Titre original : Beautiful Creatures
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Richard LaGravenese
Distribution : Alden Ehrenreich, Alice Englert, Emma Thompson, Jeremy Irons, Viola Davis, Emmy Rossum, Thomas Mann, Eileen Atkins, Margo Martindale, Zoey Deutch…
Genre : Romance/Fantastique/Adaptation
Date de sortie : 27 février 2013
Le Pitch :
Ethan est jeune et a des rêves plein la tête. Le truc, c’est qu’il vit au milieu de nulle part, dans une petite ville aux mentalités étriquées du sud des États-Unis. Seuls son ambition et ses rêves, étranges, où il rencontre une mystérieuse jeune fille, chaque nuit, lui permettent de s’évader d’une morosité ambiante de plus en plus oppressante. Un jour pourtant, le quotidien d’Ethan est chamboulé quand Léna, une nouvelle élève ténébreuse, emménage dans le manoir des Ravenwood, une richissime famille auréolée d’une réputation un peu malsaine. Léna qui ressemble à la fille qui hante les nuits d’Ethan et dont l’arrivée coïncide avec plusieurs évènements inexplicables…
La Critique :
Sérieux candidat au titre très convoité (car synonyme de tonnes de fric), de « Nouveau Twilight », Sublimes Créatures est comme il se doit l’adaptation du best-seller 16 Lunes, le premier tome de la Saga des Lunes, de Kami Garcia et Margaret Stohl. Comme Hunger Games donc, ou encore le prochain Les Âmes Vagabondes (et là c’est du lourd, car c’est signé Stephenie Meyer, l’auteur de Twilight), Sublimes Créatures cherche clairement à récupérer les fans de la saga vaguement vampirique, mais pas seulement. Pas seulement, car le film flatte aussi les fans d’Harry Potter, eux aussi bien seuls depuis la fin des aventures du célèbre sorcier. Dans Sublimes Créatures, il n’y pas de vampires, mais il y a des sorciers. Des enchanteurs plus précisément, et de l’amour bien sûr. Et de ce côté là, il faut reconnaître la propension de l’intrigue à se calquer avec une gouaille assez hallucinante, sur le modèle de Twilight, lui-même largement pompé sur le Roméo et Juliette de Shakespeare. En soi, on parle ici de deux jeunes amoureux devant combattre les préjugés inhérents à la différence de leur condition. Dans Twilight, une humaine en pinçait pour un suceur de sang. Dans Sublimes Créatures, un humain en pince pour une sorcière (on schématise). Une sorcière qui, à l’instar du Edward de Twilight, vient d’une famille aisée et fantasque, où tout le monde s’habille comme l’As de pique. Et vas-y que je te balance des tenues et des coiffures absolument atroces, capables d’enlaidir une nana aussi canon qu’Emily Rossum ! Vas-y que je t’impose des effets-spéciaux grossiers pour mettre en valeur des architectures et une imagerie d’un mauvais goût remarquable ! En somme, de quoi conférer au « Sublimes » du titre, une ironie des plus cinglantes…
Pas très original (le premier tome est sorti un an après le premier Twilight, ceci explique peut-être cela), le script de Sublimes Créatures n’est pas pour autant à jeter. Pas complètement en tout cas. Quand il montre du doigt les dérives d’un fanatisme religieux extrême propre aux régions du sud des États-Unis, le film s’avère ainsi assez audacieux, surtout si on considère son caractère très grand public. La critique n’est pas très fine, mais critique il y a et c’est une bonne chose, car le récit y gagne en profondeur. La localisation, -un trou paumé et boisé, comme dans Twilight- et la caractérisation des personnages qui constituent l’entourage des héros, s’en trouvent plus cohérente et participe à donner au film une identité. Même si, on y revient, l’identité en question se nourrit d’univers vus et revus très récemment.
La distribution constitue l’autre gros point positif de Sublimes Créatures. Le fait notamment d’avoir choisi deux quasi-inconnus pour interpréter ces Roméo et Juliette des temps modernes apparaît comme judicieux (Alice Englert, la jeune héroïne est la fille de la réalisatrice Jane Campion, connue pour sa Leçon de Piano palmée à Cannes), tout comme ce désir implicite d’opter pour des comédiens au physique assez commun, en opposition avec la plastique d’un Rober Pattinson par exemple. L’identification s’en trouve renforcée et les sentiments qui unissent ces deux âmes éprises d’en ressortir plus authentiques. Aux côtés du couple vedette, on relèvera les deux performances en roue libre (mais dans le bon sens) de Jeremy Irons, mais surtout d’Emma Thompson, visiblement très en joie de se retrouver dans les frusques d’une enchanteresse un peu tarée. Emmy Rossum est de plus de retour au premier plan, et ça aussi c’est bien !
Fable métaphorique qui illustre une fois de plus ce moment de la vie où l’adolescent devient un adulte, où il apprend à aimer et à affronter les difficultés de l’existence pour au final se défaire de ses chaines, Sublimes Créatures distille une morale bienveillante, certes rabâchée, mais plutôt sympa. Sympa car jouant sur les nuances de gris de la vie. Ode voulue ultime à un anti-manichéisme maladroit mais toujours bienvenu.
Et il y a un truc très drôle dans Sublimes Créatures. Pas l’humour, quoique sympathique et gentillet , mais l’évocation de Charles Bukowski. Oui, l’écrivain. Celui des Contes de la folie ordinaire, de Factotum ou du Journal d’un vieux dégueulasse. Le génie de la littérature américaine, et sa prose brutale, franche, et aussi décomplexée et touchante que souvent violente, qui se retrouve propulsé dans un univers adolescent, où une jeune fille dotée de pouvoirs paranormaux loue son œuvre. C’est de Bukowski dont Ethan et Léna parlent quand ils se rencontrent et plusieurs fois il est cité dans le film, en voix off notamment. Ethan le héros, découvre Bukowski, mais est déjà versé dans la littérature underground. Il écoute Bob Dylan, rêve de bouffer du bitume comme Kerouac et se comporte comme une figure juvénile de la beat generation. Sacré décalage symptomatique d’un film à la recherche de profondeur. Autant dire que si de telles évocations font sourire, elles ne fonctionnent pas pour autant. La démarche est grossière, car en affirmant que c’est cool de lire Bukowski et d’écouter Dylan, on ne rentre pas dans les détails. On effleure pour mieux trahir, sans le vouloir bien sûr, des apparences décidément trompeuses. Comme si Sublimes Créatures n’assumait pas son statut d’œuvre potentiellement culte pour adolescents en quête de sagas existentielles riches en métaphores cartonnées. Comme si le film voulait se démarquer de Twilight, alors qu’il y revient sans cesse. Avec un supplément d’âme néanmoins qui le sauve du naufrage annoncé.
Mais après tout… Si cela peut permettre à Bukowski et à Dylan de gagner des fans, ce sera déjà ça de pris…
Rendez-vous au prochain épisode (car prochain épisode il y aura certainement)…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : SND Diffusion