C’est le tweet de la honte. C’est mon ami et complice Romain Jammes, de L’Art et la manière, qui a attiré mon attention sur cette saloperie de choix – signée de l’Elysée. Le Community manager (celui qui rédige les mises à jour sur les réseaux sociaux) n’y est pour rien. Audiblement, le résident de l’Elysée a bel et bien eu cet accès de cynisme extraordinaire, qui m’a arraché un haut le cœur. La maladie aidant, j’ai bien cru devoir vomir. Voici le texte : « La Grèce a décidé un programme de privatisation. Les entreprises françaises seront présentes, car elles ont l’expérience du service public. »
Donc voilà le vrai visage de l’Union européenne. Les politiques d’austérité qu’elle a imposées, de concert avec le FMI et la Banque centrale européenne ont des résultats concrets : la Grèce est au cœur de sa sixième année consécutive de récession. La production nationale a baissé de 25 %, le taux de chômage atteint désormais 27 % et, chez les moins de 25 ans, il flirte avec les 60 %… Les suicides s’y multiplient et la santé générale de la population ne cesse de se détériorer. Les différents « plans de sauvetage » mis en place par la troïka n’ont rien arrangé, bien au contraire.
Ils se traduisent par la grande braderie du patrimoine national hellène et, donc, de vastes plans de privatisations. Auquel le vautour Hollande invite les entreprises françaises à s’engouffrer. Le gâteau en cours est estimé à 19 milliards d’euros. L’initiative des étudiant-e-s et travailleurs-euses grec-que-s à Paris résume ainsi le buffet de feta dont l’Union européenne entend se goinfrer :
Après la destruction de conditions de travail digne pour les travailleurs, ainsi que de services publics élémentaires tels que la santé et l’éducation, il est exigé de l’État qu’il vende tous les biens communs, l’eau, les forêts et les fonds de mer, les ports, les aéroports, les entreprises publiques et bien d’autres. Bref, tout ce que vous même appelez « des opportunités que les entrepreneurs français doivent saisir en Grèce » en vous faisant leur porte-parole.
Tout cynisme assumé, le gouvernement français, dirigé par le parti dit « sérieux » comme la Grèce le fut dans les pires années, entend en effet que ses mandants du CAC 40 participe à la curée. Le très sérieux quotidien La Tribune rapporte le dessous des cartes de la visite de Flamby à Athènes mardi 19 février :
« Nous avons examiné la liste des privatisations avec Antonis Samaras », a rapporté François Hollande. « La France a par exemple un investisseur dans le secteur des jeux (intéressé par la loterie grecque qui est à céder) mais dans le domaine de l’énergie nous devons aller chercher plus loin », a-t-il admis. François Hollande a enfin évoqué la levée de fonds d’investissements pour le pays « à la demande d’Antonis Samaras. » Le Premier ministre grec a notamment appelé à un geste en provenance de la Caisse des dépôts pour soutenir les PME grecques.
Voici donc le vrai visage de celui qui prétend venir en Grèce pour « adresser un message de confiance et de soutien ». Des soutiens qui n’ont pour but que de préserver une part du gâteau grec aux grandes entreprises françaises. Des amis comme ça, qui en voudrait ? Sérieusement ? Le vautour de l’Elysée n’y va pas dans la demi-mesure en termes de duplicité. A Athènes, il renoue avec le miroir aux alouettes de ses discours de campagne électorale. Il ose ainsi affirmer sans fard : « Des mesures de soutien à la croissance sont indispensables (ndlr: à la Grèce). Je refuse une Europe qui condamnerait les pays à une austérité sans fin ».
Ce discours anti-austérité tenu par François Hollande reste en contradiction avec le vote récent budget « de rigueur » européen, qui ampute de 30 % les aides structurelles à la Grèce. Pour la première fois de son histoire, le budget de l’Union européenne est à la baisse.
Comme l’écrit mon camarade Daniel Fleury, le parti dit « sérieux » est bien le gérant loyal du capitalisme. Il joue la partition que les grandes entreprises lui ont écrite : « (En Grèce), il y a à tirer de très gros avantages, à commencer par la liquidation des systèmes sociaux que le capitalisme lui-même avait dû concéder en Europe pour la reconstruction et la sortie de crise au milieu du XXe siècle. Près de quarante années où la sociale démocratie et une certaine droite sociale a fait de la redistribution, en échange de la paix sociale et de la reconstruction. » Les Grecs répondent. Ce mercredi 20 février, ils sont en grève générale encore une fois.
Après avoir donné quitus aux « pigeons », le gouvernement social-libéral montre son vrai visage : celui du charognard.
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Bonus vidéo : The Clash « Bankrobber »