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La poésie de Marmarinos s'empare habilement de l'intensité de Racine...

Publié le 05 mars 2013 par Fousdetheatre.com @FousdeTheatre

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Salle Richelieu, aidé d'une distribution exceptionnelle, Elsa Lepoivre Pierre Niney et Samuel Labarthe en tête, le metteur en scène grec Michael Marmarinos fait de cette tragédie classique un drame intemporel, joliment fantasmé et stylisé, dont la violence, la force, l'impact, se voient décuplés par un calme apparent. Sans être inoubliable, voici une nouvelle version de "Phèdre" qui séduit par son décalage inspiré, dix-huit ans après celle d'Anne Delbée au même endroit (Martine Chevallier tenait alors le rôle titre et les somptueux costumes de Christian Lacroix nous en mettaient plein les yeux). A voir.

Est-il besoin ici de rappeler l'intrigue ? Les grandes lignes, peut-être ? Hippolyte, fils de Thésée, s'apprête à quitter Trésène pour rejoindre son père au combat, fuyant d'une part l'amour qu'il porte à Aricie, jeune fille d'un clan ennemi, et d'une autre sa belle-mère Phèdre qu'il abhorre. Tandis que l'on annonce la mort de Thésée, Phèdre déclare son amour à Hippolyte, dans l'impossibilité de le taire plus longtemps. Mais Thésée, bien vivant, est de retour... 

Marmarinos prétend produire un théâtre poétique et concernant. Il y parvient intelligemment. Pour donner à entendre une "tragédie des mots, de la douleur, des secrets" à laquelle tous les spectateurs s'identifieront, il mêle dans sa scénographie et ses costumes des éléments, des clés de diverses époques et ne va surtout pas chercher de réalisme dans la mise en scène. Les images qu'il crée se révèlent aussi sophistiquées que limpides, portées par une illustration sonore discrète mais permanente, obsédante. Les corps emploient un langage qui leur est propre. Le phrasé, la diction des comédiens reflètent un quotidien déformé. Mais la vérité des sentiments est là, ancrée au plus profond des personnages.

Au coeur d'une imposante demeure dont les ouvertures laissent largement apparaître un paysage projeté sur un cyclo (l'océan, une île, l'horizon, le soleil...), les comédiens Français font encore et toujours des merveilles. Elsa Lepoivre (Phèdre) contient avec maestria la douleur, l'amour, le feu brûlant en elle pour ne les laisser jaillir qu'aux moments les plus opportuns. L'actrice est magnifique. Pierre Niney, nouvelle star de la maison de Molière , au jeu toujours aussi spontanné et évident, est (en alternance, attention !) un Hippolyte habité, dense, épais. Son aisance laisse à chaque fois sans voix. Samuel Labarthe campe un Thésée qui en impose et bouleverse. Eric Génovèse offre à son Théramène la subtilité et la délicatesse qui le caractérisent. Clotilde de Bayser, en Oenone, est empreinte d'une fort belle gravité. Jennifer Decker, dont la sensibilité nous avait émus le mois dernier dans Hernani, récidive cette fois-ci en Aricie. Enfin, dotée d'une partition plus restreinte, Cécile Brune (Panope) n'en oublie pas pour autant de démontrer avec sobriété et efficacité le savoir faire indéniable des membres de la troupe. 

Beau moment.

Jusqu'au 26 juin.


 

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Photos : Brigitte Enguérand


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