William Hayes : le retour

Le travail effectué par certains ensembles instrumentaux et vocaux permet de nous faire découvrir des compositeurs tombés injustement dans l'oubli. Concernant la musique baroque anglaise, le rayonnement de GF Haendel a été tel qu'il a inévitablement poussé à négliger des compositeurs contemporains, pourtant tout à fait dignes d'intérêt.

C'est visiblement le cas de William Hayes, qui, pourtant a joué un rôle majeur en tant qu'organiste et professeur à l'Univesrité d'Oxford au milieu du 18ème siècle.

Le disque enregistré par l'ensemble The SCB Hayes Players, dirigé par Anthony Rooley et édité par Glossa, nous permet de découvrir six cantates profanes et, surtout, un petit bijou, un Orphée et Eurydice d'une finesse remarquable. Finesse, subtilité, ce sont bien les qualificatifs qui reviennent souvent à l'écoute de la musique anglaise baroque et, surtout, la musique vocale, dans la lignée du style initié par John Blow puis Henry Purcell. Avant même ces compositeurs baroques, William Byrd, Robert White, Thomas Tallis ou Thomas Morley, avec la musique polyphonique, initiaient déjà le caractère aérien, céleste du style vocal anglais.

William Hayes nous propose alors une musique dans la tradition pastorale, mais traitée avec un tel raffinement, qu'il nous capte instantanément.

Les six cantates de chambre enregistrées proposent des climats très différents et démontrent une belle maîtrise des contrastes, des couleurs de la part du compositeur. La plupart sont des pièces qui pouvaient aussi bien être interprétées dans un contexte privé qu'en public, à l'exception peut-être de la dernière cantate, "An ode to Echo", plus "théâtralisée", avec un effectif instrumental plus important (une flûte traversière baroque, deux violons, un violoncelle, une viole, deux basses continues et un orgue), petite merveille, d'ailleurs admirablement interprétée par Evelyn Tubb.

The Orpehus & Euridice, dont le sous-titre est "An ode: When the fair consort in th'Elysian choir", reste tout à fait dans l'esprit de ces cantates de chambre. Cette ode se déroule dans un climat intimiste avec une telle sérénité que l'on en vient inévitablement à s'interroger, une fois encore, sur ce recul et ce flegme légendaire des britanniques, même dans les drames les plus profonds !

Du pur point de vue de la forme (cette ode était aussi un exercice visant à démontrer que Hayes maîtrisait la rhétorique liée à certaine formes d'écriture musicale comme, par exemple, une fugue à quatre voix), cette ode déploie une structure plus étoffée que les cantates, avec notamment des intermèdes instrumentaux.

L'interprétation orchestrale de l'ensemble The SCB Hayes Players est très équilibrée, d'une belle tenue. Le peit bémol est la limite technique du ténor Paul Bentley, pas toujours constant et juste, et surtout peinant lors des passages forte, tout comme la soprano Mirjam Berli.

En revanche, comme indiqué précédemment, Evely Tubb démontre une justesse de ton et une vélocité remarquables, avec une intelligence du texte, un phrasé élégant servant admirablement les deux cantates qu'elle interprète (les cantates IV et VI).

Ce disque est indéniablement un coup de coeur. Le projet démontre un travail intelligent, raisonné, et, surtout, l'écoute du disque apporte un sentiment de fraîcheur, d'élévation qui poussent inévitablement à une réécoute sans jamais se lasser de cette musique, tant elle est raffinée et touchante, sans la moindre mièvrerie.

: coup de coeur du poisson rêveur

Extrait : Aria: Larghetto: Daughter sweet of voice and air (Cantate An ode to Echo) - Evelyn Tubb.

Plus de détail sur le site de Glossa.

William Hayes - Six Cantates - Orpheus & Euridice - The SCB Hayes Players - Di. Anthony Rooley - label Glossa - Prod. Schola Cantorum Basiliensis.