
Du mégot qui se déplace au guéridon que l'on fait tourner, il y a un mélange entre l'enquête austère et le spectacle qu'on retrouve dans le reste du film. On est dans son appartement, le son est dégoûtant, tout ça sent le bricolage - mais la mise en scène tire étonnamment partie de cette situation. Un peu comme un film de found footage jouant de la pauvreté de l'enregistrement amateur, les visions du film de Brisseau fonctionnent avant tout par la sobriété de leur réalisation. La comparaison avec le found footage s'arrête là, La Fille de nulle part reposant sur un dialogue pictural entre les points de vue qui ne tend pas du tout au témoignage neutre. Ce qui rend les fantômes de Brisseau aussi saisissants qu'insaisissable, c'est la manière dont ils prennent chair par le regard des personnages auxquels on croit. Avec la brocante cinéphilo-ésotérique que constitue son appartement, Brisseau est parfaitement crédible en héros d'un Vertigo de fortune, minuscule Vertigo d'appartement où la femme aimée reprend vraiment vie, où Judy est vraiment Madeleine, hantée par Carlotta.