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Zero Dark Thirty (Kathryn Bigelow, 2012)

Par Doorama
Zero Dark Thirty (Kathryn Bigelow, 2012) Le jour où les tours se sont effondrées, les Etats-Unis sont entrés en guerre et ont entamé une traque sans précédent pour arrêter son responsable Ousama Ben Laden. Durant près de 10 ans la CIA s'est confrontée à un réseau impénétrable, durant ces longues années d'enquête minutieuse, Maya, s'est acharnée sur la moindre piste, n'en a lâché aucune, jusqu'à débusquer sa proie...
Zero Dark Thirty, en langage militaire, c'est cette demi-heure juste après minuit durant laquelle s'est déroulée l'élimination de l'ennemi public n°1 des Etats-Unis... Kathryn Bigelow, c'est sa réalisatrice... L'ex femme de James Cameron, dont la carrière pleine de testostérone s'illustre, entre autres, par un superbe et atypique film de vampires (Aux Frontières de l'Aube) par un thriller boosté au Red Bull (Point Break), par une brillante approche du quotidien des boys en Irak (l'oscarisé Démineurs) ou bien encore par ce thriller futuriste brillant et sombre à la fois, bien trop vite enterré, qu'était Strange Days. Travail de fourmi, torture et volonté d'objectivité , Zero Dark Thirty concentre 10 ans de chasse à l'homme en 2h36 de film et porte un regard interrogateur sur une période aussi sombre que ces 30 minutes qui sont venues la conclure.
A la rédaction, on aime bien Kathryn Bigelow ! Ce qu'on apprécie le plus chez elle, c'est cette "paire de C..." qu'elle se trimbale, sa capacité à se fondre dans le monde très masculin de l'industrie cinématographique américaine, de faire un cinéma viril et efficace, avec ce petit quelque chose qui la rend pourtant différente. Zero Dark Thirty est une enquête dense, intense et tendue, une sorte de course de patience pour capturer un fantôme. C'est d'ailleurs en grande partie avec le personnage de Maya que prend forme la tension de Zero Dark Thirty... Kathryn Bigelow communique la frustration, l'énergie et l'obsession de Maya à la perfection, il restitue à l'image ce que peuvent donner 10 années de recherches et d'enquête à corps perdu, 10 années quasi monomaniaques où elle s'est intégralement dévouée à la cause, exposée aussi à ce qu'elle a vu. L'énorme interprétation que Jessica Chastaing associée à la mise en scène au scalpel de Bigelow, forment le nerf de la guerre de Zero Dark Thirty. C'est grâce à ce duo féminin (un film de femme, finalement ?) que ce film d'hommes (car oui, pour sûr, c'en est un !) atteint son intensité et se pose en film puissant, pas manichéen et, disons-le clairement, assez impressionnant !
Lorsque l'on vous dit que Zerro Dark Thirty est "impressionnant", l'assaut final, point d'orgue de l'enquête, en est une belle illustration ! Pas de musique, pas de résistance, des soldats tellement pro qu'ils en paraîtraient presque à l'aise, pas inquiets, la violence des tirs... Les choix et la mise en scène de Bigelow sont simplement un pur bonheur ! Ils transforment cette scène en toute autre chose qu'un simple dénouement. La mise en image de Bigelow effraie par sa froideur et son absence totale d'humanité, son dépouillement d'effets de réalisation, lié à son action "minimale", contraste formidablement avec la violence de l'acte en cours... LA scène d'action du film n'en est pas une, le résultat est bien une interrogation faite au spectateur, générée par une absence de parti pris (on dit ça, on dit rien, mais nous, on dit "petite leçon de mise en scène"). Cette très impressionnante vision de l'assaut est donc bien le point final de dix ans d'enquête, mais pas pour autant le point d'orgue du film ! Bien sûr il y à ces scènes de tortures qui ont lancé la polémique, réalistes comme tout le film et donc assez difficiles, mais Zero Dark Thirty est loin, très loin d'être ce genre de film à scènes clés, où l'on attend de voir sa chute à cause de ce qui précède... L'essence de Zero Dark Thirty réside bel et bien dans la description d'un chantier titanesque, plutôt que sa finalité directe d'arrêter ou tuer Ben Laden...
Bigelow signe un film sur la haine et la rancoeur, sur l'obsession et la soif de revanche, sur la perte des repères. Sa volonté de donner une forme à cette obsession passe par une dénonciation et une interrogation quant aux choix et à l'ampleur des moyens employés. Zero Dark Thirty dit bien des choses, mais certainement pas qu'une cause juste triomphe toujours, même face à un réseau impénétrable de terroristes inhumains, et ce quelques soient les difficultés. Les Terroristes ? Bigelow ne les aborde même pas, ou si peu... Ce qui l'intéresse ce sont les victimes, toutes les victimes. Ces hommes torturés, mais aussi et surtout ces victimes traumatisées du 11 septembre, à savoir ceux qui n'ont pas péris dans les tours, ce peuple américain rendu ivre de revanche, aveuglé par l'ampleur et la douleur de l'attaque qu'ils ont subie. Dans Zero Dark Thirty, on sait ce qui motive tout ce cirque, il y a cette punition "justifiée" par l'attentat, mais il y a surtout le "double effet kiss cool" d'une action terroriste ! La peur, les repères qui dérivent, des chemins que nous refusions auparavant d'emprunter, l'érosion de nos choix moraux : l'action terroriste ne s'arrête pas le jour suivant le drame, son impact est au long cours, et dans Zero Dark Thirty, au-delà d'une passionnante enquête où l'on avance millimètre par millimètre, c'est bel et bien le comportement de ces "rescapés", sur la justification des actions engagées, que Bigelow nous interroge. Ni pro américain, ni exagérément critique non plus, Zero Dark Thirty est un "beau morceau", un film d'hommes, propulsé par deux femmes, doté d'une réalisation particulièrement solide, en forme de constat interrogatif... Voilà qui ils sont... voilà qui nous sommes... cherchez les animaux !
Zero Dark Thirty (Kathryn Bigelow, 2012)

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