À Bruxelles, vit Ephrem Nkezabera membre du comité de direction d’une grande banque, actionnaire de la radio des 1000 collines, dirigeant des milices hutues interahamwe. Ephrem Nkezabera est passé aux aveux. C’est son procès en Cours d’Assise qui est filmé par la réalisatrice Marie-France Collard. Nous ne verrons pas Ephrem Nkezabera, malade, son avocat a demandé le report. Refusé par la juge, le procès se tiendra tout de même sans sa présence, mais avec ses témoignages, recueillis par des enquêteurs. L’avocat de l’accusé, les avocats des parties civiles, la présidente de la cour d’Assises, un ex-enquêteur du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), des témoins, des femmes rescapées, tous contribuent à dresser le portrait du génocidaire.
Les témoignages des victimes, pendant le procès et leurs réflexions filmées dans un cadre plus personnel généralement chez eux, éclairent des conditions d’existence difficiles. Chacune des victimes raconte ce qu’elle a vécu et comment elle gère maintenant ses traumatismes. Les faits ne sont pas directement liés à Ephrem Nkezabera, mais son parcours à Kigali est de notoriété publique. Cependant, bourreaux et victimes, à Kigali, comme à Bruxelles cohabitent. Cette cohabitation ne se fait pas aisément : douleurs des souvenirs, arrogances des anciens bourreaux. Ceux-ci possèdent des réseaux qui les protègent encore, malgré l’existence d’une liste d’Interpol grâce à laquelle ils sont identifiés.
Les témoignages nous replongent dans les quatre mois de 1994, d’avril à juillet, où le Monde a connu l'un des génocides les plus meurtriers du XX° siècle.
Des images d’archives viennent compléter le travail de la réalisatrice.
Chargés d’émotions ces témoignages sont importants pour conserver la mémoire de cette tragédie. Comme ceux des survivants de la Shoah, les paroles de ces rescapés sont intangibles et font parti d’un travail de mémoire capital pour les générations futures. Ce film permet d’appréhender l’horreur dans sa banalité, d’en concevoir les conséquences sur les êtres, les familles, la société. Le procès est un véritable outil démocratique qui permet à la vérité d’être connue et revendiquée.
Rares sont les procès, les réparations inexistantes, ainsi ce film témoigne et devient œuvre pour l’Histoire. Marie-France Collard revendique avec son film, une lutte contre l’impunité qui touche ceux qui ont commis ces crimes contre l’Humanité, crimes imprescriptibles et espère ainsi que la chasse aux bourreaux et la justice continuent à faire leur office.
Un entretien de la réalisatrice.
Bruxelles - Kigali
Marie-France Collard, Cobra / Zeugma films / RTBF, Belgique, 2011 - 118 minutes - VOSTF