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Gangster Squad

Par Thibaut_fleuret @Thibaut_Fleuret

Gangster Squad

On avait laissé Ruben Fleischer avec Bienvenue à Zombieland, film rock and roll, pas loin d’être l’objet le plus cool sorti sur les écrans depuis pas mal de temps et qui avait su se faire un beau petit nom et une petite réputation sympathique chez les geeks. Que pouvait-on attendre alors de ce Gangster Squad, sa nouvelle livraison, qui pouvait, dès lors, exciter un peu les papilles ?

Prendre modèle sur le film de gangsters n’est pas une chose facile. Non seulement un paquet considérable de métrages a été livré dans ce genre mais même les plus grands réalisateurs l’ont investi. Inutile de répertorier de manière exhaustive objets et cinéastes sur une liste, tout le monde les connait tant les films font figure de classiques parmi les classiques et les cinéastes sont parmi les plus grands. Le poids de l’Histoire cinématographique est parfois lourd à porter et Gangster Squad va en faire la terrible expérience. Comment se démarquer, de fait, d’un tel passé pour pouvoir exister ? La réponse est claire, on ne peut pas, tout du moins Ruben Fleischer ne le peut pas car il n’a pas les épaules assez larges pour construire un projet avec une telle ambition. Bienvenue à Zombieland nous avait introduit dans l’univers filmique du réalisateur et, malgré toutes les qualités du métrage, le spectateur se doutait bien que le cinéaste n’était pas un génie invétéré mais plutôt un petit malin qui cherche à se bien se marrer. Gangster Squad est donc condamné à la citation, à l’enrobage, à la linéarité. Surtout, cette question s’articule autour d’une autre interrogation : cela vaut-il le coup de réaliser un film de gangster urbain maintenant ? Bon courage à celui qui viendra poser une réelle identité et insufflera un vent de nouveauté au genre. Le métrage de Ruben Fleischer ne vient pas donner de contribution à ce débat. Il vaut mieux laisser cela à d’autres. Le réalisateur va donc se concentrer, et se contenter, sur le minimum syndical, à défaut de sublimer le genre. Cela n’est déjà pas si mal, il aurait pu louper complètement son pari, aussi futile soit-il.

Tout, absolument tout, est classique dans ce Gangster Squad. L’histoire qui se passe dans les années 1940 où la guerre entre flics et voyous fait rage est un scénario typique, que ce soit dans sa construction qui ne choque pas le spectateur – la constitution d’une bande de policiers qui vont gagner à la fin – ou dans sa thématique de lutte entre le Bien et le Mal. Les personnages rentrent chacun dans une case précise, avec entre autres le beau gosse (Ryan Gosling, au poil), le génie (l’excellent Giovanni Ribisi qui n’a pas son pareil pour jouer les personnes un peu gauches), le bourru (Robert Patrick, who else !!? Quel plaisir de le voir !) et le boss interprété par le génial Josh Brolin, acteur buriné et charismatique qui bouffe, comme à son habitude, littéralement l’écran. Néanmoins, derrière ce casting ad’hoc où l’on peut rajouter Nick Nolte qui balance sa dégaine badass, deux protagonistes ne jouent pas la même partition et cela est bien dommage. Sean Penn, en bad guy, sort l’attirail du (mauvais) Robert De Niro et donc ne frise pas l’originalité et Emma Stone, au delà d’une présence exquise et iconique ne peut pas trop faire vivre un personnage sous-écrit. Enfin, comme ne pas prendre en compte la reconstitution et le décor. Ici, pas de souci, l’ensemble respire la classe entre le boléro de Gosling, l’architecture Art Deco et la vieille bagnole agrémentée d’un trépied. Alors, oui le métrage est, à ce niveau, plutôt satisfaisant et donne, par conséquence, un sympathique plaisir au spectateur. Néanmoins, à côté de ces qualités bienvenues mais somme toute assez minimes, les références éblouissent bien trop l’écran. Les lister ne servirait à rien. Tout juste peut-on dire que l’on retrouve autant de la plus ancienne que de la contemporaine alignées sans aucun scrupule dans une pure logique d’empilement sans queue ni tête et sans réflexion profonde sur leur statut. Oui, Ruben Fleischer bouffe à tous les râteliers. On pourrait même le prendre pour un sale gosse. Il fait, en tout cas, tout pour que cette identification lui colle à la peau. Mais alors en quoi peut se démarquer Gangster Squad ?

