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Jean LAUZET : On a besoin du Béarn pour sauver l'ours

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

" Le noyau d’ours en Pyrénées centrales, ne pourra jamais atteindre un effectif suffisant pour que la population soit viable, car il est géographiquement trop limité. Accepter la disparition de l’ours en Béarn à court terme, c’est accepter celle sa disparition sur l’ensemble du massif à moyen terme. "

Les chasseurs d'Etsaut et Laruns gagnent en appel contre la Sepanso

Les territoires de chasse des ACCA peuvent-ils s'étendre sur la zone centrale du Parc national des Pyrénées, alors même qu'il est interdit d'y chasser ? Le bon sens aurait tendance à répondre par la négative. Mais le droit n'arrive pas à la même conclusion, comme le montre une décision rendue ces derniers jours par la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie d'un litige qui oppose depuis des années la Sepanso Béarn, une association de défense de l'environnement, aux chasseurs de Laruns et Etsaut. Au cœur de cette affaire, les réserves de chasse des deux ACCA.
Les réserves de chasse sont des espaces où la pratique cynégétique est proscrite. Elles sont une obligation pour les ACCA, qui doivent leur accorder 10 % de leur territoire, dans des parties adaptées aux espèces de gibier à protéger. Les chasseurs d'Etsaut et de Laruns n'ont pas dérogé à la règle mais n'ont pas non plus fait un grand effort lorsqu'ils se sont organisés en association : ils ont implanté leurs réserves dans la zone centrale du parc, là même où ils ne pouvaient plus s'adonner à leur passion... Des périmètres validés par la préfecture en 1978 et 1987. Mais attaqués par la Sepanso Béarn dans le courant des années 2000.
En 2011, l'association de défense de l'environnement obtient gain de cause devant le tribunal administratif de Pau. Les chasseurs font appel et gagnent la seconde manche. Car « le Parc n'entre dans aucune des catégories de terrains sur lesquels une ACCA ne peut être instituée et par suite, une réserve de chasse constituée », soulignent les magistrats bordelais. Conclusion de ce vide juridique : les deux arrêtés préfectoraux incriminés sont validés.

« Des réserves de forme »

Une déception pour la Sepanso Béarn. « Cela revient à autoriser des réserves de pure forme », se désole Jean Lauzet, le monsieur ours de l'association. « Nous voulions dénoncer cette situation mais aussi démontrer que ces réserves n'étaient pas adaptées à la protection des espèces les plus sensibles, en l'occurrence l'ours et le grand tétras qui évoluent à des altitudes bien moins hautes que celles de la zone centrale. » Il voit là une nouvelle preuve du manque d'effort de la France pour la préservation de l'ours de souche pyrénéenne, dont la dernière représentante, Cannelle, a été tuée par un chasseur en 2004.
Une analyse que ne partage pas Bernard Placé, le président de la Fédération de chasse des Pyrénées-Atlantiques, « extrêmement satisfait » de la décision de justice. « Les chasseurs sont des gens responsables : ils ont respecté les obligations règlementaires qui leur étaient imposées. Aujourd'hui, même si l'ACCA de Laruns a été dissoute au profit d'une société de chasse [qui n'a plus obligation de se doter d'une réserve, NDLR], elle a maintenu une zone refuge. Quant à l'ACCA d'Etsaut, elle a déplacé sa réserve. Ces dispositions ne devraient pas changer », poursuit-il. La Sepanso n'exclut pas d'aller devant le Conseil d'État.
Source

Interview de Jean Lauzet (SEPANSO Béarn)

« Depuis 1995, près de 32 M€ sont passés par l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn » (Didier Hervé)

La Buvette des Alpages : En octobre 2011,  vous dénonciez aussi bien :
  • les chasseurs « qui ont tué et dérangé les ours sans mettre en réserve quelques parties de leur territoire » et « fait pression pour limiter la superficie du PNP » , que
  • l’Etat « qui n’a pas su leur imposer cette mise en réserve » et
  • les défenseurs de l’ours « qui n’ont pas dénoncé pendant plus de trente ans le caractère illégal des réserves des ACCA. Le président de la principale association de protection de l’ours en Béarn est pourtant depuis fort longtemps membre du CA, de la commission permanente, de la commission des dégâts d’ours et du comité scientifique du Parc National. »

