Titre original : Melancholia
Note:
Origines : Danemark/France/Suède/Allemagne
Réalisateur : Lars Von Trier
Distribution : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, John Hurt, Stellan Skarsgård, Alexander Skarsgård, Udo Kier, Charlotte Rampling, Jesper Christensen…
Genre : Drame
Date de sortie : 10 août 2011
Le Pitch :
Juliette et Michael fêtent leur mariage en grande pompe dans la luxueuse propriété de Claire, la sœur de la mariée, et de son mari, le richissime John. Pendant ce temps, Melancholia, une énorme planète, se dirige dangereusement vers la Terre. De quoi animer la noce. Ou pas…
La Critique :
Melancholia est l’exemple typique du film au sujet à controverse. D’un côté, les fans hardcore du réalisateur danois, seront prêt à analyser le moindre plan et à voir dans le plus petit mouvement de caméra une preuve édifiante du génie de celui, qui s’est hissé depuis le début de sa carrière tout en haut d’un mouvement (le Dogme) qu’il a largement contribué à créer et à nourrir. De l’autre, les détracteurs du bougre, n’auront de cesse de démonter dans les règles chacun de ses nouveaux essais et seront avec à la fête, avec Melancholia, qui tend presque la croupe pour se faire flageller.
Ceci dit, Melancholia est indéniablement une véritable expérience de cinéma. Une œuvre dense et fourre-tout, qui malgré ses très nombreux défauts et son ridicule récurent, distille quelque chose qui ne saurait laisser de marbre. Et c’est précisément ce « quelque chose » qu’il est difficile d’identifier.
Tout d’abord, reconnaissons au film de Von Trier cette faculté à brouiller les pistes. Film sur la fin du monde sur le papier, Melancholia ne s’attaque vraiment à cette thématique que lors de sa seconde partie. La première heure s’attardant sur les noces de Juliette, l’une des deux sœurs du film. Incarnée par une Kristen Dunst solaire (un soleil noir alors), Juliette personnifie la face sombre du duo qu’elle compose avec Claire, sa frangine (Charlotte Gainsbourg). Deux parties, pour deux sœurs, aussi différentes que finalement complémentaires, animées par un sens des contradictions souvent irritant et par une mécanique amour/haine pour le coup plutôt pertinente.
Juliette, blondinette au décolleté affriolant, déprime et imprègne quasiment de force son état d’esprit sur un mariage qui tel une pomme, se laisse dévorer par un vers, pour finir par pourrir sur place. Tout est joué d’avance dès les premières images et les personnages des parents, du mari, du beau-frère ou du patron, de n’être finalement que des branches auxquelles l’héroïne s’accroche sans que ces dernières n’arrivent à freiner sa chute. Dans cette logique super sombre, animée par une dépression bien touffue, Von Trier se fond lui-même dans le personnage de Kristen Dunst et livre au final une version schizo-catatonique de la scène du mariage de Voyage au bout de l’enfer (qui selon le réalisateur fut sa première source d’inspiration), sans pourtant arriver à égaler la force évocatrice de celle-ci. Il n’est alors nullement question d’une quelconque planète meurtrière, ni de fin du monde, mais juste de gâteau à couper et de l’utilité de se marier à proximité d’un golf pour au choix, se soulager sur le green, ou alors entreprendre un rapport sexuel dans un bunker.
En cela, Kristen Dunst livre globalement une prestation remarquable, qui justifie pleinement son Prix d’interprétation cannois. Assez discrète depuis quelques années, la comédienne américaine n’a pas choisi la facilité pour effectuer son retour et le résultat force l’admiration. Tour à tour désirable, détestable et glamour, cette version adulte de la Virgin Suicide des débuts, habite le film tout du long et illustre le passage définitif à l’age adulte d’une actrice de talent.
On passe ensuite à la deuxième partie intitulée Claire, qui aborde enfin la question de la fin du monde. La planète qui déboule d’ailleurs comme un cheveu sur la soupe via une scène ridicule et donc involontairement risible où Kiefer Sutherland explique à Charlotte Gainsbourg que non, ils ne vont pas mourir et que oui, tout ira bien. De son côté, Juliette, plus dépressive que jamais, broie du noir et passe son temps à bouffer de la confiture à même le pot, ne sortant que pour s’allonger toute nue au bord de l’eau. Une scène attendue mais complètement à la ramasse, aussi inutile (si on excepte le fait que c’est la première fois que Kristen Dunst se dévoile autant dans un film) que grotesquement orchestrée (arg la musique).
Entre les deux sœurs, Kiefer Sutherland fait son train-train, sans torturer personne, et finit, de par son manque d’épaisseur et le ridicule inhérent à beaucoup de ses scènes, de donner au film une aura très féministe. L’homme est en effet décrit dans Melancholia comme une entité lâche et faible, face à un corps féminin incapable de faire dans la demi-mesure. On pourra y voir ou non une preuve supplémentaire du caractère machiste de Von Trier, c’est selon…
Côté réalisation, Melancholia ressemble à une vaste peinture. Souvent gerbant (mais c’est du dogme, donc la caméra tremble…) et parfois beau, le long-métrage fait office de fresque plastique parcourue de fulgurances visuelles, dont on retiendra surtout les dernières scènes, magnifiques, poétiques, perturbantes et ô surprise, vraiment spectaculaires (pas dans le sens Michael Bay du terme non plus hein…). De quoi oublier la douloureuse et insupportable introduction, sorte de longue masturbation esthétique, foutraque et riche en ralentis maniérés, qui a pour seul mérite de donner une furieusement envie de sortir illico presto de la salle demander le remboursement de sa place.
Mais non, il fait tenir le coup, car sous ses aspects de longue pub pour des serviettes hygiéniques, Melancholia reste un film unique. Une œuvre personnelle, plus ou moins hermétique, originale, qui arrive à exister à travers ses nombreux petits défauts et ses quelques grandes qualités.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Les Films du Losange