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John Adams : Join or Die

Publié le 09 avril 2008 par Heather

La fin d'un semestre à la fac m'offre enfin quelques heures de battement pour retrouver les joies du net.

J'ai longuement hésité pour choisir mon sujet de retour. Il faut dire que ce début de mois d'avril est placé sous le signe d'une renaissance pour le sériephile frustré par ces quelques mois de grève américaine. Je voulais donc commencer par une note d'enthousiasme pour marquer la fin d'une période de disette.
Je pourrais bien entendu vous parler du season premiere de Battlestar Galactica diffusé vendredi dernier, qui marque le (faux) début de la fin (puisque la diffusion de la saison 4 sera coupée en deux par Sci-Fi). Je pourrais jubiler devant le season premiere de Doctor Who, de samedi dernier et vous dire combien l'équipe qui s'annonce entre le docteur et Donna me semble prometteuse et enthousiasmante, et combien Catherine Tate est extra.

Mais j'aimerais plutôt vous parler d'Histoire, avec un grand H. Serait-ce de la reprise de The Tudors sur Showtime, avec une saison 2 résolument plus sombre à défaut d'être plus rigoureuse historiquement parlant ? Même pas.

Non, je veux évoquer une mini-série enthousiasmante qui va bientôt toucher à sa fin, comportant sept trop courts épisodes, et qui complète merveilleusement le week-end du sériephile après les explosions de science-fiction du vendredi et du samedi soir. Une série qui manie l'histoire et la politique, pour le plus grand bonheur de la téléspectatrice que je suis et dont on n'a pas suffisamment vanté les mérites dans la petite sphère du web francophone.
Oui, vous avez deviné, je veux bien entendu parler de John Adams, mini-série diffusée sur HBO depuis mars dernier.

John Adams : Join or Die

De quoi ça parle ?
Basée sur la biographie écrite par David McCullough, John Adams explore l'Histoire américaine à travers la vie d'un de ses plus célèbres pères fondateurs : John Adams (30 octobre 1735 - 4 juillet 1826). Acteur important de la Révolution américaine, John Adams fut le premier vice-président des tous nouveaux États-Unis d'Amérique sous la présidence de Washington, il devint le deuxième président de ce pays (1797-1801). La série se propose de nous faire suivre à travers ce personnage historique la naissance tourmentée des Etats-Unis, du Massacre de Boston en 1770, au cours duquel il défendit les soldats britanniques accusés, jusqu'à sa mort en 1826, le même jour que son ami et opposant, Thomas Jefferson, cinquante ans jour pour jour après la déclaration d'Indépendance.

C'est avec qui ?
Paul Giamatti, Laura Linney, Stephen Dillane, Danny Huston, David Morse, Sarah Polley, Tom Wilkinson, Rufus Sewell...   

Petit plus sympathique : La mini-série nous offre un générique sobre, assorti d'une petite musique entraînante qui nous immerge dans ces jeunes années aux origines des Etats-Unis.  

Avis après le visionnage des cinq épisodes diffusés à ce jour (sur les sept que comptera la série) :

Intriguée par le sujet, mais aussi relativement méfiante au vu des antécédents américains pour traiter de cette période, c'est avec une certaine prudence que j'ai attaquée cette mini-série de HBO. Finalement, cette découverte fut une agréable surprise. Plus qu'un bon moment de télévision, certains épisodes se révèlent être vraiment de la grande télévision, comme on n'en voit pas suffisamment dans notre petit écran. 

Je me suis donc laissée prendre par le souffle d'une histoire que je connaissais au fond seulement dans les grandes lignes (défaut corrigé depuis par une descente effectuée au rayon consacré au sujet à la bibliothèque). J'ai aussi acheté la biographie de McCullough dont la série est tirée, mais ne la lirait qu'une fois la diffusion achevée, histoire de combler les blancs dans cette "histoire accélérée".
L'angle choisi par la série pour exposer les évènements reste très américain. Il ne s'agit pas de porter à controverse, mais seulement d'exposer d'un point de vue académique et relativement pédagogique ces années tumultueuses de la naissance des Etats-Unis. Chaque épisode couvre plusieurs années, suivant un certain fil rouge. Le premier épisode traite du Massacre de Boston. Le second (vraiment excellent) nous conduit à la Déclaration d'Indépendance. Le troisième nous permet de suivre Adams dans ses (vains) efforts diplomatiques pour demander l'aide de pays européens dans la guerre d'indépendance. Le quatrième suit la carrière diplomatique d'Adams, toujours en Europe, dans les premières années d'existence des Etats-Unis, se clôturant par l'élection de Washington à la présidence. Le cinquième (très convaincant !) évoque les années de frustration et de turbulences politiques de la présidence de Washington, Adams rongeant son frein, confiné au rôle qu'il découvre ingrat de vice-président. Deux épisodes restent encore à diffuser par HBO.

