Aurélie en mode (presque) bucolique
Au détour d’une exposition dominicale, j’ai découvert le 104, un établissement se définissant comme un lieu de recherche et d’innovation artistique et de vie culturelle. Ayant fait office de service municipal des pompes funèbres pendant 88 ans, cet espace abrite désormais plusieurs formes d’art modernes, ludiques et populaires et notamment l’objet de ma visite : l’exposition temporaire du musée des Coeurs brisés de Zagreb.
La cynique en moi a tout de suite accroché au thème de cette ingénieuse initiative. Grâce à une collecte un peu spéciale, ce musée a réuni plusieurs objets donnés par des anonymes pour l’élaboration de ce sanctuaire de reliques sentimentales banales… ou non.
Ainsi, nous retrouvons dans cet ancien bâtiment, dédié au deuil, des vestiges de relations amoureuses classiques (des vêtements, des parfums, des lettres, un téléphone avec répondeur, une robe de mariée rouge rubis assortie du commentaire « J’ai fini de payer la robe et le prêt bancaire du mariage », un porte-clé d’une moitié de coeur, une guitare, un cookie, une brosse à dents, des boucles d’oreilles, l’album photo de mariage d’une Anglaise dépitée et d’un mari qui ne sait pas encore qu’il va se tirer ((c’est ça que je trouve très cruel à propos des photos de mariage…)), du shampoing…) mais aussi des objets insolites censés représenter tout un symbole de relation.
Dans cette catégorie, nous placerons un un test positif à l’héroïne, un pic à viande, une plainte pour viol, un chapelet, un récipient à larmes encore rempli mais jamais envoyé à la personne à l’origine de ces substances lacrymales, un vibromasseur et un taser… entre autres.
Enfin, certains ont conservé un certain sens de l’humour même si la fin fût abrupte : une demoiselle a fait don d’un frisbee que son amoureux lui avait acheté pour fêter leur anniversaire de rencontre et elle se dit qu’il aurait dû se douter qu’un cadeau pareil lui « reviendrait bien dans la gueule un jour » ; un déçu a légué un DVD intitulé « Dumped » (traduction : « Largué »), un connaisseur informatique a retourné un routeur Internet en invoquant un « problème de compatibilité » ; une Américaine a envoyé un livre sur Jim Morrison, offert par son petit-ami de l’époque, mais ça, c’était avant qu’il ne harcèle ses parents pendant des mois et qu’il ne change de sexe en usurpant son identité ; et pour finir, comme pour faire écho à un épisode de Sex and The City, un post-it disant (en gros) « Je suis désolé. Je ne peux pas. Ce n’est pas de ta faute. » laissé par un amant marié qui s’est fait la malle au bout de 3 jours de vie commune avec sa maîtresse pour aller rejoindre sa légitime.
Pour finir cette visite un peu décalée, nous avons atterri un peu par hasard dans une volière où de petits oiseaux tout mignons appelés Mandarins se posent sur des guitares électriques reliées à des baffles Fender (ça rigole pas). C’est l’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot : « From Here to Ear ». Grâce à leurs petites pattes, ces cuicuis perchés dans des nids suspendus nous offrent un concert sur gratte sans aucune fausse note rien qu’en virevoltant autour de nous.
Pour sûr, une exposition sur les coeurs brisés suivie d’un concert ornitho-symphonique, ce fut un après-midi bucolique dans un univers à la frontière du réel !