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Un dernier pour le vol ? (de l’art de la morale sauve à l’américaine)

Par Borokoff

A propos de Flight de Robert Zemeckis ★★★☆☆

Denzel Washington - Flight de Robert Zemeckis - Borokoff / Blog de critique cinéma

Denzel Washington

Aux États-Unis, Whip Whitaker (Denzel Washington) est un pilote de ligne expérimenté. L’expérience, c’est ce dont il va avoir besoin justement pour faire atterrir, avec à son bord 102 passagers, un avion pris en pleine tempête et qui a perdu un de ses réacteurs. Réussissant miraculeusement à poser l’appareil sur le dos (si, si !) en rase campagne, Whip Whitaker devient un héros pour son pays. Mais bientôt, son passé le rattrape. Son passé et des soupçons liés à une dépendance à l’alcool dont il ne se serait jamais totalement débarrassé. Whip Whitaker aurait-il bu avant de prendre le vol 227 ? Serait-il en passe d’être banni après avoir été le héros de tout un peuple ?…

Zemeckis l’a répété. Il n’a pas cherché à faire un film anti-conformiste mais « réaliste ». Pari réussi de ce côté-là. Car pour le reste, Flight est un film typiquement américain, une super production dont le scénario repose sur les contradictions de son héros et des ficelles aussi grosses qu’un Boeing piloté à l’envers par Denzel. Ce héros a beau être bourré de stéréotypes et l’histoire s’appuyer sur des ressorts dramatiques qu’on croyait éculés, on ne sait par quel mystère, par quel miracle, Flight parvient à tenir la route, à être prenant même pour ne pas dire émouvant. Sans doute Robert Zemeckis, qui peut s’enorgueillir d’une (très) longue carrière au cinéma (de Forrest Gump à Seul au monde en passant par Contact et les trois Retour vers le futur…), a-t-il puisé dans sa propre histoire et celle d’un héros un peu à son image pour réaliser Flight. Mis au ban d’Hollywood après avoir été adulé, Zemeckis a parfois payé au prix fort l’audace qu’il avait eu dans certains films. L’audace ou le fait de ne pas être assez compréhensible. Trop complexe à déchiffrer, Zemeckis ? Le réalisateur américain n’a en tout cas rien perdu de sa verve, de son art de mélanger les genres, de doser à merveille spectaculaire et émotion, sens de la catastrophe (lorsque l’avion s’écrase, on s’y croirait au point de ne plus jamais vouloir prendre un vol de sa vie) et drame intime pour notre héros transformé en capitaine Achab de fortune. Zemeckis pourrait nous raconter l’histoire la plus invraisemblable qu’il le ferait avec la même conviction, avec un talent et une nonchalance, un savoir-faire et un culot tels qu’on y croirait et qu’on rentrerait dedans de toute façon. A ce titre, Flight est un film captivant.

Denzel Washington et Kelly Reilly - Flight de Robert Zemeckis - Borokoff / Blog de critique cinéma

Denzel Washington et Kelly Reilly

Les scènes de tempête en plein vol sont remarquablement filmées comme très réalistes. La prestation de Denzel Washington est à l’image de ses précédentes, c’est-à-dire de très haut-vol. Pardon pour le mauvais jeu de mots…

Mêlant action et crise existentielle pour notre héros fatigué, Flight s’appuie sur une trame extrêmement simple pour ne pas dire simpliste. La psychologie du personnage principal, elle aussi sommaire, joue sur un certain nombre de clichés du (anti)héros à l’américaine. Whip Whitaker est un pilote chevronné que l’alcool a isolé et rendu un brin triste et mythomane (y compris pour lui-même). Seul, banni par son ex-femme et un fils qui ne veut plus lui parler, Whip a trouvé dans la boisson un refuge illusoire pour panser ses blessures. Mais c’est une chimère pour celui qui ne veut pas s’avouer qu’il s’enfonce chaque jour et creuse un peu plus sa propre tombe, seul et malheureux. Pitoyable.

John Goodman - Flight de Robert Zemeckis - Borokoff / Blog de critique cinéma

John Goodman

L’accident d’avion dont Whip est à la fois la victime et le héros – avant que l’opinion publique ne se retourne contre lui et l’accuse de tous les maux de l’Humanité – est  prétexte pour le génial mais alcoolisé pilote à une remise en question. Alors qu’il descendait inexorablement vers les abysses, que son avion piquait du nez vers les limbes, Whip fait la rencontre d’une belle héroïnomane jouée par Kelly Reilly. Une femme charmante mais fragile et aussi perdue que lui. Et voilà que notre pilote commence une prodigieuse remontée. Un retour de flamme inattendu pour celui que l’on annonçait comme le « loser » de l’année. C’est bien connu, les Américains aiment les héros qui inversent la tendance, qui  se battent pour s’en sortir. C’était le cas du couple de dépressifs joués par Bradley Cooper et Jennifer Lawrence dans Happiness Therapy de David O.Russell. C’est presque toujours le cas dans un bon scénario et une histoire à l’américaine qui se respectent.

Peu importe que la psychologie du héros soit sommaire, que Whip écoute (sublime cliché) Ain’t no sunshine de Bill Withers, seul et bourré dans son salon. Les Américains ont un besoin impérieux, presque primaire de s’identifier à des héros dont ils ne peuvent qu’admirer la quête de rachat. Des héros pas forcément « clean » mais qui n’ont pas peur d’affronter les méandres de leur passé, de regarder à la fois en face et dans le rétroviseur leurs errances. Pour mieux repartir et avancer.

Le héros de Flight, entouré par une pléthore de seconds rôles extras (Goodman, Greenwood et Cheadle pour ne citer qu’eux) est un type que l’on aime parce qu’il est comme nous. Il a commis des erreurs, mais s’en rend compte, assez honnête pour les confesser même. Whip est capable de rédemption, d’assumer de porter sa croix jusqu’au bout du tunnel. C’est là seulement qu’il retrouvera la lumière, celle qui jaillit soudain de sa conscience et lui dicte les choix à faire, entre le bien et le mal, entre ce qui est bon et mauvais pour lui comme pour les siens. Seule incompréhension, c’est la présence un peu agaçante de Dieu dans les discours et les répliques des protagonistes. Ces phrases blasées et récurrentes du style « c’est Dieu qui a voulu cela », « c’est Dieu qui a choisi » etc… ne paraissent-elles pas un peu gratuites et premier degré ? D’où sort ce mysticisme surtout qui n’a rien à voir avec le film ?

On passera là-dessus, car là n’est pas vraiment l’enjeu de Flight. Sa vraie morale est ailleurs, dans cet art si américain de laver son linge sale en famille (et l’Amérique en est une grande), de rendre l’intime spectaculaire quitte à commettre certaines fautes de goût voire à manquer de pudeur. Mais le pire dans tout cela vous savez, c’est que l’on se prend au jeu, tant Zemeckis manie sans vergogne, sans trop se prendre la tête ni au sérieux, spectaculaire et émotion, sens de l’action et drame intime. Avec un art et une maîtrise dans la mise en scène, une désinvolture assez géniale pour le coup…

http://www.youtube.com/watch?v=rJclpDqI6ek

Film américain de Robert Zemeckis avec Denzel Washington, Don Cheadle, Kelly Reilly, John Goodman… (02 h 18)

Scénario de John Gatins d’après l’histoire du pilote canadien Robert Piche : 

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Mise en scène 

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Acteurs : 

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Dialogues : 

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Compositions d’Alan Silvestri : 

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