Souvent, les gens ne comprennent pas que, pour comprendre une tradition, il faut la trahir. La raison en est pourtant fort simple : toute tradition tend à se fixer et à se figer dans une gangue qui est censée la protéger. Du coup, la tradition empêche la transmission. Dès lors, il n'y a que la rupture avec la forme pour retrouver le fond.
Voici un exemple : Yoshinori Kono. L'un des artistes martiaux les plus célèbres du Japon. Formé aux écoles anciennes, il évolue sans cesse. Il réfléchit, prend du recul et remet tout en question, même les principes sacro-saints. Voyez-le dans cette vidéo récente : il tient son sabre les mains rapprochées, au lieu de les tenir éloignées d'environ vingt centimètre. Un sacrilège incroyable !
Sa recherche d'efficacité est inspirée par sa vaste culture des documents disponibles sur le Japon ancien. Mais ce cheminement l'amène à violer ce que tout le monde imagine sur ce Japon ancien, y-compris ce qu'affirment les experts et les vieux maîtres patrons d'organisations prestigieuses. Parfois, on le voit se rapprocher d'un Masaaki Hatsumi, un "ninja" excentrique, décrié et situé aux antipodes de l'idéal des guerriers samouraï tel que l'on se le représente. Du coup, sa recherche n'intéresse pas seulement les fans d'arts martiaux et de culture japonaise médiévale, mais tout les gens curieux du corps et de ce que l'on peut faire avec. Parce qu'il approche une tradition singulière avec l'esprit curieux, assoiffé de vérité, il finit par aller vers l'universel.
J'estime qu'il en va de même pour toute tradition. "L'esprit du débutant" est pour moi cet esprit de recherche qui n'hésite pas à s'éloigner de la lettre d'une tradition pour mieux retrouver son esprit, son sens et sa valeur.