A propos de Lore de Cate Shortland
Saskia Rosendahl
Adaptation du roman de la Britannique Rachel Seiffert The Dark Room (2001), Lore de Cate Shortland est une fiction anglo-germano australienne qui narre le destin tragique d’une adolescente allemande à la fin de la seconde guerre mondiale. Fille d’un officier SS obligé de fuir et d’abandonner femme et enfants, Lore se retrouve bientôt en pleine forêt noire, avec à sa charge et sur les bras deux petits frères, sa sœur et un bébé. Leur mère les a en effet abandonnés à son tour à leur sort, prétextant qu’elle partait à Hambourg rejoindre (en éclaireuse) leur grand-mère. Lore et ses frères et sœur entreprennent alors un périlleux voyage dans la forêt, direction le Nord de l’Allemagne. En chemin, ils rencontrent Thomas, un curieux et mutique jeune homme qui se met à les suivre. Lore éprouve à la fois du dégoût et de la fascination pour ce jeune Juif. A mesure que l’adolescente découvre son corps, une sensualité nouvelle et inconnue monte en elle, un désir et une attirance étrange pour Thomas, qu’elle ne parvient pas à identifier, encore moins à contenir. A l’éveil de ses sens, à la découverte de son corps répondent une éclosion et un passage accélérés de l’adolescence à l’âge adulte pour la jeune femme. Effrayée, inquiète quant au sort de ses parents qui ont disparu, Lore doit d’abord lutter pour sa survie et celle de ses frères et sœurs, dans un milieu et une nature hostiles et dangereux. Pourra-t-elle compter sur l’aide de Thomas et lui faire confiance, lui qui n’arrête pas de la regarder en coin…
Kai Malina
De Lore, on retiendra d’abord le grain épais de l’image. L’ambiance sombre comme la pellicule bleutée collent bien aux ambiances nocturnes de la forêt noire. La mise en scène très (trop parfois ?) stylisée de la réalisatrice australienne se caractérise par une grande attention portée à la nature, à l’organique, en un mot à ce qui peut encore paraître vivant dans cette grande misère, cette grande tristesse de fin de guerre.
Sa caméra privilégie tantôt les gros plans, tantôt les ralentis, aime à effleurer les peaux, caresser les visages pour mieux saisir les sentiments, les sensations qui s’y impriment. On retiendra une abondance de plans, une succession de séquences très courtes, plans fixes sur la nature à l’aube ou au crépuscule, gros plans dans le cou de Lore, etc…. Ce sont les silences qui dictent souvent les sentiments des personnages et ce désir érotique qui monte entre Lore et Thomas mais que la jeune femme, peu habituée à de tels élans, essaye de retenir.
Un brin maniéré parfois dans sa mise en scène, Lore vaut néanmoins le détour pour le jeu sans failles de ses acteurs et l’originalité de son projet. C’est vrai, pourquoi cette histoire ? Qu’est-ce qui a pris à une réalisatrice australienne de se repencher par le biais de la fiction sur une Histoire vieille de 70 ans et qui concernait un pays si éloigné du sien ? Sans doute que derrière la fiction se cache un devoir de mémoire, pour que l’on n’oublie jamais ce qu’a été l’Holocauste et qu’elle ne revienne jamais. C’est aussi un des enjeux du film. Lorsque les protagonistes découvrent avec horreur les photos de charniers placardées sur les murs, images atroces de corps mutilés, nus, entassés et décharnés, il émane aussi de leur regard un recul qui semble beaucoup plus contemporain que correspondre à celui de quelqu’un de l’époque …
http://www.youtube.com/watch?v=5dmrVkh5R-Y
Film germano-britano-australien suisse de Cate Shortland (01 h 48)
Scénario de Cate Shortland d’après le roman de Rachel Seiffert :
Acteurs :
Mise en scène :
Compositions de Max Richter :