Magazine Animaux

L'éducation des nuisibles

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

« L'éducation du loup », prônée par Laurent Garde (CERPAM), par Marc Vincent ou par Jean-Paul Chabert (INRA), et maintenant par le nouveau "Plan loup", est issue de l’esprit de chercheurs proches des milieux agricoles. C’est ce que Marc Vincent, technicien de recherche en zootechnie appelle la « lupotechnie ». La Buvette vous avait prévenu: une fois tous morts, les loups seront intelligents, les autres, sauvages et ignards se disperseront sur de nouveaux territoires...

Par Gérard Charollois

Gérard Charollois
Les ministères de l’Écologie et de l’Agriculture de France ont présenté, le 5 février, un plan relatif au loup dont le retour, depuis 1992, suscite l’approbation de l’immense majorité des citoyens et l’ire de quelques dizaines de milliers d’ennemis de la terre. Depuis vingt ans, les éleveurs de moutons et les chasseurs qui sont les mêmes, refusent tapageusement la présence du prédateur naturel, au même titre qu’ils refusent l’ensemble des espèces de faune, délirant entre autres sur les attaques de vautours.

 Toujours très sensibles aux pressions des éléments les plus arriérés de la société, les politiciens relaient les fantasmes d’aseptisation de la nature exprimés par les groupements agro-pollueurs-cynégétiques et demandent des tirs de loups en violation tant de la volonté démocratique du pays que du Droit européen. Les tueurs agréés se passent d’ailleurs de toute autorisation pour éliminer des loups comme ils le firent des ours pyrénéens. Les gouvernements successifs cèdent à ces pressions qui revêtent occasionnellement des formes violentes. Les préfets permettent des tirs officiels de loups s’ajoutant et relativisant les tirs mafieux. Or, le pays compte, selon les chiffres les plus optimistes, 250 canis lupus, alors que l’Italie en possède plus de cinq cents et l’Espagne peut-être mille cinq cents.
Vous verrez dans les médias complaisants pleurer de « bucoliques bergers » affligés par l’égorgement d’une « douce brebis », par le féroce canidé, douce brebis que l’éleveur n’aura pas le plaisir d’égorger lui-même ou de vendre à l’abattoir, y compris rituel ! Pour un éleveur, le bétail est de la viande sur pieds, une marchandise qui vaut ce que le cours du marché définit. Objectivement, les prédations faites par les loups sur les troupeaux de moutons de montagne sont dérisoires à côté de celles des chiens errants et des pertes dues aux innombrables accidents. En outre, l’État indemnise généreusement la perte d’un animal victime d’une telle prédation. La vérité est que le problème n’est nullement économique et social. Il est purement culturel.
Pour les hommes contre nature, le loup, mais aussi le lynx, l’ours, l’aigle, le vautour et tout le reste sont perçus comme des êtres nocifs, sauvages, à combattre et à exterminer. C’est ce que firent leurs ancêtres qui devaient arracher à la nature les moyens de leur survie. Ils n’ont pas compris que la nature nous menace, mais non par sa luxuriance, son indomptable vitalité, son refus de toute maîtrise, mais par sa mort. Ils n’ont pas compris qu’il fallait impérativement sauver les grands prédateurs, ici, comme ailleurs, les tigres,les éléphants, les rhinocéros, les crocodiles et, tout simplement, partager avec eux une petite planète bien fragilisée. Le fossé infranchissable qui nous sépare des ennemis de la terre ne saurait être comblé, car il est de civilisation. Le dire n’est pas très convenable dans une société anesthésiée où le consensus criminel devient la règle.
Mais que serait la civilisation si, dans le passé, des humains iconoclastes, porteurs d’idées neuves, ne s’étaient pas insurgés contre les conformismes au point de les reléguer au musée des horreurs ? Pour les agro-cynégétiques, la montagne est un parc à moutons comme les plaines céréalières des usines à blé et à maïs, des champs empoisonnés exempts de toute vie non rentable. Oui, la nature constitue un péril par sa disparition. Le gouvernement, en son plan loup, veut « éduquer le loup » en lui apprenant à ne pas se nourrir au détriment des troupeaux. Il est sans doute préférable « d’éduquer » que de tuer. Mais c’est l’homme qu’il conviendrait d’éduquer en lui enseignant l’amour de la nature et le respect du vivant. Où sont les pédagogues ?
Malheureusement, pas dans cette classe politique qui bêle à l’unisson des lobbies agro-pollueurs-cynégétiques. Actuellement, 50 % du revenu des éleveurs de montagne proviennent des subventions publiques. Très bien et continuons cette générosité car ce monde ne brille guère par cette vertu. Toutefois, conditionnons ces subventions non pas à la surproduction de viande ovine mais à la présence des grands prédateurs. En un mot : subventionnons les loups, comme nous devrions encourager financièrement la protection de la biodiversité en exonérant, par exemple, de toute taxe foncière, les terrains mis en réserves naturelles intégrales.
Quand aurons-nous une politique honnête de protection de la nature, sortant des déclamations pieuses pour accéder à une volonté résolue ? Je crains qu’il soit difficile « d’éduquer les loups ». Quant à éduquer les nuisibles, crétins des Alpes et d’ailleurs, tueurs insatiables, négationnistes des droits du vivant, j’en appelle aux psychothérapeutes de pointe !
Gérard Charollois

  • Laurent Garde : mi-temps au CERPAM, mi-temps chez Choc

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