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"Le Fléau" de Stephen King

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins
La semaine dernière, c’était les vacances, enfin pour moi. Et comme bien souvent, elles furent lentes, simples et épicuriennes. Paris a déjà compris que l’été n’avait plus d’indien que le bleu de son ciel, et déjà fleurissent les doudounes et kleenex. Il reste néanmoins quelques endroits  oubliés des hommes et des dieux où l’on peut encore manger dehors sans risquer une amputation. L’air est à peine frais, le café dilué et le temps s’écoule plus lentement. Pour le pire ou le meilleur, tout est assumé, la barbe est absente ou trop franche et l’on ne manie pas l’ironie. Peu d’ordinateur blanc laqué à la terrasse des cafés, pas de jeunes architectes de retour de Hambourg. Ici, le hamburger ne coûte pas 30 euros et l’on n’affiche pas ses quatorze petits producteurs chéris en évidence sur l’ardoise, les vrais gens tout ça. Alors allons-y franchement, en jogging d’intérieur et sweat capuche, une tasse promotionnelle dans une main et un gros Stephen King sous le coude.

L’avis de JB

Pas meilleur que le (télé)film
Vous l’aurez compris, vacances riment souvent avec plaisir régressif chez moi. Et vlan, un deuxième Stephen King cette année. Je l’avais tellement sur-défendu lors de ma dernière critique que je me suis senti obligé de renouveler l’expérience. Sorti en 1978, puis augmenté en 1990, « y incluant de nombreux passages qui avaient été supprimés par l'éditeur lors de la première version et modifiant également plusieurs références culturelles pour les réactualiser » (source Wikipédia). C’est cette dernière version que j’ai donc acquis, ou plutôt son tome 1 de 750 pages bien tassées. L’armée a encore joué avec le divin, et voilà qu’un virus ultra mortel, ultra résistant, ultra contagieux se déverse sur les Etats-Unis. 99,4% de population en moins plus tard, reste un groupe de survivants disséminé à travers le pays, qui tente de survivre au milieu des décombres. Heureusement pour nos quelques Noés, le salut semble possible par l’intermédiaire de Mère Abigaël, une « vieille femme noire de cent huit ans » (quatrième de couverture) qu’ils voient en rêve. Dans le rôle du méchant, Randall Flagg, aka L’Homme sans visage, que ni la majuscule ni ses homonymes (« La tour sombre », « les yeux du dragon ») ne sauveront aujourd’hui.
Permettez-moi d’être honnête tout de suite, je n’ai pas pu dépasser la page 477. J’ai senti que les 300 pages restantes et la perspective d’un second tome auraient raison de moi. Et pourtant, vous allez le lire, j’ai été plutôt vaillant.
L’histoire est juste « déjà vue » (vous pouvez prendre l’accent) des milliers de fois, mais l’argument n’est jamais rédhibitoire. Oncle Sam se joue de nous, l’armée contrôle tout et étouffe l’information du petit peuple qui cravache dans les champs, pourquoi pas. Le coup de l’uber virus qui ne sauve que quelques élus, ok. Tout va très vite, et en quelques centaines de pages, la table est propre et le récit peut commencer. Problème, le scénario est aussi fade qu’une soupe détox, et on s’ennuie, mais alors très vite. Des dizaines de pages à nous raconter le quotidien de plusieurs personnages sans reliefs. Le faux rocker sans le sou au cœur tendre qui rentre chez maman, la féministe qui rentre aussi chez maman, le gentil peintre et son chien, le jeune sourd-muet afro-américain pris d’affection par le shérif redneck sont autant de réjouissances qui hantent les pages de l’ouvrage. Scenario bateau, personnages « flaco », il ne se passe rien, King nous raconte la vie de ses moutons pendant d’interminables dizaines de pages, en témoigne l’interminable quotidien de Larry (c’est le rocker) et Rita à Manhattan.  Bon, il n’y a pas non plus d’ambiance, les faits s’enchainent autour de nos personnages chéris, répétitifs et dissonants.
Stephen se moque de moi
J’aime quand King écrit, structure et déraille. Quand il essaye de faire peur, quand il essaye de toucher l’enfant chez son lecteur, quand il peinture son livre d’une ambiance qui sent la friture et la crasse. L’auteur aime les loosers qui restent à leur place, meurent ou rechutent. Il y a une fatalité que j’aime, dans ses romans, et qui me fait oublier son écriture très collégiale et les longueurs récurrentes dans ses récits. Mais là, je me sens comme trahi. Beaucoup de bons sentiments, des longueurs qui infestent chaque chapitre, un rythme trop lent qui se fond dans une histoire trop molle,  et comme on ne vient pas à Stephen King pour lire du Yourcenar, l’écriture est incapable de jouer les super-héros.
Trois hypothèses pour expliquer la débâcle :
  •   L’édition augmentée est une erreur qui rend le récit obèse et indigeste. Un caprice de l’auteur si l’on en croit la préface.
  •   L’ouvrage était mort-né, si l’on en croit l’ambition et les références de l’auteur : « Dans son essai "Anatomie de l'horreur", Stephen King explique qu'à l'origine du Fléau se trouve un roman qu'il voulait écrire en prenant comme base l'affaire Patty Hearst. Comme le livre n'avançait pas, son histoire s'est alors transformée pour devenir un récit post-apocalyptique, après qu'il eut vu un reportage sur la guerre chimique et biologique, et avec La Terre demeure, roman de George R. Stewart, comme source d'inspiration principale1. D'autre part, King avait toujours eu comme ambition d'écrire un récit épique, une sorte de Seigneur des Anneaux replacé dans l'Amérique contemporaine, et a intégré cet aspect à son roman, le personnage de Stu Redman jouant le rôle de Frodon Sacquet, Randall Flagg celui de Sauron, et Las Vegas étant sa représentation du Mordor. » (source Wikipédia).  Ben bien sûr, quelle bonne idée !
  •  Focalisé sur le méchant Oncle Sam, manipulation  et tout ça, King a oublié d’écrire un roman.
Une petite lumière semble arrivait plus tard :
« Dans « Écriture : Mémoires d'un métier », King révèle qu'il fut atteint par le blocage de l'écrivain pendant l'écriture du Fléau et qu'il finit par réaliser que ses héros étaient devenus trop suffisants et qu'ils répétaient les erreurs du passé. Il a alors trouvé le moyen de faire redémarrer l'histoire avec l'histoire du départ de Mère Abigaël et de la bombe placée par Harold Lauder et Nadine Cross, afin de punir ses héros. » (Source Wikipédia).
Certes, mais quand on a attendu 500 pages, on a plus que laissé sa chance à l’ouvrage…
A lire ou pas ?
Ben non. Je vous parlerai bientôt d’une autre production de l’auteur, qui mérite vraiment le détour. En attendant si, par malheur, « Le fléau » tombe entre vos mains, vous serez prévenus : le Bdb veille au grain…
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