(Warp Records)
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Jamie Lidell ne nous avait pas habitué à temps d’attente, lui qui était sur 3 (et demi) albums en 5 ans. Bon, trois ans entre deux disques, ça reste très correct mais en vie d’artiste 2.0 ça équivaut à peu près à dix piges. Ceci peut s’expliquer par un changement de maison et donc de home studio récemment puisque monsieur fait tout chez lui.
Bref, Jamie est de retour et ça fait plaisir. Parce qu’il s’agit d’un des artistes les plus créatifs et qu’on en aura forcément pour nos oreilles.
La vraie question finalement c’est de savoir vers quel saint va-t-il se vouer. Retour aux sources soul/funk de Jim ou la continuité de Compass entre électro, pop et soul ? On va pas faire durer le suspens trop longtemps, Jamie Lidell a choisi la seconde voie. En la poussant encore plus loin. Le premier titre sorti, What A Shame, ne laissait pas vraiment de place au doute sur les intentions du britannique. Du son hybride, un poil torturé, avec du synthé qui dégouline mais toujours cette voix si particulière qui pioche dans les soulmen d’antan. Sans véritable surprise mais un titre qui avait le mérite de bien présenter le projet.
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Jamie Lidell – What A Shame
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Le reste de l’album navigue dans les mêmes eaux synthpop vintage des 80′s. Et il ne s’en cache pas vraiment puisque Jamie a travaillé sur les mêmes synthés que Prince des grandes années. Et l’analogie avec le génie nain est immanquable. Hommage, envie de se faire un kif perso, on ne sait pas trop mais ce disque transpire la « patte Prince ». Peut être même trop.
Il y a deux types de titres Princiesque. Ceux qui renvoient directement à la discographie de l’artiste comme Blaming Something ou Big Love et ceux qui renvoient à une projection de ce qu’aurait pu produire Prince de nos jours s’il avait encore envie de faire de la musique (on t’aime d’un amour vrai incommensurable mec, mais avoue-le, t’as plus envie) tel que I’m Selfish et You Know My Name. On va pas se mentir, la deuxième catégorie nous plait bien plus hein.
Mais ce qui nous botte encore mieux, c’est lorsque Jamie Lidell s’éloigne des traces de son artiste favori pour voguer vers d’autres horizons. Notamment vers le funk-pop qui rappelle un autre glorieux génie en la personne de George Clinton. Sans surprise, les deux titres phares du disque vont dans ce sens là: Do Yourself A Faver c’est du petit lait au miel rempli de la malice musicale des Funkadelic/Parliament tandis que You Naked c’est LE tube parfait qui trouve un équilibre air du temps/ambiance passée assez fou avec un refrain de fou mental. On retrouve tout le génie du mec condensé en deux supers morceaux.
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Jamie Lidell – You Naked
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Mais alors, ce qu’on aime encore plus, c’est quand Jamie Lidell fait du Jamie Lidell. Et malheureusement, c’est trop rare. Il faut attendre la fin de l’album pour retrouver l’originalité assurée 100% de l’ami. Lorsqu’il retrouve son piano fétiche sur le très beau Don’t You Love Me qui rappelle pour le coup les premiers amours du mec ou alors lorsqu’il se laisse tenter par l’ambition d’aller explorer des contrées pas encore défraichies avec So Cold sur lequel on pourrait croire qu’ André 3000 va apparaitre d’une seconde à l’autre. D’ailleurs, ce morceau nous faire quelque peu fantasmer sur un truc évident mais auquel nous n’avions pas encore pensé. Jamie Lidell pourrait très bien produire en partie un album solo pour Dédé 3K. Essayez de mettre la voix du membre d’Outkast sur plusieurs titres de ce disque, vous verrez, ça marche plutôt pas mal du tout. Allez les gars, faites un effort!
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Jamie Lidell – Don’t You Love Me
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Jamie Lidell – So Cold
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Faut quand même bien le dire, ce type est fabuleux. Il a assez de talent pour n’avoir besoin d’aucune aide extérieure que ce soit pour l’instrumentalisation ou pour les parties vocales. Vous pouvez chercher, il n’y en a pas tant que ça dans ce cas-là. Après on peut toujours dire que l’aide extérieure provient de ses influences qu’il a peine à cacher. Surtout sur ce disque. Un album qui prend toute sa hauteur lorsque Jamie Lidell lâche la bride et s’autorise à sortir du carcan dans lequel il s’enferme parfois trop.
Alors oui, on préfère sans doute écouter un Jim, plus léger et plus facile à s’enquiller en entier mais tout le talent de Lidell est bien plus percevable sur ses deux derniers disques. Tout le paradoxe est là. Mais on aime bien les artistes paradoxaux donc fais comme tu veux mon petit Jamie, tant que tu fais de la bonne musique. Enfin si un jour tu veux refaire de la soul classique, on prend hein…
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TRACKLIST:
1.I'm Selfish 4:54
2.Big Love 4:44
3.What A Shame 4:37
4.Do Yourself a Faver 4:08
5.You Naked 4:49
6.Why_ya_why 3:34
7.Blaming Something 4:41
8.You Know My Name 4:18
9.So Cold 3:57
10.Don't You Love Me 4:17
11.In Your Mind 4:26
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