Observation, créativité, éclectisme
À mon sens, Léonard de Vinci alliait trois qualités essentielles qui font de lui un exemple pour tout médiateur technique.D'abord, l'observation. Il a beaucoup étudié la nature, dont il s'est inspiré dans plusieurs inventions. En particulier, il s'est intéressé à l'hydraulique (et a formulé une loi sur le débit de l'eau), à l'optique (sa maîtrise de la perspective en peinture en témoigne) et à l'anatomie.
Ses esquisses d'aéronefs sont notamment inspirées des animaux volants, oiseaux et chauves-souris. C'est clairement un précurseur du biomimétisme.
De même, un médiateur technique doit savoir observer à la fois le projet de son client, pour éviter de rater un détail essentiel (que le client oublie de mentionner tant cela lui paraît évident), et les choses que lui présentent ses contacts, afin de voir si un système technique ne répondant pas parfaitement au besoin du client ne pourrait pas être quelque peu adapté (avec un développement raisonnable).
Ensuite, la créativité. Nul doute que Vinci excellait dans ce domaine, à en juger par les inventions incroyablement en avance sur son temps, comme l'ancêtre du char, du scaphandre, du sous-marin, de l'hélicoptère, du parachute...
Je n'ai pas besoin de répéter ici à quel point la créativité est un élément essentiel de la démarche de médiation technique.
Enfin, l'éclectisme. Plus que tout autre, Léonard est un ingénieur et artiste éclectique, un touche-à-tout. Qu'on en juge : peinture, gravure, sculpture, métallurgie, mécanique, architecture, arts de la guerre, textile, horlogerie, véhicules, hydraulique, algorithmique, miroiterie sont autant de domaines qui sont évoqués sur la page Wikipédia consacrée à ce génie légendaire. Cette capacité à s'intéresser à toutes les techniques en fait une figure incontournable dans bien des domaines d'ingénierie moderne, ne serait-ce que parce qu'il a parfois imaginé un système encore d'actualité.
Encore une fois, cette qualité est nécessaire à toute médiation technique, dans la mesure où les solutions que les clients n'ont pas identifiées sont généralement à chercher dans des domaines différents, qu'il faut savoir fréquenter pour une mission donnée.
Mais plus généralement il est très utile de rencontrer divers corps de métiers indépendamment de toute mission, dans l'optique de penser ultérieurement à des secteurs originaux quand il s'agira d'être créatif.
Une esquisse n'est pas une solution
Sans vouloir retirer quoi que ce soit au génie de Léonard de Vinci, il est important de noter qu'il lui manquait quelques éléments pour en faire un véritable médiateur technique avant l'heure.En effet, un grand nombre d'inventions qu'il a imaginé ne sont tout simplement pas fonctionnelles. Ainsi, son hélicoptère vous donnerait le mal de mer sans pour autant décoller, et je vous déconseille vivement de tester son parachute !
En effet, il a souvent imaginé des concepts techniques en s'inspirant de la nature ou des solutions existantes de l'époque, mais sans véritablement aller jusqu'à la réalisation. Or bon nombre de ces concepts nécessitaient des solutions techniques qui ne s'avéreront disponibles que bien plus tard, comme le moteur, ou auraient dus être repensés en tenant compte de savoirs technico-scientifiques inaccessibles à l'époque, comme la mécanique des fluides.
Et cela, d'une certaine manière, c'est ce qui fait le charme de Vinci aujourd'hui, mais qui manquait à ses projets à l'époque : la concrétisation. Il n'avait pas besoin de trouver une solution qui fonctionne. C'est plusieurs siècles après que la concrétisation a eu (parfois) lieu, et c'est ce qui en fait un visionnaire.
Or un médiateur technique a ce devoir, car ses clients n'ont rien de François 1er ou d'un mécène : ils veulent une solution qui marche. Et c'est cet engagement de trouver une solution pleinement fonctionnelle qui sépare Leonardo di ser Piero da Vinci du médiateur technique moderne.