Maintenant la loi est avec eux ?
Jean LauzetJean Lauzet : La conclusion des juges de la Cour Administrative d'Appel (CAA) de Bordeaux est basée sur le fait que le Parc National peut faire partie du territoire d'une ACCA. En creusant la question de la détermination des terrains constituant ce territoire, il semble tout aussi certain que l’Etat, qui s’était rendu détenteur des droits de chasse sur les secteurs inclus dans la zone centrale du parc national aurait pu faire opposition.
Le jugement dit que les chasseurs ont respecté les obligations réglementaires qui leur étaient imposées. Avec l’emploi de cet artifice, ils peuvent chasser partout et l’obligation de mettre en réserve 10% du territoire est ainsi contournée. C’était l’occasion pour l’Etat de protéger une petite partie des zones à ours. Or, il n’en est rien…
Jean Lauzet : Effectivement, si l'Etat avait voulu, à l'époque de la création des ACCA qu'il y ait création de réserves de chasse nouvelles correspondant aux sites vitaux de l'ours, il lui aurait suffit de refuser que la zone centrale du Parc soit intégrée dans le territoire des ACCA. Le fait est qu'il n'en a rien été. Même si cela est légal, l'esprit de la loi n'en demeure pas moins bafoué. Et l'ours comme le grand tétras en ont été victimes. Ce jugement ne change rien au fait que ni les chasseurs, ni l'Etat n'ont eu la volonté de protéger l'ours en Béarn, notamment contre les perturbations et destructions plus ou moins accidentelles dues aux battues au grand gibier. La preuve est maintenant évidente. Il existe heureusement des responsables cynégétiques et politiques plus responsables..., dans d'autres pays.
Qu’allez vous faire maintenant ?
Jean Lauzet : Nous n'avons pas encore pris de décision quant à un éventuel appel devant le conseil d'Etat, mais je ne pense pas que ayons intérêt à le faire.
Il ne demeure plus qu'un seul ours (Néré) en Béarn et les déclarations des responsables ministériels ne laissent aucun espoir pour un renforcement à plus ou moins long terme. Même Pierre-Yves Quenette et Frédéric Decaluwe (NDLB : De l’équipe Technique Ours) parlent, dans un récent article sur l’estimation de la qualité des habitats pour l’Ours brun, de renforcer l'ouest du noyau central en espérant une recolonisation naturelle du noyau occidental, ce qui me semble absolument irréaliste...

Dans les monts Cantabriques où la population d’ours est également séparée en deux noyaux, la distances entre ceux-ci est bien plus faible que dans les Pyrénées et pourtant les spécialistes désespèrent de voir un jour prochain une femelle passer de l’un à l’autre et ils envisagent donc d’intervenir pour le faire.
Avec la perte du massif de Sesques, des vallées d’Aspe et d’Ossau, la zone d’habitat de l’ours va perdre plus de 40% de sa superficie, ce qui ne va pas dans le sens du respect des obligations de la France. Selon Didier Hervé, directeur de l’IPHB, « Depuis 1995, près de 32 M€ sont passés par l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn », de l’argent qui n’a pas servi la sauvegarde de l’ours des Pyrénées, l'article 1 de la charte de l'IPHB.  (NDLB :La présente charte constitue un contrat, à l’échelle des vallées béarnaises, par lequel les signataires s’engagent à partir d’une stratégie commune, à mener un certain nombre d’actions concourant au développement durable des vallées béarnaises ainsi qu’à la protection et dans une deuxième phase éventuelle au renforcement de la population d’ours.)
Jean Lauzet : Il est ahurissant de constater qu’après des décennies d’efforts, allant de la création du parc national des Pyrénées occidentales, à celle de l’IPHB, sans compter tout le travail du FIEP pour pacifier la cohabitation entre l’ours et les bergers, l’Etat abdique parce que le terrain parait moins miné dans les Pyrénées centrales. Le problème ne se pose pourtant pas en ces termes. Le noyau d’ours en Pyrénées centrales, ne pourra jamais atteindre un effectif suffisant pour que la population soit viable, car il est géographiquement trop limité. Accepter la disparition de l’ours en Béarn à court terme, c’est accepter celle sa disparition sur l’ensemble du massif à moyen terme. On a besoin du Béarn pour sauver l'ours.


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