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Plus un écrivain de romans à énigmes impose un personnage récurrent, plus il a besoin de s’ouvrir un autre espace qui lui permet d’échapper à ce héros parfois encombrant tant ses habitudes sont déterminées par les livres précédents. Martha Grimes, dont le nom est lié depuis trente ans à celui du commissaire Jury, n’a pas procédé autrement. En 1996, elle a créé une petite fille surdouée, Emma Graham, devenue journaliste occasionnelle pour le Conservative, journal de Spirit Lake, après avoir été la cible d’une tentative de meurtre. Elle aime enquêter et, du haut de ses douze ans, aligne avec conviction des évidences qui échappent parfois aux adultes. Moins qu’elle le croit, cependant. Un aspect parfois essentiel des relations humaines lui échappe d’ailleurs : elle ne comprend rien au sexe, forcément, même si elle soupçonne qu’il occupe parfois une place importante dans la résolution d’une affaire embrouillée. Celle du Mystère de la chambre 51, liée aux romans précédents dont les éléments sont rappelés avec assez d’habileté pour qu’il ne soit pas nécessaire de les avoir lus, renoue avec Le Belle Ruine. Cet hôtel, qui a été incendié, peut-être pour faire disparaître des traces compromettantes, s’appelait en réalité Le Belle Rouen. Mais allez faire prononcer cela à des Américains ! Un bébé a disparu il y a vingt ans. Une petite fille qui s’appelait Fay. Sinon qu’il ne s’agissait pas d’une petite fille, découvre Emma, mais d’un petit garçon : Fey, diminutif de Raphaël. Comme par hasard, au moment où elle s’intéresse à cette enquête ancienne, Emma fait la connaissance d’un certain Ralph, autre diminutif possible de Raphaël, vingt ans. Et le père de l’enfant enlevé, s’il a été enlevé, refait son apparition en ville…
Un véritable sac de nœuds, dans lequel Emma fait son marché, collectionnant les rumeurs et les informations, imaginant ce qui s’est passé autrefois et les conséquences aujourd’hui. Quelques grandes personnes la prennent au sérieux, ou font semblant. Au premier rang de celles-ci, le rédacteur en chef du Conservative qui attend la suite de son feuilleton policier. D’autres tiennent Emma pour quantité négligeable. Ils ont tort, bien sûr. D’autant que Martha Grimes n’a pas simplifié la construction parce que son héroïne est une enfant. C’était, évidemment, le bon choix.