy, Freidel David, Maya Cosmos, Three thousand years on the shaman’s path, Harper, New York, 2001. (1re édition 1993).
- Voss Alexandre W., L’astronomie et les mathématiques, in Les Mayas, art et civilisation sous la dir. de Nikolai Grube, Köneman, Cologne 2000.
- Wagner Elisabeth, Les mythes de la création et la cosmographie maya, in Les Mayas, art et civilisation, Köneman, Cologne 2000.
compléments
- De La Garza Mercedes, Les forces sacrées de l’univers maya, in Les Mayas classiques, J. Maisonneuve editeur, Paris, 1998.
- Gendrop Paul, Les Mayas, PUF, Paris, 1999
- L Longhena maria, l’écriture maya, Flammarion, Paris, 1999.
- T Thompson Eric, Grandeur et décadence de la civilisation maya, éditions Payot, Paris, 1993 (1re édition anglaise 1954)



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