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Notre entretien avec Jil Is Lucky

Publié le 19 février 2013 par Chroniquemusicale @chronikmusicale

Notre entretien avec Jil Is Lucky« C’est l’histoire d’une période de ma vie qui a été fortement troublée »

Son nouvel album In The Tiger’s Bed sort cette semaine, la bonne occasion pour rencontrer l’excellent Jil Is Lucky dans les locaux de chez Naïve.

On t’a connu en 2009 avec un premier album The Wanderer, on est en 2013, que s’est-il passé entre les deux ?

Jil Is Lucky : Enormément de choses. Déjà, ce fut un premier album à rebondissements. On a fait un an de tournée, ce qui est à peu près le temps normal d’une tournée. Derrière on a eu notre single qui a été pris pour la pub (ndlr Flower by Kenzo), cela répandu notre musique, du coup le grand public voulait nous voir. On sortait du truc très indé dans lequel on était, on est reparti en tournée un an et demi.

Derrière ça, j’ai bien pris un an pour composer le nouvel album que je voulais très différent du premier, puis six ou sept mois pour l’enregistrer, le produire, entre Paris et Los Angeles, ça a pris du temps. Et nous revoilà !

Un premier extrait était sorti début 2012 Leaving You (Right Now), c’était pour montrer la nouvelle orientation ?

Exactement, ça faisait un peu le liant car c’est vrai qu’il y a un vrai virage entre les deux. Du coup, pour annoncer la couleur, on trouvait que ce titre là faisait bien la transition. Il y a un peu les deux extrêmes dans ce qu’on présente actuellement au public de ce nouvel album, entre Leaving You (Right Now), le premier titre qu’on a envoyé en avril 2012 et Stand All Night, le single.

Comment s’est pris ce virage ?

En fait le virage, pour dire vrai, c’est plutôt en 2008-2009 que je l’ai fait. A la base, la musique frénétique-pop-electro un peu rnb c’est ce que je faisais. Puis, quand j’ai arrêté mes études, j’avais 22 ans, je me suis installé pour ne faire que de la zik, du coup j’ai vendu tout mon matos pour pouvoir vivre. Là, j’ai fait un virage, ça a été très folk, très musique de voyage.

Avec ce nouvel album, je suis revenu à mes premiers amours (rires). C’est la musique instinctive que j’ai en moi.

Et pour le troisième album ?

Evidemment le but pour moi c’est de changer à chaque fois, essayer de faire des albums toujours très différents, sinon je vais m’ennuyer.

Déjà, quand on fait que de la pop – la pop pour moi c’est la pop, folk, rock, hardcore, électro-rnb, c’est de la musique populaire, notre culture occidentale musicale actuelle, on n’est pas dans le classique, le baroque, le contemporain, le jazz   – si en plus on se met dans un créneau « ok, je ne fais plus que folk ou que de l’électro, etc. » je pense que je vais m’ennuyer à mourir. Dans ce que moi j’appelle la pop ça me plait de toucher un peu à tout.

Comment s’est faite la transition avec les musiciens ? Ce sont toujours les mêmes ?

Toujours les mêmes, pour eux c’est agréable, on vient tous d’horizons musicaux très différents.

Pendant 2,5 ans de tournée, ce qui est long, 200 dates, c’est un peu toujours les mêmes chansons qu’on refait, on est obligé d’évoluer, sinon on s’ennuie, le public aussi. On a donc beaucoup évolué dans notre son, on a cherché plein de choses. Comme je disais chacun vient d’un monde un peu différent, du coup on a créé quelque chose ensemble, cet album, c’est le fruit de ça. Ce n’est pas moi qui suis arrivé en disant « bon maintenant les mecs laissez tomber, maintenant on va faire … » Non, c’est naturellement, tous ensemble qu’on a été amené à faire ça.

Vous avez vendu les trompettes présentes sur le premier album ?

Oui, oui, de toute façon ce sont des vendus les trompettes ! (rires)

C’est vrai que sur notre premier album on avait bossé avec des sections cuivre, des gitans…

Là c’est un album qu’on a fait entièrement nous. C’est vraiment un album qui nous ressemble qui est très personnel, c’est notre son.

Comment réagi le label à ce virage ?

