Comédien et réalisateur de films courts, Solal Bouloudnine mouille le maillot dans cette pièce au titre évocateur (photo D.R.)
Au moment où la planète foot est éclaboussée par l’affaire du Qatargate et un scandale sans précédent de matchs truqués visant plusieurs centaines de dirigeants de clubs, arbitres et joueurs, il est bon de se souvenir d’une époque hélas révolue où l’argent n’était pas encore roi au royaume du foot.
Il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître où le foot avait ses héros, ses légendes et même ses rebelles, des hommes courageux et des footballeurs talentueux qui ont porté avec fierté les couleurs de leur maillot, des personnalités qui se sont un jour opposées au pouvoir établi, au nom des valeurs de leur sport. Comme le brésilien Socrates qui, au début des années 80 en pleine dictature militaire, transforma chacun de ses matchs en meeting politique pour la démocratie. Il fut un temps où les supporters français pouvaient arborer fièrement leurs couleurs. Mais ça c’était avant l’Afrique du Sud et les caprices de milliardaires en short incapables de produire autre chose qu’un jeu ennuyeux dépourvu d’intelligence collective. Il fut un temps où la flamme de la passion n’était pas encore éteinte et où les grands matchs rassemblaient devant le petit écran des familles entières, les voisins et les amis, parfois tout un quartier, venant se joindre à la fête. Cette époque n’est pas si lointaine et pourtant déjà très éloignée.
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, les deux pieds dans la même chaussure, cramponnés à nos illusions. L’état de la planète foot nous renseigne sur l’état du monde et ça n’est pas beau à voir. Aussi il est bon de rouvrir un chapitre de la grande histoire du football afin que les plus jeunes apprennent qu’il fut un temps, comme disent les vieux cons, où on savait vivre et jouer au ballon. Pour la gloire, parfois pour la postérité, pour flirter avec les étoiles et devenir immortel en gagnant sa place dans le temple des idoles. L’arrogance n’avait pas encore remplacé le talent.
L’histoire s’inscrivait parfois à contretemps en faisant la nique aux bookmakers. Comme ce fameux match du 5 juillet 1982 à la fin duquel l’Italie avait déjouée les pronostics en devenant championne du monde face à la Séléçao. Davide Enia n’a rien trouvé de mieux que le théâtre-récit pour retranscrire chaque minute de ce match de foot qui rassembla devant le petit écran, dans une ferveur quasi-religieuse, plusieurs millions de téléspectateurs. 3 à 2 fut le score final de cette rencontre. C’est aussi le titre de la pièce écrite par cet auteur, acteur et metteur en scène né à Palerme qui a passé son enfance à courir derrière un ballon dans les rues, selon sa biographie officielle. En 2012 sur la scène de L’Espace de l’Huveaune, la pièce est rejouée lundi au théâtre Comoedia dans le cadre du festival région en Scène. Avec la complicité d’Alexandra Tobelain qui signe la mise en scène, de son acteur Solal Bouloudnine et du musicien Jean-Marc Montera, Davide Enia réussit ce challenge : transporter le public trente années en arrière devant le poste de télévision couleur acheté pour l’occasion par cette famille sicilienne, le véritable protagoniste de la pièce. A savourer en clair et sans abonnement.
Thierry GIL
Italie Brésil 3 à 2 / Compagnie Tandaim > Théâtre Comoedia, lundi 11 février 20h30. Renseignements au 04 42 18 19 88