C'est une fiction en costume à la réalisation très figée. Il y a un côté théâtral, accentué par l'importance des débats et des discussions, où l'intérêt réside uniquement dans les arguments échangés. La densité des dialogues sont une des forces de la série -amateurs d'action passaient votre chemin. Dans cette perspective, l'épisode 2, qui se concentre sur les débats du deuxième congrès continental concernant l'opportunité de prononcer ou non l'indépendance, sont très illustratifs. Cet épisode est d'ailleurs excellent car il parvient à retranscrire l'ambiance électrique, les enjeux complexes et l'importante division initiale des treize colonies. Les orateurs rivalisent d'une éloquence souvent vaine, sans avancée significative, mais qui illustre le tumultueux processus qui a conduit à la Déclaration d'Indépendance.

Le sujet est incontestablement passionnant -il aiguisait dès le départ ma curiosité-, mais la façon de le traiter permet à la série d'atteindre un certain équilibre. Ce n'est pas un "docu-fiction", mais on n'évite pas non plus les discussions enflammées et l'exposé succinct d'idéologie philosophique diamétralement opposée. La mini-série sait parfaitement capter et retranscrire ce tourbillon d'idées que constitue la fin du XVIIIe siècle. Les épisodes 4 et 5 sont très révélateurs de cette approche, la révolution française venant un peu plus le trouble dans les rangs des pères fondateurs, radicalisant certaines positions. C'est à travers la relation entre Adams et Jefferson que la série choisit d'expliquer ce paysage complexe. On glisse peu à peu de l'amitié à des discussions qui se transforment en opposition, les manoeuvres politiques achèvent de consacrer cette rupture. Cette scission idéologique se retrouve sur la scène politique, et même au sein de la société américaine. Entre les partisans d'un pouvoir central fort pour qui le mot "ordre" est un leitmotiv, et les vues relativement anarchiques d'un Jefferson qui a gardé les accents révolutionnaires de son passage dans la France de 1789 ("the tree of liberty must be refreshed from time to time with the blood of patriots and tyrants" -Episode 5, "Unite or Die"), il y a une irréconciliable opposition dans la façon même de concevoir le rôle du gouvernement. La Constitution est encore jeune, quelle est l'interprétation qui prévaudra ?

La France, justement, n'est pas absente de la série. Envoyé en tant que représentant diplomatique pour obtenir de l'argent, les moeurs de la cour de Louis XVI seront fort peu au goût de John Adams. Le contraste entre le puritanisme protestant d'un habitant de la Nouvelle-Angleterre, et la décadence hédoniste de cette cour dans laquelle Benjamin Franklin, lui, se complaît pleinement, est vraiment saisissant. Abigail, venue rejoindre son mari, se laissera d'ailleurs séduire par ses frivolités parisiennes tout comme Jefferson. Les épisodes 3 et 4 se passent en majorité en Europe, nous immergeant dans les coulisses d'une diplomatie pragmatique, très rigide et formelle, ce qui n'est pas du goût du toujours très direct John Adams. Ce dernier devient d'ailleurs le premier ambassadeur des Etats-Unis en Angleterre : sa rencontre avec George III offre une confrontation impressionnante. 

John Adams : Join or Die

Cependant, en dépit de toute cette glorieuse compagnie, il convient de préciser que le sujet de la mini-série est bien la vie de John Adams, non spécifiquement ce paysage politique troublé. Nous suivons certes la vie publique de John Adams, qui se confond avec la naissance des Etats-Unis, mais aussi sa vie privée. Ses relations avec Abigail, épouse intelligente en avance sur son temps, mais également, ses liens plus conflictuels, avec ses enfants. L'intérêt de cette double perspective est de permettre au téléspectateur de découvrir aussi les moeurs de l'époque, et surtout les rapports d'autorité pouvant exister au sein de ces familles d'un certain standing, de la Nouvelle-Angleterre. Nous découvrons une autre facette de John Adams, qui régit d'une main de fer sa famille, patriarche plénipotentiaire qui ne saurait souffrir de la moindre contradiction. Mais là encore, la vie privée rejoindra, à terme, la vie publique. En effet, les Adams, deux siècles avant les Bush, inaugureront la première "dynastie" présidentielle. John Quincy Adams deviendra le sixième président des Etats-Unis. C'est donc le façonnement d'un futur président auquel nous avons droit, celui d'un fils contraint de suivre un chemin qu'il n'a pas choisi par un père qui tranpose sur lui ses propres ambitions.

