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Arbitrage de Nicholas Jarecki (2012)

Par Celine_diane

[Critique] ARBITRAGE de Nicholas Jarecki (2012)
Du point de vue du commun des mortels, Robert Miller (Richard Gere) a tout pour être heureux. La scène d’ouverture le présente d’ailleurs tout-puissant : dieu de la finance new-yorkaise, au top de sa forme, concluant un deal majeur le jour de son anniversaire, entouré des siens, de sa fille, de sa femme (Susan Sarandon). La machine ne tardera cependant pas à dérailler, sous l’œil fasciné de Nicholas Jarecki qui s’amuse, avec une cruauté assumée, à faire tomber les masques et mettre à nu son héros. D’un accident de voiture tragique où succombe sa maîtresse (courte mais intense prestation de Laetitia Casta), jaillit un crescendo de problèmes, sorte de bourbier-punition dans lequel s’enfonce petit à petit Miller, victime de ses mensonges, pris à la gorge par ses combines et autres fraudes. Jarecki, pendant ce temps, signe un petit thriller dramatique qui a de l’allure, rappelant les plaisirs coupables des années 80 et 90, influence Basic Instinct ou Liaison Fatale. Comme à l’époque, les femmes sont à la fois des dommages collatéraux de l’avidité et de la fascination pour le pouvoir des hommes, et des rappels à la conscience morale. La grande réussite de Jarecki est de faire du neuf avec du vieux, redonnant ses lettres de noblesse au genre (le suspense eighties), osant de surcroit engager un vieux de la vieille, un Gere convaincant, symbole même de ces années là. Si le tout baigne dans une atmosphère classe et classique, Arbitrage n’a rien de vieillot. Au contraire, il est clairement ancré dans son temps : froideur des buildings, menace de la crise, questionnement de la notion de réussite. 
Rien d’hystérique ni de trop métaphysique toutefois. Arbitrage, c’est un peu l’inverse formel du récent Cosmopolis de Cronenberg : caméra tranquille, sens du rythme, regard implacable pour violenter la figure du businessman contemporain. Jarecki n’en fait pas des tonnes et demeure solidement accroché à un classicisme charmant. Le propos prime ainsi sur la forme, sans que cette dernière en soit pour autant négligée. Arbitrage laisse alors vivre son anti-héros, laissant aux spectateurs le soin de se poser en juges. Et s’il déterre des questions archi rabattues qui accouchent sur des réponses tout aussi clichées (l’argent n’achète ni le respect, ni la vie, ni les sentiments), il le fait via une étude de caractère poussée qui accroche l’œil et l’attention. Il est surtout question pour lui de briser les apparences afin de révéler au grand jour les mirages illusoires d’un mode de vie et de pensée, l’argent et le pouvoir comme vacuités suprêmes. Le final, d’un cynisme simple mais tranchant, expose alors les vérités : le véritable châtiment n’est pas à trouver du côté de la justice, mais bien dans le regard que l’on se porte, et dans celui que l’on subit ; dans ces applaudissements factices, qui ne célèbrent qu’une image désincarnée, fantasme contemporain bâti sur du vide. 
[Critique] ARBITRAGE de Nicholas Jarecki (2012)


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