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Le Soir Bleu ou une soirée de parisienne

Publié le 03 février 2013 par Picotcamille @PicotCamille

Attention pavé! N'espérez pas suivre votre planning en commençant à lire ceci!

Hier soir j'étais Alice et je voyageais de merveilles en merveilles.

Mon périple commence quand le nuit tombe. J'ai peur d'être en retard. Et je cours après un lapin à montre imaginaire. Au Théâtre des Bouffes du Nord. Je n'y avais jamais mis les pieds. Je savais seulement qu'il était le repère de Peter Brook. Imaginez un vieux théâtre abandonné, sans fioriture, ni or, ni lustre pompeux. Il reste les arabesques des balcons et du plafond mais tout est en bois, terne. C'est un lieu magique. La salle même pourrais être un lieu d'action. Je suis assise sage. La nuit tombe... C'est le titre de la pièce. Écrite et mise en scène par Guillaume Vincent.

avec Francesco Calabrese, Emilie Incerti Formentini, Florence Janas, Pauline Lorillard, Nicolas Maury, Susann Vogel.

Dans une chambre d'hôtel (mais est-ce toujours une chambre d'hôtel?) trois histoires/personnages se jouent. A des moments différents. Tout s'entremêle. On pense à Lynch. Pour ma part, c'est surtout à Inland Empire que je pense. Le glissement quasi-invisible entre la réalité et le fantastique. Et puis les couleurs aussi.

La pièce est un peu comme un conte pour enfant (l'auteur met d'ailleurs en avant la préface de Peau d'Âne d Perrault), ça va nous faire peur, ça va être cruel mais pas trop. Comme dans un conte certains moments seront drôle. Sans pour autant nous défaire de notre peur.

Chaque personnage est sur un fil, entre sa raison et sa folie, la réalité et le rêve. Et ils cultivent tous cet état. Comme des dépressifs qui cultivent les lamentations et les malheurs. A aucun moment, ils ne se remettent en question; ils sont égoïstes ne voyant que leur petite personne. A l'image de la fille qui parle au micro lors du mariage de son père. Elle ne peut empêcher les gaffes, incapable de se taire, elle fait son show. Au détriment de la mariée. C'est surement pour ça qu'on les aime ces personnages. Ils nous renvoie à notre propre image, à ce que nous avons de pire. J'ai découvert récemment (conne que je suis) qu'il était plus facile de mettre la faute sur quelqu'un, par jalousie et de la détester que de ce remettre en question. La nuit tombe... c'est un scanner d'1h40 sur nos nevroses et c'est effrayant, agréablement effrayant.

De plus les comédiens sont tous parfaits. Une mention spécial Flash Love à Nicolas Maury et Florence Janas, qui sont d'une simplicité remarquable dans leur personnage. Du concret, I like it!

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Le tour de force de Guillaume Vincent, est d'arrivé à faire entrer du cinéma dans un théâtre. Il y a un réel abandon durant la pièce. On attend le prochain événement comme un gosse. On a peur, mais on ne peut décoller les yeux.

Un grand merci en plus au théâtre (comme au théâtre de la Colline) pour nous fournir (gratuitement) de petits livrets avec des photos (couleurs) et toutes les clés pour approfondir la pièce (des extraits de texte choisi par l'auteur, un entretiens avec celui-ci,...). C'est un vrai bonheur de faire le lien, de fouiller.

Parenthèse: L'image finale de la pièce se déroule dans la "salle de bain", donc pas sur le devant de la scène, donc pas forcement visible de tous les sièges. A ce moment, votre Alice du soir, se penche un peu, comprend l'idée (Nicolas Maury jouant en plus parfaitement de la situation). Cela n'empêche pas des spectateurs, de se plaindre à l'issu de la représentation. Aberration entendu "un metteur en scène devrait se mettre à toute les places de la salle et s'assurer que tout le monde voit partout". Bonjour la mise en scène. Il faudrait interdire les cons. En plus les bobos con, je trouve qu'il y a rien de pire. A part peut-être la vieille bourgeoise qui fait semblant de pas comprendre, qui re-demande avec son sourire à la fois niais et moqueur alors qu'elle comprend très bien. Mais celle-là vous la retrouverez plus tard. Fin de la parenthèse.

