Pour clore la semaine des mets du nouvel an vietnamien, le Têt, j’ai le plaisir de vous proposer la délicieuse recette du fameux pâté de porc vietnamien, ou plus justement la mortadelle vietnamienne (en vietnamien, giò lụa (dénomination du Nord) ou chả lụa (dénomination du Sud) originaire du Nord du Vietnam. La région du Nord du Vietnam, berceau du fameux Pho, a produit de nombreux plats raffinés qui se sont introduits par la suite dans tout le Vietnam. La mortadelle vietnamienne, tout aussi populaire que la célèbre soupe pho, en fait partie.
Pour les amateurs de cuisine asiatique, cette exquise charcuterie n’est pas un mets inconnu ! Il s’en trouve facilement dans tous les magasins d’alimentation asiatique. À l’unanimité (excepté ceux qui ne peuvent manger du porc), je peux affirmer que cette mortadelle plaît à tous, petits et grands, Vietnamiens et non-Vietnamiens. Pour ceux qui ne peuvent manger du porc, il existe une version au boeuf tout aussi délicieuse. Et pour varier les plaisirs, il existe également des giò avec morceaux de couenne, ceux à la cannelle, ou même frits ! Le giò peut se déguster seul, en apéritif, avec du riz, en sandwich (les fameux banh mi vietnamiens qui suscitent actuellement un fort engouement chez les Parisiens), avec le banh chung (lors du nouvel an), avec les banh cuôn (crêpes de riz aux porc et champignons), etc.
Le plus célèbre giò lụa (ou chả lụa comme on l’appelle dans le Sud du Vietnam) est issu du village Ước Lễ, Thanh Oai, de la province Hà Tây, dans le Nord du Vietnam. Les fabricants de cette charcuterie, particulièrement fiers de leur production, réalisent des giò d’une manière très particulière et authentique : la viande de porc doit être ultra fraîche (l’animal vient d’être abattu), les morceaux aussitôt découpés, vidés, lavés, nettoyés, sont ensuite martelés au pilon (grand pilon !) par des hommes car ce travail exige une grande force. Ainsi, la viande sera longuement martelée au pilon, réduite en pâte, puis l’on ajoute un peu de nuoc mam pur non dilué de première qualité (sauce d’anchois ou poisson en saumure vietnamienne) peu avant de terminer le martelage. Cette procédure, harassante et non adaptée à nos habitudes culinaires en Occident, fait toute la différence de qualité du giò par rapport à l’utilisation du robot-hachoir. La fibre de la viande n’est pas brisée et conserve ainsi un « croquant » et une élasticité parfaite sans être caoutchouteux. Subtil, n’est-ce pas ? Après un savant mélange de viande de porc, de fécule de pomme de terre (et pas d’utilisation d’autres farines !), de levure chimique, de nuoc mam, de poivre et de…glutamate (eh oui !), le giò est parfaitement emballé dans des feuilles de bananier de façon étanche, puis cuit à l’eau. Si par malheur, l’eau entrait en contact avec la viande, le gio en serait fichu. Un rituel propre à ce village est d’allumer un bâton d’encens de la longueur de la circonférence du giò emballé, en début de cuisson, qui, se consumant jusqu’au bout, indique la fin du temps de cuisson. On dit aussi que le résultat d’un giò parfait, se vérifie en jetant le giò sur une surface dure qui doit rebondir. Ce test permet de contrôler sa parfaite élasticité ! Étonnant, n’est-ce pas ? Enfin, les derniers critères du giò idéal sont : la texture parfaitement lisse, sa couleur légèrement pâle et rosé, et l’imprégnation du parfum des feuilles de bananier.
Nous voilà avertis, pauvres cuisiniers du dimanche qui s’essaient à la fabrication de cet excellent et irrésistible giò lụa ou chả lụa vietnamien ! Heureusement que les Vietnamiens ne se découragent pas pour si peu et que des recettes « modernes » du giò tout aussi délicieuses et réussies sont à la hauteur de leur gourmandise légendaire.
