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Luc Brunschwig et Roberto Ricci – Urban, Ceux qui vont mourir (Tome 2)

Par Yvantilleuil

Luc Brunschwig et Roberto Ricci - Urban, Ceux qui vont mourir (Tome 2)À une époque où les tomes 1 poussent comme des champignons et que le neuvième art se noie dans les préquelles, les suites à rallonge, les cycles de trop, les adaptations inutiles, les cross-overs et autres inventions commerciales destinées à garder la tête hors de l’eau tout en faisant déborder un peu plus la baignoire, Luc Brunschwig vient peut-être de trouver la solution pour ralentir cette machine infernale, tout en garantissant de la qualité. Vous publiez tout d’abord une histoire, puis vous attendez une bonne dizaine d’années. Si passé ce cap, les gens continuent de réclamer la suite, vous leur resservez une version plus travaillée de cette histoire qui aura eu le temps de mûrir pendant plus de dix ans. Succès garanti !

Tout commence donc en 1999, lorsque Luc Brunschwig publie « Urban Games » chez Les Humanoïdes Associés et visite une première fois cette ville de tous les plaisirs accompagné de Jean-Christophe Raufflet. Les lecteurs ont beau immédiatement crier « Bingo ! », le Casino ferme très vite ses portes et les joueurs doivent malheureusement quitter prématurément la salle de jeu. Et alors qu’on n’y croyait plus vraiment, voilà que l’auteur décide de réanimer ce beau bébé abandonné peu après la naissance, mais qui lui tient visiblement à cœur. Le pari est certes de taille, mais ceux qui ont foulé «Les Rues de Monplaisir » savent évidemment reconnaître les bons coups. Fini de jouer, « Urban » est né !

Le premier tome permettait donc de fouler à nouveau les rues perverties de Monplaisir et posait les bases de cet univers que les lecteurs d’antan n’avaient jamais véritablement oublié. Il ne leur fallut d’ailleurs que quelques planches pour se laisser à nouveau happer par cet univers fascinant et force est de constater qu’après toutes ces années, ils retrouvèrent très vite leurs repaires au sein d’un univers certes remodelé, mais toujours rythmé par des jeux de téléréalité et axé sur des plaisirs immédiats et futiles.

Après la découverte d’une cité à l’apparence idyllique, ce deuxième volet invite à plonger un peu plus loin dans l’envers du décor en suivant les pas de plusieurs personnages extrêmement attachants. Il y a bien entendu Zachary Buzz, qui poursuit son entraînement d’Urban Interceptor et s’apprête d’ailleurs à affronter le célèbre tueur Antiochus Ebrahimi. Mais il y a également le petit Niels Colton, qui est perdu dans cette ville gérée par A.L.I.C.E, l’ordinateur central, et animée par un étrange lapin blanc nommé Springy Fool, mais qui se retrouve sous l’aile protectrice et pas totalement désintéressée d’un des nombreux laissé pour compte de cette ville de débauches. Sans oublier le lieutenant-enquêteur Gunnar Carl Christiansen, qui reprend l’enquête menée par Ahn Loon Bangé, ou la fille de l’ascenseur, dont les publicités ne cessent de capter les regards. Que du beau monde donc !

Si la vision délicieusement naïve de ce futur policier issu de sa campagne permettait déjà d’entrevoir quelques sombres secrets de la mégapole, le regard innocent du jeune Niels sur ce gigantesque parc d’attractions fait également mouche. En donnant énormément de profondeur à ses personnages, Luc Brunschwig exploite brillamment leur humanité afin de mettre toute la superficialité de cette société à jour. Derrière les paillettes et les faux semblants, il dénonce ainsi subtilement les méfaits de ce monde futuriste et montre l’autre facette de ce havre de bonheur. En entrelaçant les destins de plusieurs personnes, il nous plonge dans les méandres de Monplaisir et laisse intelligemment entrevoir les dangers d’une société accro à la téléréalité, construite sur des inégalités sociales et donnant à l’argent le pouvoir de l’illusion du bonheur. Et que dire de cette narration experte, qui emmène le lecteur vers un final explosif, l’abandonnant en plein suspense, de manière cruelle, voire presque sadique, mais convaincu que la suite réservera encore de très bonnes surprises. Tel un joueur accro, on est alors prêt à tout pour tourner ne fût-ce qu’une page de plus. Vous voilà donc prévenus : Brunschwig a encore livré de la bonne came et seule la prochaine dose de ce dealer de renom pourra vous soulager !

De plus, le trip est cette fois également visuel car, pour mettre en images ce phénix qui renaît de ses cendres, Don Brunschwig a fait appel à un italien dont le nom risque bien de faire trembler toute la Cosa Nostra. Les planches de Roberto Ricci sont en effet une nouvelle fois à flinguer et, à l’inverse du pistolero qui œuvrait sur « Urban Games », ce tueur transalpin parvient à plonger ce monde fait de néons, de paillettes et de couleurs dans une ambiance oppressante et à distiller la noirceur qui anime les coulisses de cet univers enjôleur. Le travail minutieux qu’il réalise au niveau de l’architecture et des décors renforce encore l’attrait de ce « redesign ». Usant d’un dessin précis et détaillé, il profite également de ce monde costumé qui met gratuitement des milliers de déguisements à la disposition de ses visiteurs, pour truffer ses planches de nombreux clins d’œil savoureux. Tout en disant grazie pour le Casimir que j’avais suggéré lors de mon avis du tome précédent, je salue également la présence de ce cahier graphique final, réservé à la première édition de ce second opus, qui permet d’admirer le travail préparatif de l’artiste.

Il vous reste des jetons à miser ? En les plaçant sur « Urban », vous ressortirez gagnants à tous les coups !

Retrouvez cet album dans mon Top du mois et dans mon Top de l’année !


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