1348. L'Angleterre est touchée par la peste noire et la chasse aux sorcières s'intensifie. Une bande de croisés part en chasse d'une sorcière accompagné d'un moine...

La critique noire de Borat
Les films qui se concurencent sur un même sujet ou thématique sont légions depuis quelques années. En 2011, fort d'une oeuvre (malheureusement) dans le domaine public, deux Guerre des boutons sont produites pour un résultat qui ne fera jamais d'ombre au film d'Yves Robert. L'an dernier, c'était au tour des Blanche Neige avec la perdante Lily Collins (qui se souvient de la version de Tarsem en dehors des nanardeurs?) et la victorieuse (mais pas tant) Kirsten Stewart (beaucoup en font les louanges, mais semblent oublier qu'une première version sombre était sortie en 1995). En 2013, ce sera le film burné avec protection du président ricain par un agent spécial, avec Gerard Butler et Aaron Eckhart pour Antoine Fuqua; et Channing Tatum et Jamie Foxx pour Roland Emmerich. En 2008-2009, c'était pour la chasse aux sorcières à la mode moyenâgeuse. D'un côté, Dominic Sena, tâcheron auquel on doit aussi bien le naveteux remake de 60 secondes chrono que le sympathique Kalifornia (ou comment Brad Pitt fait augmenter la moyenne), avec son Dernier des templiers et ayant pour vedette un Nicolas Cage auquel on ne sait véritablement jamais sur quoi on va tomber! De l'autre côté du ring, Black Death de Christopher Smith, réalisateur au combien prometteur (on lui doit le redoutable Triangle ne l'oubliez pas), avec Sean Bean en tête d'affiche (et l'on sait que quand Sean prendit l'épée, ce n'est pas pour faire dans la nullité, cf Game of thrones).

Tout deux dormiront dans des cartons pendant un ou deux ans, mais ce sera le premier qui sortira (plus d'1 million de spectateurs français pour voir Cage se fader des manequins pourraves, même pour un mois de janvier, c'est vraiment significatif de la grande distribution du moment!). Pendant ce temps, l'autre traînera dans les festivals et sortira en DTV chez nous, après des sorties limitées en Angleterre et Etats-Unis. A nos grands regrets, ne pas voir encore une fois un film de Smith sur grand écran (même sort funeste pour Triangle) relève du grand foutage de gueule. Avec une bonne promotion, il y avait facilement de quoi sortir un film pareil hors d'un circuit aussi fermé que le DTV (si ça se vend pas, bacs à soldes direct). Outre Bean, on retrouve Eddie Redmayne (que vous pouvez voir en Misérable depuis une semaine), John Lynch (Au nom du père), Carice Van Houten (doit-on encore la présenter dans ces colonnes?), Tim McInnerny (Notting Hill), David Warner (Titanic) et Kimberley Nixon. L'histoire se déroule en pleine époque de peste noire, d'où le titre du film, ce virus étant souvent baptisé la "mort noire". Il s'agissait ni plus, ni moins que de puces avides de sang rongeant l'intérieur du corps, faisant apparaître des ganglions lymphatiques et pouvant provoquer des ulcères. Une période noire et en sachant que l'action du film se déroule au tout début de la pandémie puisqu'elle se terminera aux alentours de 1352.

Un climat non propice à la plaisanterie, d'autant que cette contamination peut aussi bien venir de puit que la nourriture manger. A ce climat de peur croissante, se rajoute la peur des sorcières. Smith donne l'exemple d'une jeune femme qui risque de se faire brûler pour avoir oser parler devant un puit. Or, pour les villageois elle apparaît comme une sorte de sorcière, ayant invoqué le Diable pour pourrir l'eau. Manque de bol, l'eau a commencé à sentir pas terrible à partir du lendemain. Invoquation ou simple manque de chance? On ne le saura pas, mais reste que ce genre de réactions fait terriblement froid dans le dos. Comment penser qu'une moindre parole finisse par devenir une véritable hérésie? La même question se posera à Salem (ville fondée par des colons anglais qui plus est!) trois siècles plus tard. C'est donc dans cette atmosphère entre la peur de mourir et la crainte de l'autre (et surtout des femmes) qu'arrivent nos chevaliers dans un monastère. Ils cherchent un endroit où résiderait une sorcière faisant revenir à la vie des morts. Ils prennent sous leur aile Osmund, un jeune moine en pleine crise de foi. Ce dernier ne sait plus vraiment s'il doit garder son amour pour Dieu ou pour la jolie Averill qu'il aime tant. Un dilemme qui n'est pas sans rappeler le mythique Nom de la rose, où Christian Slater ne savait plus où donner de la tête dans un rôle encore plus jeune.
Ses convictions ne vont cesser d'être tarauder au cours du récit, un peu à l'image de l'héroïne de Triangle (même s'il n'y a aucune trace de boucle temporelle). L'équipe est composée d'hommes qui ne font pas dans la dentelle et prêts à se protéger mutuellement. On le verra notamment dans une merveilleuse scène de baston en pleine forêt, où le sang giclera en masse et les têtes tomberont. Vient alors un village où les choses étranges vont commencer à s'accumuler. (attention spoilers) Le pire arrivera dans le dernier tiers où une simple femme a réussi à envenimer toute une population. Pire que la peste, une sorcière! Un virus qui n'est éradicable que par la mort de cette femme, mais le village est tellement bien endoctriné qu'il est quasiment impossible d'y mettre fin sans sacrifice. Mais Smith fait bien mieux en dévoilant une noirceur bien plus intense: celle du coeur. Ayant tout perdu, jusqu'à sa réelle foi, Olmund finit par devenir aussi fou que la sorcière qu'il traque. Une telle rancoeur atténué par un chagrin continuel qui s'est forger au fil des années. Au point que la première femme suspectée apparaît pour lui comme une réincarnation de la sorcière. (fin des spoilers) Smith peut décemment compter sur une flopée d'acteurs remarquables. Comme à son habitude quand il est bien dirigé (ce qui arrive tout de même peu malheureusement), Sean Bean en impose en chevalier qui cache bien son jeu. Quant à Carice Van Houten, elle est merveilleuse en prêtresse. La parfaite figure du dictateur.
Un film historique épique et rendant bien les différents conflits moraux et idéologiques de cette époque gouvernée par la mort.
Note: 17/20
Black Death