On a changé de label. Mais notre nouveau label était au courant puisqu’ils nous ont signé sur ces maquettes. Quand ils ont écouté le virage, ils ont dit « ouais, mortel ! » Ils savaient où ils allaient, ce n’était pas une surprise.

Après, les réactions des gens qui nous écoutent aujourd’hui, qui sont nécessairement notre public, sont plutôt cool, vraiment. Je m’étais préparé, en me disant : « on vient d’un truc Klezmer, Low-fi, etc. on arrive avec des trucs électros produits de folie, on va se faire déchirer ! (rires) C’est pas grave parce qu’il y a d’autres gens qui vont apprécier, qui n’auraient pas du tout aimé le premier, mais qui sur le coté plus pop, plus moderne, accrocheront. » Finalement ça va. Bien sûr il y en a qui disent « ah mais c’est quoi ? Ca y est ils veulent faire du pognon ! » Mais au final, c’est un album qui est limite plus indé que le précédent. Donc ça se passe bien…

Votre voix qui était très mise en avant dans le premier album, est ici beaucoup plus effacée, les instruments, la musique prennent le devant de la scène

Le travail est resté le même vocalement, parce que l’essentiel de mon boulot, ce qui m’excite le plus dans la composition, dans la création musicale, c’est la mélodie. Il est hors de question d’écrire une chanson sans une mélodie forte, un vrai refrain, de vrais couplets. Quand on fait de la pop, c’est un truc à assumer. Le boulot est resté le même, après sur le mix fut produit par un putain de producteur aux Etats-Unis, c’est la patte locale. Aux US ils rentrent les voix systématiquement. La voix est dans le mix, c’est un mix pop US.

Ce n’est pas frustrant ?

Non, ça fait partie des choses dont j’avais envie. Et quand je fais appelle à ce producteur là c’est ce qu’on voulait aussi, avoir cette patte là, ce son qu’on adore.

Les thèmes abordés dans l’album ?

Il y a un grand thème qui est récurrent, c’est l’histoire d’une période de ma vie qui a été fortement troublée. Sur laquelle j’ai eu du mal à revenir, qui est antérieure au premier album. Je n’en parlais pas dans le premier. Une sorte de vraie traversée du désert due à une prise de substances trop fortes à ce moment là. Je suis resté perché (comme on dit), explosé en vol.

De là, je me suis retrouvé seul avec moi-même face à mes angoisses, face à mes démons. Il est beaucoup question de ça dans l’album, de pilules, de somnifères, d’insomnies, notamment dans le titre Leaving You qui est une métaphore. C’est une chanson de rupture avec une fille, mais en fait c’est une vraie chanson de rupture avec la réalité. Leaving You (Right Now), je me rends compte que je n’arrive plus à avoir d’accroche avec le monde réel, et je décide de le quitter une bonne fois pour toute, en tout cas dans ma tête, à me dire « bon, je ne vais pas chercher à me raccrocher sans arrêt, autant rester cette sorte d’ectoplasme, coincé dans une sorte de contemplation ».

Les musiques ne sont pas si noires

Ce n’était pas possible d’écrire des textes sombres et de rajouter du sombre dessus, parce que c’était un moyen de survie que de faire de la musique, que de partir en voyage. Faire tout ce que j’ai fait a été un moyen de recoller avec la réalité. Je ne me suis pas enfoncé, je n’ai pas une nature à m’enfoncer dans le cafard total. J’ai pris le contre-pied, j’ai fait de la musique ultra-péchue.

Stand All Night passe à la radio, le concert à la Maroquinerie était complet, ça démarre fort ?

Pour le moment on est content, on a une grosse tournée derrière, on a un Trabendo à Paris en mai, c’est une date qu’on attend avec impatience. Pour l’instant c’est bien. Ce sont ces indicateurs qui comptent pour nous, pour les groupes indés. Notre but ce n’est pas d’aller chez Drucker, c’est de rencontrer notre public, de pouvoir faire écouter notre musique à ceux qui s’y intéressent.

Les productions en France, il n’y a pas pléthore de mecs qui vont prendre des risques musicalement, qui vont chercher. Du coup c’est toujours un peu le combat.

Question Subsidiaire : Qui tient le compte Twitter de Jil Is Lucky ?

C’est moi !


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