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Une journée d’Ivan Denissovitch de Alexandre SOLJENITSYNE

Par Lecturissime

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♥ ♥

Dix-sept heures de la vie d’un captif des camps soviétiques

L’auteur :

Alexandre Soljenitsyne est né dans le Caucase en 1918. Juste avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est arrêté par la police militaire et passera les huit années suivantes dans des camps. Condamné ensuite à « l'exil perpétuel », il est réhabilité en 1957. Jusqu'en 1962, date de sa première publication, il enseigne les mathématiques et la physique dans des écoles secondaires de campagne. Le succès que va connaître Soljenitsyne avec ses publications puis son prix Nobel déclenche une tempête d'injures et de calomnies dans la presse soviétique. En 1974, il est arrêté et expulsé d'URSS. Il s'installe alors dans le Vermont, aux États-Unis. Il revient de son exil américain et s'installe près de Moscou en 1994. Il meurt le 3 août 2008, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. (Source : éditeur)

Présentation de l’éditeur :

« Les journées, au camp, ça file sans qu'on s'en aperçoive. C'est le total de la peine qui n'a jamais l'air de bouger, comme si ça n'arrivait pas à raccourcir. »

Tous les matins, à cinq heures, un surveillant réveille les vingt-trois détenus de la 104e brigade de travailleurs d’un camp de travail russe. Ivan Denissovitch, surnommé Choukhov, y a été déporté pour cause de « trahison de la patrie ». Condamné à dix ans, il ne lui reste qu'un an à passer au camp.


Un matin, le robuste Choukhov, affaibli, s'est levé en retard. Puni, il est contraint de nettoyer le plancher. Puis il se rend au dispensaire pour y chercher des soins, mais le médecin ne peut l’exempter car son quota quotidien d’arrêts de travail est déjà dépassé. Il retourne donc aux travaux forcés dans le froid glacial de la steppe, s’employant à mettre en place des méthodes de survie : il capitalise la seule richesse qu'il possède, celle des pourtant misérables rations de nourriture. Tous les jours, il s’évertue à accomplir d’harassantes et inhumaines tâches : il creuse des trous, martèle, déplace des kilos de terre, coupe et transporte du bois, construit des charpentes, aligne des briques ou bien dispose du mortier, etc.
À la nuit tombée, Choukhov est satisfait de sa journée. Elle ne lui a pas été fatale. Il n'a pas été mis au cachot, il n'est pas tombé malade et a même réussi à « s'acheter » du bon tabac grâce à un privilégié du camp.


Une journée d'Ivan Denissovitch est un roman noir dans lequel le désespoir n'a pas sa place. Il dépeint la force d’un prisonnier banal aspirant seulement à survivre jusqu’au lendemain, écrasé par des conditions de vie intolérables supportées sans cris et avec une grande dignité.
Alexandre Soljenitsyne décrit l’horreur banalisée et les principes du système concentrationnaire du Goulag en employant des termes simples et précis pour transcrire une situation tragique. Jamais plaintif, toujours juste, ce roman est à la fois d’une horreur saisissante et d’une beauté littéraire limpide. (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :

Ce récit est à replacer dans son contexte : en 1961 ce qui s’était passé dans les camps soviétiques restait tabou, nébuleux. Ce manuscrit, servi par un style dans lequel transparaissent des facilités d’écriture confondantes, vient éclairer une période sombre de l’histoire.  Soljenitsyne l’aurait écrit en deux mois seulement. En un minimum de mots tiré de l'argot et du parler paysans il nous livre le récit expressif du quotidien d’un paysan emprisonné pendant la seconde guerre mondiale et condamné à 10 ans de captivité.

L’horreur de ces camps c’est avant tout le quotidien : 

« C’est merveilleux comme le travail fait passer le temps. Chouckhov l’avait remarqué qui sait des fois : les journées, au camp, ça file sans qu’on s’en aperçoive. C’est le total de la peine qui n’a jamais l’air de bouger, comme si ça n’arrivait pas à raccourcir. » (p. 84)

« Or, même pour penser, ça n’est jamais libre, un prisonnier. On retourne toujours au même point, en n’arrêtant pas de retourner les mêmes idées. Est-ce qu’ils ne vont pas retrouver la miche en fourgonnant dans la paillasse ? ce soir, est-ce que le docteur voudra bien vous exempter de travail ? Le commandant, il couchera au mitard ou pas ? Et comment il a pu s’arranger, César, pour se faire donner des affaires chaudes ? (…) » (p. 58)

« Il s’endormait, Choukhov, satisfait pleinement. Cette journée lui avait apporté des tas de bonnes chances : on ne l’avait pas mis au cachot ; leur brigade n’avait point été envoyée à la Cité du Socialisme ; à déjeuner, il avait maraudé une kacha ; les tant-pour-cent avaient été joliment décrochés par le brigadier ; il avait maçonné à cœur joie ; on ne l’avait point paumé avec sa lame de scie pendant la fouille ; il s’était fait du gain avec César ; il s’était acheté du bon tabac ; et au lieu de tomber malade, il avait chassé le mal.

Une journée de passée. Sans seulement un nuage. Presque de bonheur.
Des journées comme ça, dans sa peine, il y en avait, d’un bout à l’autre, trois mille six cent cinquante-trois. 

Les trois de rallonge, c’était la faute aux années bissextiles.» (p. 189)



Ce récit tragique permet d'appréhender au plus près l'horreur de journées qui s'écoulent en captivité, dans la peur et la détresse. Un témoignage poignant, une esquisse de ce que sera L’archipel du goulag.

Ce que j’ai moins aimé :

Une impression de déjà lu et entendu assez prégnante.

De plus - et pour cause - le tout est un peu lassant même si le texte est fort.

Premières phrases :

« A cinq heures du matin, comme tous les matins, on sonna le réveil : à coups de marteau contre le rail devant la baraque de l’administration. De l’autre côté du carreau tartiné de deux doigts de glace, ça tintait à peine et s’arrêta vite : par des froids pareils, le surveillant n’avait pas le cœur à carillonner. »

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : L’archipel du goulag

Autre : Si c’est un homme de Primo LEVI 

Une journée d’Ivan Denissovitch, Alexandre SOLJENITSYNE, Traduit par Lucia et Jean CATHALA, Robert Laffont, Pavillons poche, 2010, 7 euros

Lu dans le cadre du mois russe initié par Marilyne

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