A Londres, je voudrais pouvoir aimer.
L’emmener passer un week-end à buller, boire et lire du Virginia Woolf en retraçant le parcours de son écrivain fétiche. The Reading Room du British Museum, immortalisé dans Une Chambre à Soi – Gordon Square, où Virginia Woolf a vécu – Charleston Farmhouse, l’un des célèbres points de rencontre du « groupe de Bloomsbury », mélange d’artistes et d’intellectuels dont faisait partie l’écrivain – et, surtout, Monk’s House, où est né Orlando, l’un de ses livres préférés.
Elle aime le papier, le toucher et le manipuler. Aime se perdre à feuilleter, respirer un livre inconnu, tripoter la paperasse et les caresses sur l’imprimé. Alors, Rob Ryan ! Le paradis du papier, artiste et poète du papyrus, un Dieu pour la cellulose et ceux qui aiment les livres. Près du marché aux fleurs de Colombia Road, j’irai l’emmener aimer les papiers colorés de Ryan sur lesquels il écrit des messages romantiques, romantisme et poésie, amoureux et papiers découpés, assemblés, créés.
On pourrait louer un appartement à Londres le temps d’un week-end, pour être libres, et seuls au monde. Faire venir Tom Waits des States et le planquer un peu partout dans Londres, aux endroits où on passerait. Avec elle, boire des Pimm’s en terrasse pour fêter l’arrivée du Printemps. Fouiller de vieilles librairies, lire nos trouvailles en bullant, quelque part au bord de la Tamise ou dans un coin de Hyde Park, un banc, un hamac, un bout d’herbe qu’on entourerait de noisettes pour que les écureuils viennent nous rendre visite.
Pas de London Eye. Pas de bateau sur la Tamise. Pas de Big Ben, de garde royale ou de Trafalgar Square. Pas de pèlerinage étudiant, déjà vu, déjà faits lorsqu’on était au collège.
On irait voir Turner à la Tate, quand même. Le revoir comme on va voir un vieil ami, prendre des nouvelles et regarder le temps qui a passé; nous regarder mûris, changés, depuis la dernière visite. Le revoir avec des yeux différents, comprendre plus de choses, aller plus loin ; avant de revenir, encore, un jour.
Il va pleuvoir. Tant mieux. La pluie, les parapluies, marcher sous la pluie avec un parapluie – bras dessus-dessous, on aime. Les passants vont courir et se dépêcher, les touristes vont râler et s’emporter ; nous, sourires aux lèvres, jour de déluge, on aura le rire de ceux qui n’ont rien à craindre des autres.
Je sifflerai un black cab comme un homme viril et on lui demandera de suivre la voiture d’en face, juste pour se prendre pour un espion de sa majesté le temps d’un trajet. On lui demandera de s’arrêter en face de Fortnum & Mason et faire le plein de thés – un Darjeeling de printemps et un Sencha pour moi, des Oolongs, des goûts russes, un Lapsang Souchong et un thé blanc pour elle.
On fera le plein de mugs à l’effigie de Kate, de la Reine et de l’Union Jack – pour donner une touche de kitsch à l’appart et les offrir aux amis, rigoler en prenant des bains de clichés british. Un bain d’Harry Potter également, en allant se balader au « chemin de traverse », leadenhall market de la City dans le monde des Moglus – très beau marché couvert d’architecture victorienne.
Des fripes au Spitalfields Market. Des cupcakes au Ella’s bakehouse de Covent Garden, meilleurs cupcakes de Londres parait-il, et parce que mauvaise influence des séries TV américaines qu’on s’enfile et qu’on adore. Et, qui sait, peut-être qu’on y trouvera « Les célèbres cupcakes de Max faits maison ».
On ira écouter du rock dans un pub. Manger des bubbles gums au foie gras ou au roast beef au Cyber Candy. Faire les bouquinistes de Waterloo bridge et pousser la chansonnette en regardant les corps humains formolés du Hunterian museum.
On s’aimera dans un téléphérique et puis, le dimanche soir arrivera, l’Eurostar partira, on fera quelques dernières bulles de savon sans avoir l’air plus excentriques que les autochtones et puis … On lui dira qu’on se reverra bientôt, London darling.