Un surplus de citations ne parvient pas à donner, généralement, une identité à un film. Pourtant, contre toute attente, le métrage arrive à dégager ce petit quelque chose en plus qui fait toute la différence. Cette chose, c’est l’hybridation. Si Gangster Squad joue autant avec les références et les archétypes, c’est bien parce qu’il a envie de faire un espèce de mélange avec tout ce que le genre peut permettre. En ce sens, le métrage ne prétend pas poser une nouvelle pierre à l’édifice du film de gangster. Il veut simplement se faire plaisir. Comme Bienvenue à Zombieland, Gangster Squad veut faire dans la coolitude. Problème, cette attitude montre à la fois une certaine vacuité dans le projet mais peut également faire énerver le spectateur et une question – encore une autre ! – vient se poser : « ouais, tu veux être cool, mais est-ce que tu me racontes quelque chose, au final ? » A ce petit jeu, l’auditoire a raison. Aussi plaisant soit-il, Gangster Squad ne parle à personne à force de vouloir parler à tout le monde. Les thématiques ne sont pas creusées et même si ce n’est pas le but du réalisateur, un minimum de sérieux n’aurait pas été de refus. Pourtant, Ruben Fleischer le tente par moment, notamment avec le couple formé par Josh Brolin et sa femme. Il permet de comprendre, un peu, le parcours de l’homme et amène des soubresauts d’émotion. On sent donc bien que le réalisateur veut essayer de mettre un semblant de conscience. Hélas, celle-ci est évacuée bien trop rapidement. La solution aurait été de rester dans une ligne directrice franche en désincarnant totalement son projet, chose qu’il fait avec nombre d’autres personnages. A l’exception minuscule de Josh Brolin, que ce soient les protagonistes ou l’histoire, tous sont des figures archétypales vides de sens. Ce traitement inégal ne rend pas justice au métrage. Pourtant, il lui permet d’éviter l’irréparable. Avec cette création d’une brigade qui se soustrait à la loi pour arriver à sa fin, on pourrait voir en Gangster Squad une espèce de vigilante movie de bas étage où faire la justice soi-même vaut mieux que de laisser les autorités compétentes faire leur boulot. En un mot, le métrage pourrait être pris comme bien fasciste. Seulement, le réalisateur n’a pas envie de faire un discours sur l’état des institutions ou sur les comportements de personnages. Il propose seulement ce que d’autres films ont fait. L’absence de sérieux, encore et toujours, est bel et bien le maître mot, et le projet majeur, du métrage.

Au diable les références, autant apprécier le spectacle ! Se rattraper au cool. Prendre acte des possibilités de l’image. Tout cela reste quand même appréciable. On retrouve des éléments purement graphiques dans le traitement de la violence ou dans les fusillades qui font réellement plaisir. Ici, pas de célébration mais toujours des jeux sur les textures et la colorimétrie. Nous sommes, également, en présence d’un sens du rythme pas dégueulasse et d’une réalisation qui procure de bonnes choses. Il y a, notamment, une certaine volonté chorégraphique dans certaines séquences et quelques plans bien foutus dans leur cadrage qui ressortent du lot. Ce n’est pas grand chose mais cela reste amplement suffisant pour ne pas s’ennuyer. Certains pourront trouver les démarches formelles parfois laides. Néanmoins, rappelons-nous de l’aspect hybride. La citation multiple, l’archétype pluriel. Tout ceci irrigue une image qui montre un réel travail et une prise de sérieux dans l’amusement. Cela est parfaitement contradictoire comme approche, cela donne un sentiment foutraque au projet mais ce grand-écart constant permet au métrage de tenir sur la durée. Et puis, quitte à tirer dans tous les sens, autant regarder du côté de la littérature. Alors, oui, tout le monde pensera à James Ellroy mais il faut également voir d’un autre côté, plus artisanal. En effet, nous sommes définitivement proches de la bande-dessiné dans l’approche formelle et dans le traitement de l’image. De plus, le réalisateur ne rentre pas trop dans la grosse vulgarité et préfère rester élégant quant à cette imagerie. C’est clairement une bonne chose, il aurait pu tomber dans le copier / coller, dans la caricature de la représentation du Neuvième Art. Il y a suffisamment de mouvement pour que l’on croit encore à du cinéma. Ruben Fleischer refuse, en fait, le sérieux que l’on peut trouver chez d’autres cinéastes qui ont pris le projet « animé » peut-être trop à bras le corps. Cela tombe bien, cette trajectoire s’inscrit parfaitement dans l’identité d’un Gangster Squad plus adolescent qu’adulte.

Gangster Squad n’attrape pas le niveau de feel good movie de Bienvenue à Zombieland. Cependant, il permet de passer un bon moment si l’on met de côté ses velléités cinéphiles. Le film est mineur dans le genre, cela est indéniable. Cela aurait pu être pire mais on était en droit d’attendre un peu mieux de la part d’un Ruben Fleischer encore trop enfantin.


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