Le casting est assez impressionnant. La prestation de Paul Giamatti fait débat aux Etats-Unis parmi les critiques. Trop frustré, il ne parviendrait pas à retranscrire pleinement la dimension intellectuelle de John Adams. La personnalité de l'homme étant elle-même sujette à certaines controverses, je vais laisser ce débat aux spécialistes et avoir un regard de simple téléspectatrice : Paul Giamatti sait rendre son personnage conflictuel, il fait passer toute la frustration et l'exaspération qui accompagne le personnage sans conteste brillant, mais impétueux et péremptoire qu'il incarne. Quant à savoir si c'est le "vrai" John Adams ou non, c'est un autre débat... Il est en tout cas bien secondé dans sa tâche par Laura Linney, qui joue une Abigail posée et réfléchie, femme en avance sur son temps à bien des égards, elle est sans doute la "conseillère" la plus écoutée de son mari.
Le casting des autres Pères Fondateurs se révèle tout aussi judicieux. Les sériephiles reconnaîtront un David Morse d'une stoïcité à toute épreuve (House MD) qui incarne un George Washington à l'aura quasi-mythique. Il surnage dans cette mêlée d'ambition. La mini-série s'attarde très (trop ?) peu sur ce personnage, mais l'épisode 5 permet de l'humaniser un peu. Tom Wilkinson incarne avec inspiration et talent un Benjamin Franklin tel que la mémoire collective s'en souvient, proprement réjouissant. Cependant, l'acteur qui tire le mieux son épingle du jeu est sans conteste Stephen Dillane, qui retranscrit parfaitement la complexité et la richesse d'un Thomas Jefferson nuancé, parfois contradictoire, mais toujours très intense. La série s'attarde d'ailleurs sur l'amitié -puis la rivalité- entre Adams et Jefferson, les épisodes 4 et 5 nous offrent notamment des échanges entre eux particulièrement réjouissants, débats philosophiques sur la nature humaine et la conception de l'Etat qui résument finalement des vues devenues classiques et irréconciliables.  

Le seul réel défaut de la série tient en réalité en son format : sept brefs épisodes d'une heure (même si un extra de vingt minutes est accordé au deuxième épisode consacré à la déclaration d'indépendance) pour résumer un demi-siècle d'Histoire, avec la complexité des évènements racontés, c'est bien trop court. Si chaque épisode s'ouvre sur une référence à une date précise, les années défilent ensuite au cours de l'épisode, sans plus de références explicites. Si bien qu'il faut quand même un minimum de connaissances des évènements pour que le téléspectateur suive la chronologie "synthétique/accélérée" de la série. On évalue alors le passage des ans de l'apparence plus âgée des personnages, ou de la croissance des enfants Adams. On est alors un peu frustré, et certaines scènes perdent en intensité en raison du côté trop ramassé de la narration. On a l'impression par moment que dans cet effort de synthèse, les scénaristes en perdent un peu aussi leur plume, s'efforçant finalement de dire un maximum de choses, en un minimum de temps et de dialogues. L'exercice n'est pas toujours aisé et donne un peu le sentiment parfois de sauter des étapes ou de semi-avances rapides, mais cela n'altère cependant pas la cohérence et la force du récit, laissant simplement quelques regrets en pensant que la série aurait pu être encore plus convaincante si elle avait pu prendre plus son temps. Frustration du téléspectateur qui aurait aimé voir certains aspects plus développés.

John Adams : Join or Die

Bilan : John Adams est une fresque historique très intéressante, parfois vraiment passionnante (les épisodes 2 et 5 m'ont vraiment bluffée), une fiction toujours très académique dans la forme, avec une esthétique agréable et un casting très solide.
C'est une production qui nous plonge dans ces années de naissance des Etats-Unis, à réserver aux amateurs d'histoire, de cette fin de XVIIIe siècle tourbillonante, de belles productions en costume, et que les débats d'idées et autres transactions n'effraient pas.

A ne pas manquer.

Pour un aperçu, visionnez une bande-annonce de la série :


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