Voici donc la recette de la mortadelle vietnamienne telle que je le fais.
Pour 2 rouleaux de mortadelle vietnamienne (de 15 à 16 cm de long).
Ingrédients :
- 900 g de porc – partie jambon (beaucoup utilisent le filet, mais pour moi, la partie du jambon est plus adaptée pour cette mortadelle)
- 100 g de gras de porc (ou barde)
- 2 cuillères à soupe de fécule de pomme de terre
- 8 g de levure chimique Alsa (soit 2/3 du sachet)
- 3 cuillères à soupe de nuoc mam pur non dilué (j’utilise la marque Phu Quôc)
- En remplacement du glutamate usuel, 2 cuillères à café de sucre en poudre
- 1/2 cuillère à café de sel
- 4 tours du moulin de poivre noir
- 3 cuillères à soupe d’eau glacée pour détendre la viande hachée
- Un peu d’huile pour les feuilles de bananier
- Feuilles de bananier, ficelles, papier sulfurisé
Préparation :
- Hacher très finement la viande et le gras de porc. Si besoin, recommencer deux ou trois fois, jusqu’à ce qu’elle soit lisse (ou la plus lisse possible).
- Dans un récipient, mettre la viande hachée. Ajouter le nuoc mam pur, le sucre, le sel et le poivre. Mélanger.
- Ajouter la levure et la fécule de pomme de terre (diluée dans 2 cuillères à soupe d’eau glacée). Mélanger rapidement de façon homogène. Pas trop longtemps.
- Dans un plastique qui se referme bien, mettre la viande hachée au frais pendant 5 heures. Pour réduire ce temps, on peut mettre la viande au congélateur pour deux ou trois heures maximum.
- Sortir la viande du frais. Séparer la quantité en deux (pour faire deux rouleaux de mortadelles), puis remixer chaque portion en allongeant avec 1/2 cuillère à soupe d’eau glacée / portion.
- Bien laver et nettoyer les feuilles de bananiers. Découper des carrés 25 x 25 cm si possible. Disposer trois feuilles en quinconce par rapport aux lignes de nervures, en veillant à poser la dernière feuille (celle qui sera en contact avec le giò) côté brillant vers soi. Huiler la surface à rouler.
- Déposer la portion de viande hachée et former une sorte de gros saucisson. La longueur de la mortadelle fait environ 15 à 16 cm de long.
- Envelopper la viande en prenant les deux bords des feuilles de bananier (en bas / en haut / face à soi), les réunir, refermer complètement le rouleau en pliant et en enroulant vers l’extérieur, ficeler en son milieu.
- Fermer un des bouts du rouleau en pliant comme un paquet cadeau, poser à la verticale pour coincer le bout fermé. Refermer l’autre bout de la même manière. Ficeler les deux bouts, attacher pour fermer comme un paquet cadeau.
- Puis, ficeler et attacher le reste du rouleau (voir photo) pour assurer une parfaite tenue.
- Enfin, envelopper les giò avec du papier sulfurisé (deux tours) et bien refermer (le plus simple est de fermer par les deux bouts comme un bonbon).
- Cuire les giò à la vapeur pendant 45 minutes. (Je préfère la cuisson à la vapeur pour éviter justement que l’eau ne pénètre dans la viande).
- Après cuisson, sortir les giò et les laisser refroidir. Enlever le papier sulfurisé avant de les mettre au frais. Ils se conservent parfaitement une bonne semaine au réfrigérateur.
- Pour les déguster, il suffit de trancher des rondelles de mortadelle sans avoir besoin d’enlever les feuilles de bananier au préalable. On les enlève seulement une fois les tranches coupées.
À déguster comme tel, en apéritif ou en sandwich, en entrée ou en accompagnement, en soupe avec des nouilles ou traditionnellement avec les banh cuôn ou le banh chung du Têt, etc… Toutes les gourmandises sont permises. Bonne dégustation ! Et bon week end à tous !