Moi j’aimais bien les chats de Séchas. J’aimais bien leur humour acerbe, leur critique douce-amère; j’en aimais bien aussi la forme, la manière dont ils s’inscrivaient dans l’espace, dont ils le transformaient. Ça n’était pas juste rigolo, c’était peut-être un peu répétitif, un peu attendu, mais c’était toujours agréable de les découvrir à nouveau. Et Professeur Suicide (ci-contre) est une pièce merveilleuse et profonde.
Je peux comprendre qu’au bout de dix ans, l’artiste, un peu par lassitude, un peu craignant la lassitude du marché, se dise qu’il doit changer. Je peux comprendre qu’alors il tâtonne, il expérimente, et je veux bien trouver ça émouvant, intéressant, prometteur. Je ne suis pas un fanatique des chats, un nostalgique dogmatiquement conservateur de son ancienne manière.
Alors, quand je vais voir son exposition au Musée Bourdelle, je suis d’abord intrigué par le Centaure mourant dont sa version 2.0 se décompose comme un jouet japonais, la (reproduction de la) statue de Bourdelle s’ouvrant, se démontant, se dépliant. Je suis réceptif, intéressé, un peu dubitatif mais plein d’espoir pour cette nouvelle voie dans laquelle je commence à discerner plein de promesses : déconstruction, hommage irrespectueux au maître, voilà du grain à moudre.Je passe vite sur l’horloge (’Gong’) qui tourne à l’envers, sans grand intérêt, et, arrivé dans la première salle de peintures et dessins, je me dis “tiens, on a ressorti ses premiers travaux des années 60″. Sauf qu’il est né en 1955, que les cartels disent 2007 ou 2008, et qu’il y a six salles comme ça. Six salles de dessins et de tableaux qui naviguent entre Pollock et l’Ecole de Paris, un disciple tardif de Mathieu.
C’est tragique, triste à pleurer, et je ne vous en montrerai pas. Non pas tant que l’artiste tâtonne, ce qui est compréhensible, mais que, dans cet endroit où, grâce à l’actuelle directrice du musée, on a vu des pièces superbes de Rutault, de Varini, de Pariente, de Sarkis, on montre ces tâtonnements pas accomplis, qui le dévaluent. C’est triste que personne ne lui ai dit que montrer ses recherches en l’état n’apportait rien, qu’il aurait peut-être mieux valu attendre qu’il s’en sorte. Ça m’a fait penser, méchamment peut-être, à la période vache de Magritte, incompréhensible, mais qu’un critique comme J-Y Jouannais défend aujourd’hui.Tout au bout est projetée une vidéo sur son travail. Il est frappant de voir Séchas heureux, espiègle devant ses oeuvres anciennes, et le même, abattu, l’oeil triste, mendiant l’indulgence du spectateur devant ses nouvelles toiles. Le critique qui l’interviewe a l’air tout aussi dubitatif, et l’avant-propos au catalogue de la directrice du musée n’est guère plus convaincant, excepté sur le Centaure mourant. C’est triste.
Les deux oeuvres de Séchas représentées ici ne font pas partie de l’exposition (Professeur Suicide et Capitaine Cat). © Alain Séchas, ADAGP. Les images seront ôtées à la fin de l’exposition le 24 août.