Non seulement l’Union européenne permet de réintroduire les farines animales dans la nourriture des poissons, mais en plus elle vient de mettre un terme aux tests de dépistage sur les animaux « sans signe clinique » apparent.
Et le tout, en persistant dans son refus de procéder à la traçabilité dans les plats préparés.
C’est bien, l’UE, c’est bien. Encore une fois, la Commission européenne prend une mesure déconcertante, sous prétexte d’alléger les contraintes pesant sur les industriels et leur compétitivité, quitte à exposer les populations à des risques majeurs pour la santé ou à des tromperies sur la marchandise.
« Le chevauchement des calendriers est pour le moins fâcheux. Lundi 4 février 2013, dix jours avant la levée partielle de l’interdiction des farines animales et en pleine crise de la viande de cheval, la Commission européenne a adopté une décision importante, passée inaperçue.
En modifiant le règlement de surveillance de l’Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), autrement appelée « vache folle », la Commission européenne lève l’obligation d’effectuer des tests de dépistage chez les animaux de plus de 72 mois « ne présentant pas de signe clinique de la maladie » [1].
Un cas positif sur 5 millions
Sous la pression des États membres, qui dénoncent les coûts importants des campagnes de dépistage, les directives européennes sur le contrôle de l’ESB ont été successivement assouplies, en2008 et 2011. D’après une décision de juin 2011, 25 pays – dont le Royaume-Uni – sont ainsi autorisés à ne procéder qu’à des dépistages d’échantillons à compter du 1er janvier 2013.
Mais la Commission a souhaité aller plus loin en supprimant totalement les dépistages sur les bovins « sains ». Les contrôles sont désormais limités aux bêtes « à risques (animaux trouvés morts, animaux abattus d’urgence et cas cliniques suspects) », âgés de plus de 48 mois, indique la Commission.
Ce système est « largement conforme aux normes internationales » tente de rassurer le texte, paraphé par le commissaire européen chargé de la Santé et des Consommateurs, Tonio Borg. Ce dernier s’appuie sur un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) affirmant que, même en l’absence de dépistage sur les bovins sains, le système garantit « avec un niveau de confiance de 95 % (…) une prévalence d’un cas [de vache folle] sur 5,4 millions de bovins adultes », contre 1 cas sur 7,2 millions avec le système actuel.
En France le nombre de cas d’ESB détectés est passé de 274 en 2001 à 3 en 2011. Il a chuté à 7 cas en 2011 au Royaume-Uni contre 37 000 cas recensés lors du pic de 1992 [2]. Près de vingt ans après la crise sanitaire dite de la « vache folle », le temps de l’émotion est passé. Et avec lui, celui du « principe de précaution ».
« Nous baissons la garde, car la psychose est retombée. Mais c’est une maladie que nous ne connaissons pas, s’inquiète Jean-Marc Desfilhes, assistant de José Bové au parlement européen, en découvrant le texte en question. Il n’y a pas eu de progrès scientifiques dans l’étude du prion[protéine de l’ESB] et de la façon dont il se diffuse. »
36 millions d’euros par an
Or, cet assouplissement des règles de dépistage était attendu de longue date par les professionnels de la filière bovine, largement impactée par le coût du programme mis en place en 2001 : 36 millions d’euros par an selon la Commission. La Confédération paysanne n’a ainsi « rien à redire » à cette nouvelle réglementation européenne. Le risque de voir réapparaître la vache folle est maîtrisé, estime l’organisation.
« Le prion est apparu à cause du laxisme de la réglementation du Royaume-Uni sur les farines animales, assure Philippe Collin, porte-parole de la Confédération paysanne. L’utilisation des bêtes d’équarrissage [cadavres d’animaux]et la baisse des températures et du temps de cuisson pour la fabrication des farines animales sont clairement identifiées comme les causes du phénomène. »
La priorité est donc selon lui de veiller à « l’étanchéité » des filières de distribution pour que la farine animale n’atterrisse pas dans les exploitations de viande bovine. « Ce n’est pas gagné, quand on voit que nous ne sommes pas capables de distinguer de la viande de bœuf et de la viande de cheval », conclut pourtant le responsable syndical.
Une simultanéité « irresponsable »
En pleine crise de confiance sur l’industrie agroalimentaire, la Commission européenne a surtout déjà lâché du lest sur les farines animales. Elle annonçait, jeudi 14 février, la levée de l’interdiction des farines de porc et de volailles dans les élevages de poissons, à compter du 1er juin. L’utilisation des farines animales reste théoriquement sous étroit contrôle et catégoriquement interdite à la filière bovine.
Mais la crise actuelle et la simultanéité des deux annonces de la Commission génèrent beaucoup d’inquiétude : « Ils sont complètement cinglés, réagit José Bové mardi soir. Abandonner les tests et réintroduire les farines animales dans le même temps, c’est irresponsable. Nous savons que les farines animales font l’objet de trafics et sont difficiles à contrôler. » »
Source: Politis