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Blancanieves (Pablo Berger, 2012)

Par Doorama
Blancanieves (Pablo Berger, 2012) La carrière du célèbre torero Antonio Villalta s'arrête sur une série de drames, dont la mort de sa femme morte pendant son accouchement. Ce n'est qu'après un mariage malheureux, quelques années plus tard il retrouve sa fille, Carmen. Mais sa femme les séparera de nouveau et laissera Carmen pour morte. Recueillie par une troupe de cirque, sans souvenirs de son passé, elle va devenir Blancanieves, torero reconnue au sein de la "petite" troupe, sur les traces de son père sans s'en en avoir conscience... Sa belle mère n'apprécie pas du tout ce nouveau destin.
"C'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures...", mais avec Blancanieves, il ne s'agit pas de soupe ! Relecture du conte des Grimm transposée dans l'Espagne des années 20, cette Blanche-Neige, comme une réponse aux récentes adaptations, adopte des choix visuels forts : Noir et Blanc, Muet et habits de lumière, puisque notre belle endormie évolue ici sur le sable de l'arène... Après The Artist, le "cinéma comme avant" impose de nouveau ses qualités éternelles à nos yeux, ce moderne Blancanieves est à lire au passé...
Un conte maintes fois porté à l'écran, une forme cinématographique dépassée et oubliée, et pourtant la nouvelle Blancanieves porte en elle autant de modernité que de tradition. Ce n'est pas parce qu'il est muet que Blancanieves ne vous interpellera pas... ce n'est pas parce qu'il est en noir et blanc qu'il ne vous en mettra pas plein les yeux... ce n'est pas non plus parce qu'il se déroule dans les 20's que son sujet n'est plus d'actualité... Vous l'aurez compris, quelque soit sa forme, ce Blancanieves se regarde exactement de la même manière qu'un film "normal" (comme si le cinéma muet ne l'était pas ?). Biancanieves tire son charme de sa puissante force narrative, respectueuse des codes d'alors, mais subtilement adaptée à nos habitudes visuelles modernes... Plans larges, gros plans, travellings  découpage : c'est bien les versions 2010 auxquelles nous assistons... Subtilement, simplement serait même plus juste, cette "vieille technique" se retrouve "comme neuve", et elles sont employées dans Blancanieves pour tout leur potentiel expressif : Muet et Noir et Blanc ne sont pas des gadgets ou des apparats inutiles, ils lui donnent un incontestable plus. Un "plus", par moins de paroles, par moins de couleurs : le pari visuel est une réussite absolue.
Vient ensuite sa lecture du conte. Si l'on retrouve chaque détail du conte originel, l'on pourrait pourtant presque passer à côté de l'adaptation. Bien sûr, il y a des nains, mais ici, ils sont 6 et ils sont toreros ! Il y a bien une méchante reine, mais elle ne porte ni couronne, ni ne parle à un miroir magique. Quant au reste, le château est remplacé par une propriété luxueuse, et le chasseur par le chauffeur, objet sexuel de notre "reine"... Blancanieves trouve l'origine de son mal non plus dans l'orgueil, mais dans la soif de l'argent, une course cruelle à l'héritage... Le monde de Blancanieves est plus difficile que celui de Walt Disney, plus complexe, normal... le château et la forêt ont laissé place à toute une société, où l'argent prend bien plus de place que l'orgueil personnel ! Le spectacle de l'arène, l'argent, l'exploitation, l'égoïsme et les ambitions personnelles sont dans Blancanieves bien plus âpres et violents que les éléments du conte original. Ce très beau Blancanieves commence bien par un "il était une fois", mais son "ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants" sera ici somptueusement revisité, avec une noirceur toute contemporaine !
Et puis il y a cette Espagne avec ses traditions... La tauromachie, le flamenco, les vêtements de la bourgeoisie, ceux de dieux du sable... Tout s'articule et s'enchaine avec fluidité dans Blancanieves, le nouvel univers dans lequel évolue notre Blanche-Neige semble parfaitement aménagé pour accueillir l'essence du conte, et tout naturellement, le dépouille de ses attributs enfantins, pour ne laisser qu'une belle, forte et sombre histoire. On assiste donc à un bel exercice, séducteur en diable avec sa belle esthétique, magnifié par la force expressive du flamenco, boosté par un sens de l'image inspiré et parfaitement équilibré, entre les techniques d'hier et d'aujourd'hui. Blancanieves est naturellement beau et touchant, et s'il se lit bien au passé (un conte bicentenaire, de multiples versions, l'Espagne bourgeoise des 20's, sa technique oubliée), c'est pourtant à une renaissance qu'il nous est donné d'assister. Blancanieves est beau, très beau même (presque autant que son héroïne, belle à se damner), alors pourquoi nous arrêter au septième barreau de notre échelle ? Peut être parce qu'il contient un paradoxe : s'il n'était pas fait de cette manière, fait de vieux et d'anciens, aurait-il été aussi beau et moderne ? A nos yeux la réponse est non, clairement non. Blancanieves nous a certes impressionnés et offert un beau spectacle (c'est même là l'essentiel) mais il n'est aussi finalement qu'une très belle réussite technique avant d'être un réussite tout court. La pomme est excellente, mais pas si bio que ça alors ?
Blancanieves (Pablo Berger, 2012)

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