La pièce est finie, hélas. Mais si jamais l'occasion se représente, je vous le conseille fortement. Même si vous n'êtes pas très théâtre, c'est assez accessible. Faut juste avoir un faible pour les dépressifs.

Le spectacle s'achève mais pas la soirée. Prenons le métro à la poursuite du lapin blanc. Direction le Grand Palais et le roi Hopper. Où il y a le queue (passage avec la vieille bourgeoise, "ah bon 4h de queue?"), j'ai eu de la chance, arrivée à 23h30, je suis rentrée 2h plus tard.

Je connais peu Hopper. Quand je dis que je connais peu, c'est que si je connais plusieurs de ses toiles mais que son histoire, sa vision de l'art me sont inconnues.

Edward Hopper aime Paris, et a été bercé aux impressionnistes par son professeur Robert Henri. Et les liens entre Hopper et les impressionnistes sont nombreux. Les sujets tout d'abord. Ce ne sont ni des scènes historiques ou faisant l'apologie de quoi que ce soit. Ce sont des scènes de la vie commune, des bâtiments ou encore des trains. Le train justement est présenté dans l'exposition comme étant "le" sujet de Hopper (il découvre en 1925 une locomotive abandonné qu'il peint dans l'une de ses aquarelles). C'est aussi celui des impressionnistes. Il me semble que mon professeur d'histoire de l'Art nous disait que le train était une vrai révolution pour les impressionnistes. Ils l'ont beaucoup peint, c'est une révolution industrielle marquante mais en plus il leur a permis de voyager facilement et de peindre d'autres sujets. D'ailleurs le fait que ce soit la gare d'Orsay qui abrite leurs tableaux à Paris est complètement justifié.

Cependant c'est surtout la lumière qui lie ces artistes. Les impressionnistes peignent avant tout la lumière (la fameuse touche). Hopper affirme même que la lumière est le principal sujet de des œuvres. D'ailleurs énormément de noms de tableaux font référence à cette lumière: Morning Sun, The Lighthouse at Two Lights, etc. Ou a un moment de la journée (et donc de la course du soleil); Conference at Night, Nightawks, Soir Bleu (d'où mon titre), etc. D'ailleurs en 1963, Hopper réalise, selon moi, son ultime tableau sur ce sujet. Sun in an Empty Room.

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Vous avez un tableau avec...rien. Seulement un jeu de lumière. D'abord j'ai pensé à Carré Blanc sur Fond Blanc de Malevitch (1918). Pour moi il y a une vrai lien entre ces œuvres. Hopper répond à Malevitch de façon réaliste. C'est le soleil qui donne différents tons au jaune; en est-il de même pour le blanc? Et puis il y a le surréalisme de la scène. Vous ètes là il est 3h du matin et vous regarder un tableau d'une pièce vide. Vous vous tournez vers les autres spectateurs et vous souriez. C'est bête. Et c'est rassurant, ce jaune, ce soleil. A l'inverse du blanc chirurgical de Malevitch.

Chez Hopper il y a énormément de bâtisses. Ce n'ai pas ce que j'aime le plus, hormis la "touche" de l'artiste je ne vous dirais rien de plus. Alors passons les bâtisses.

Ce que je préfère c'est sont côté voyeur. Et magie de la soirée, certains tableaux me rappellent la pièce que je viens de voir.

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Chop Suey


Les couleurs et les jeux de fenêtres surtout. Et plus il y a un côté dérangeant chez les personnages d'Edward Hopper; leurs yeux totalement noirs.Comme s'ils étaient morts. Leur pâleur extrême en fait des fantômes. Des liens se tissent entre la pièce et les peintures. Je m'arrête là, mais les pistes sont intéressantes; quoique laborieuses.

Je crois que j'ai dis le principal. J'aurais peut-être préféré qu'il y ai plus de pistes personnelles pour comprendre l'œuvre de l'artiste et que les cartels nous informent de la technique utilisé (surtout pour la gravure). Mais ça reste en sois une belle expo. Et une copine va me prêter son livre sur Hopper.

A 4h du matin, Alice rentre chez elle en taxi, se mange sur le pouce un cordon bleu et s'en va aux pays des rêves.
 


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