Roman - Editions Babel (Actes Sud) - 247 pages - 7.50 €
Parution en 2008
L'histoire : Catane, un jour de marché... Une femme suit un homme... qui finit par la reconnaître et l'invite chez elle. Cette femme, il l'a rencontrée il y a deux ans, sur le pont d'un bateau d'immigrants clandestins. Lui, le commandant Piracci, navigue jour et nuit pour intercepter, ou sauver ces malheureux depuis 20 ans... La femme lui demande une arme, pour se venger....
Parallèlement, au Soudan, deux frères s'apprêtent à quitter leur pays, à entamer ce grand voyage vers l'Europe, voyage qui pour certains, dure des années... Des années pour rejoindre l'Edorado.
Tentation :curiosité, envie de découvrir l'auteur.
Fournisseur : Ma PAL
Mon humble avis : Quel livre ! Il m'a prise aux tripes, noué la gorge, ouvert les yeux, révulsée et révoltée devant la vérité qu'il dévoile, et fascinée devant ces portraits de gens qui ont un courage hors du commun... Devant lesquels je suis si petite, si insignifiante.
Eldorado est un peu une immersion totale dans le monde des immigrés clandestins et ceux chargés de les traqués. Ces immigrés qui paient une fortune des passeurs pour monter par centaines dans des bateaux insalubres.... Entassés, puis abandonnés par l'équipage, donc promis à des morts certaines. Ces personnes qui fuient la pauvreté se fient à des gens, souvent de leurs concitoyens, qui n'ont aucune pitié à les saigner aux 4 veines tout en leur réservant un sort funeste. Des criminels impunis, de la pire espèce. D'autres passeurs emmènent leurs clients crédules dans des lieux isolés, et là, les tabasses à mort et leur volent leur dernière richesse.... Première constatation : La pourriture humaine est partout, que ce soit dans les pays pauvres ou les pays riches.
Enfin, il y a ce témoignage poignant du commandant Salvatore Piracci, qui de sa frégate, est gardien de la citadelle. Il parcourt la Méditerrannée à la recherche de ces bateaux emplis de clandestins, pour que cesse ce trafic et ce flux migratoire toujours plus important. C'est là que jaillit toute l'ambiguïté du métier de cet homme, c'est là que nous, lecteurs, nous sentons le plus concernés par cette état de fait... Lorsque la frégate de Piracci approche d'une embarcation, il ne sait jamais s'il va trouver des cadavres ou des êtres vivants, ou des survivants, hagards, après des jours d'errance sans eau, sans ombre... Tantôt, lors de l'abordage, c'est la crainte qu'il lit dans les yeux des immigrants qui constatent leur échec, tantôt, c'est la joie d'être sauvés, tantôt il n'y a plus rien dans le regard, ni joie ni peur.... Piracci passe autant de temps à sauver des hommes qui, par la suite, seront arrêtés, mis dans un camp, puis renvoyés dans leur pays.... Avant de revenir dans un an ou dans 10. Un jour où un clandestin demande à Piracci de le sauver tout à fait en le cachant, celui ci refuse... Piracci réalise que sa vie, son métier n'ont plus de sens.... Commence alors pour lui une vie d'errance... qui me convaincra un peu moins sur la fin, mais ce bémol est si minime qu'il n'ôte en rien la qualité de ce roman.
Eldorado est un roman qui amène moult réflexions personnelles devant ces gens qui doivent déployer tant de hargne et de courage, perdre tant aussi pour entrer chez nous en Europe, leur Elodorado. Certains en paient de leur vie, d'autres de celles de leurs enfants... Et paient leurs passeurs 5 fois plus cher qu'un billet d'avion...
Leur Elorado est chez nous. Le nôtre est parfois chez eux, mais juste pour quelques jours de vacances ensoleillés.
Quand je constate que grâce à mon passeport français, je bondis de frontières en frontières, en bateau, en avion, au gré de mes envies (bon de mes moyens aussi) mais toujours pour mon plaisir, en TOUTE LIBERTE. Mon passeport Français me permet d'aller là où bon me semble, parfois juste pour le prix modeste d'un visa qui ne m'est jamais refusé. Et quand j'en vois qui crachent sur cette liberté là, cela me donne envie de vomir.
Mais heureusement, il y a des personnages qui, comme celui de Soleiman, donnent encore envie de croire en l'homme et font dire que celui ci mérite bien plus sa place en Europe que certains Européens de souche... Encore une fois, tout n'est qu'une question de valeur, et la solution n'est pas née, ni nette !
Lisez ce livre, il est poignant et enrichissant de la force, de la ténacité de ceux qui n'ont rien que l'espoir. Et l'écriture est juste sublime. Elle semble douce, et pourtant l'ensemble est un véritable hupper cut
"Elle lui avait offert cela, peut-être, la giffle des pauvres, l'impérieux besoin de désirer"
Lecture commune avec Enna
En lançant mon challenge Des Livres et des îles, je voyais plutôt cocotiers et eaux turquoises... Et bien non... C'est aussi Lampedusa, en sicile...là où sont parqués les immigrants arrêtés.
Dans la catégorie lieu.... imaginaire...