Mais ces deux notions sont différentes, même si elles se recoupent largement.
La résolution de problème non innovante
En fait, la résolution de problèmes est le métier de beaucoup de gens, notamment dans le domaine technique.Ainsi, lorsqu'un service de maintenance intervient sur un équipement industriel suite à une panne, il doit résoudre le problème de l'utilisateur : son équipement ne marche pas, comment faire pour qu'il marche ?
Dans ce cas, il n'est généralement pas nécessaire d'être innovant pour diagnostiquer, puis résoudre le problème. Le spécialiste de la maintenance s'appuie au contraire sur ses connaissances théoriques ("la jauge Machin est dans le rouge, c'est que la batterie est à plat") ou empiriques ("ça ressemble à un cas que j'ai déjà vu"), toutes issues d'une expérience antérieure, la sienne ou bien celle des gens qui l'ont formé.
Ce n'est donc pas nouveau, et par conséquent pas innovant.
Autre exemple : l'ingénieur de bureau d'étude doit généralement concevoir des solutions adaptées aux besoins toujours différents des clients. Mais dans la grande majorité des situations, il peut s'appuyer sur des situations antérieures acquises par l'expérience ou la formation, un peu à la manière du joueur de Lego : il suffit souvent de combiner d'une manière nouvelle des "briques élémentaires". Le mécanicien pourra ainsi utiliser un joint de Cardan pour traiter un problème de transmission.
Dans ce cas, il y a un aspect nouveau, mais on est à mon sens assez loin de l'innovation ; il s'agit plutôt de créativité. On attend d'une solution innovante qu'elle ne soit pas aisée à proposer par l'homme de l'art, pour reprendre une notion de brevetabilité, or il est vraisemblable que la plupart du temps, un autre ingénieur de bureau d'étude dans le même domaine trouvera une solution similaire, sinon identique.
L'innovation qui ne résout aucun problème
D'un autre côté, certaines innovations n'ont pas vocation à résoudre un problème.Un exemple criant est Twitter. Ce service étonnant au succès fulgurant n'a pas cherché à résoudre un problème bien identifié. Ce n'était au fond qu'un nouveau mode d'expression, dont seuls l'usage et l'adoption massive ont révélé les vertus qui en ont fait le hit qu'on connaît :
- contacts nouveaux,
- prospection commerciale, publicité,
- veille sur tous sujets, des plus triviaux ("actu people") aux plus élaborés (veille technologique ou concurrentielle),
- coordination pour organiser une révolution comme en Tunisie et en Égypte (encore que ce point soit débattu)...
L'innovation à succès peut, et doit probablement, résoudre un problème et répondre à un besoin a posteriori. C'est sans doute pour cela qu'on confond parfois l'innovation avec la résolution de problèmes. Mais ce n'est pas toujours le cas a priori.
En effet, l'innovateur ne sait pas toujours à quel besoin son innovation va répondre in fine, et ce besoin n'est pas forcément explicite. Parfois, l'innovation paraît simplement "cool". Parfois, l'innovateur croit qu'il résout un problème précis, mais les utilisateurs l'utilisent pour tout autre chose.
Ce qui m'amène à une autre situation d'innovation ou l'on s'éloigne sensiblement de la résolution de problèmes : la sérendipité, ou si vous préférez, le coup de bol. L'innovation peut vous tomber toute cuite dans l'assiette, sans que vous ayez fait un effort spécifique. Par exemple, le post-it est une invention de ce type : alors que des chercheurs de 3M cherchaient à développer une nouvelle colle ultra-forte, l'une de leurs formulations se révéla peu collante. Toutefois, il s'avéra que cette colle pouvait permettre un décollage et un recollage presque à volonté.
Le post-il résout un problème : comment attacher de manière réversible un papier sur une surface ? Dans ce cas, la solution a précédé le problème, et on ne peut pas réellement parler de résolution de problème dans la mesure où les inventeurs n'ont pas cherché activement à résoudre ce problème. Mais c'est une innovation majeure que chacun connaît aujourd'hui.
Quand innovation et résolution de problèmes vont de paire
Alors, quand peut-on dire que l'innovation et la résolution de problèmes se superposent ?Je pense qu'il y a trois critères qui permettent de dire qu'on est en présence d'un résolution de problème innovante :
- Quand le problème à résoudre est identifié (sinon, ce n'est pas de la résolution de problème).
- Quand les solutions connues sont écartées (sinon, ce n'est pas innovant).
- Quand on veut résoudre le problème.
Parmi ces critères, le second présente deux alternatives possibles :
- soit on ne dispose tout simplement pas de solutions connues,
- soit il y en a, mais on veut délibérément les ignorer.
La seconde est de l'innovation "décidée", et correspond à une minorité d'entreprises dont la stratégie est basée sur l'innovation. Ce sont généralement des entreprises de secteurs d'activité très dynamiques en termes d'évolution technologique. La résolution de problème est alors une méthode d'innovation.
Et la médiation technique ?
Les deux, mon général. Apporter une solution technologique éprouvée dans l'industrie navale à un problème actuel de l'industrie verrière conduit presque certainement à innover dans cette dernière.
La médiation technique est donc une méthode originale de résolution de problèmes, ainsi qu'un outil d'innovation ouverte.