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Pour une presse au service de toutes les intelligences

Par Sergeuleski

   Penser demande un vrai effort car, penser va à l'encontre de notre nature. Penser c'est pénible, épuisant. C’est une violence faite à soi-même et aux autres. On évite, on résiste autant qu'on peut, des quatre fers, tellement ça ne nous ressemble pas, et c'est sans doute la raison pour laquelle, penser c'est penser à rebrousse poil, toujours ! Et personne ne vous remerciera de l'avoir fait car alors, vous serez leur mauvaise conscience car penser c'est penser contre tous ceux qui ont renoncé à cet effort à leur insu, tous ceux qui ont jeté l'éponge...et ça en fait du monde ! Un sacré paquet : tous ceux qui pensent avoir de bonnes raisons d’ignorer qu’ils ont renoncé à penser ! 

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   A l’heure où Médiapart (France !)  annonce le lancement  en Espagne d’un nouveau journal en ligne, infoLibre avec l’ambition de  « faire du journalisme indépendant, rigoureux et libre » et d’un mensuel imprimé, tintaLibre, dont Médiapart est partenaire…

On sera vraiment tentés d’espérer que ce nouveau journal ne reproduira pas ce qu’a pu être ailleurs une erreur… à savoir, un journal au service d’un journalisme d’opinion… mais bien plutôt un outil de diffusion qui, à partir d’une actualité donnée, un fait de société, une préoccupation d’ordre politique ou économique, une question qui toucherait à l’éthique, se proposerait alors de nous présenter toutes les analyses by CouponDropDown"> by CouponDropDown"> by CouponDropDown"> by CouponDropDown">disponibles émanant d'acteurs avisés et informés, y  compris celle du journal en question pour peu que sa rédaction l'ait jugé approprié.

Pour le dire autrement… il serait question d’une presse qui nous présentera tout ce qui se pense sur un sujet en particulier et pas simplement ce que la rédaction du journal souhaite donner à penser à ses lecteurs.

Car à bien y réfléchir, les journaux d’opinions, indépendants financièrement ou pas, sont libres de tout sauf de l’opinion de ceux qui les dirigent, lesquels sont à l’origine de tous les choix éditoriaux qui sont faits. Or, des choix éditoriaux n’ont jamais fait avancer l’information quelle qu’elle soit sur quelque sujet que ce soit car, si un journal d’opinion peut être libre, il ne l’est sûrement pas de sa propre propagande – choix par avance biaisé donc parce qu’en faveur d'une information aux couleurs du drapeau de la rédaction du journal.

   L’avenir n’est pas à « une information libre » qui n’est qu’un slogan et moins que ça encore si elle est « d’opinion » (1)… non, l’avenir est bien à toute l’information disponible sur un sujet donné ; une information qui, à un instant T,  reprendrait toutes les analyses produites. Et cet avenir-là, qu’on le veuille ou non, souhaitable ou pas, c'est Internet et son temps réel qui l’a déjà sculptée et rendue quasiment inévitable.

On pensera à un journal agrégateur,  un peu à la manière d’Agoravox…  certes sur le mode militant de la contre-information en ce qui concerne ce webzine, mais c’est un exemple parmi d’autres de modèle de diffusion, de développement et de dé-multiplication de l’information à partir d’une information unique relayée à satiété par des médias numériques mainstream qui ne sont le plus souvent que la version numérique d’une opinion papier à la fois unique et commune à tous les autres medias dominants ainsi que par des « pure players » tout aussi « en panne » d’analyses plurielles mais pas nécessairement contradictoires… 

Car il est urgent que des professionnels de  l’information, des journalistes pour ne pas les nommer, et pour ce qu’il en reste de ce métier (2), s’emparent de ce modèle pour une meilleure garantie quant à la qualité de l'information à la fois collectée et produite,  pour peu que ce soit encore possible, c'est-à-dire pour peu qu’ils existent sur le marché de l’information des hommes et des femmes avec la formation, la rigueur, l’expertise et le sérieux nécessaires à un journalisme d'ouverture large et diversifiée : universitaires « repentis » sur le modèle d’un Chomsky - ce que pratique déjà ce journal d’opinion qu’est le Monde diplomatique… mais pour sa propre propagande -, fondateurs et animateurs de think-tanks alternatifs… experts-ingénieurs plébiscités parce que reconnus par les membres de leur profession  – experts actif sur  le marché de l’emploi, en contact régulier avec le monde réel de l’entreprise hors DRH et conseils d’administration -, ainsi que des associations et autres producteurs potentiels d'analyses et d'enquêtes.

La garantie donc... d’une qualité meilleure encore de toutes les informations diffusées aux lecteurs.

   ***

   Un journal n'a pas à rassurer, à inquiéter, à fabriquer du réel qui n‘a de réel que le somme de toutes leurs manipulations face auxquelles, noyés dans des “pourquoi” et des “comment” restés sans réponses, on s’interdit tout questionnement.

Car, cela a peut-être échappé un temps aux journalistes mais… informer c’est penser ! Et penser c’est s’affranchir et c’est aussi servir, non pas ses propres intérêts... mais un intérêt supérieur : celui de la justice. Penser, c’est penser fatalement... juste... parce que... altruiste. Penser, c’est entrer en dissidence et en résistance contre soi-même et contre tous les autres. Les grands journalistes sont comme les grands penseurs : désintéressés puisqu' ils sont prêts à penser contre eux-mêmes, contre leur camp, contre leur propre histoire et contre leur propre intérêt.

Aussi... tout compte fait, et en comptant bien, il vaut mieux penser aussi avec l’intelligence des autres qu’avec la sienne seule car le plus souvent, c’est notre intelligence qui nous empêche de penser... si par penser, on entend se méfier comme de la peste de ce qu’on pense... qui va rarement plus loin que ce que l'on est, ce qui fait, au total, pas grand monde, reconnaissons-le !

Dites-moi ce que vous allez vous autoriser à penser et je vous dirai si votre pensée est un raisonnement ou une simple opinion, une opinion fatalement intéressée, fatalement partisane et donc, un avis de plus parmi des milliers d’autres.

   Mais alors… que vive non pas une information libre mais une information qui rassemble, fédère, réunit autour d’elle toutes les intelligences au service d’un même élan : donner à la représentation du réel toute sa place ! Libre ensuite à la vérité de ce réel ainsi saisie de régner sans entraves ; vérité qui donne toutes les clés de l'avenir, et avec nous, nous tous... puisque cet avenir se saurait alors se passer de notre consentement...

   N'en doutons pas un seul instant : telle est bien la finalité de cette quête.

PS : L'audience d'Internet en tant qu'outil de diffusion d'une contre-information opposée aux médias dominants (pour faire simple et court) et d'après les recoupements qui ont pu être faits... c'est un "marché " d'un million de francophones, et seulement un million. Ce qui sous-entend que tous les autres sont bon an mal an plutôt satisfaits des médias dominants. Et ce n'est pas une surprise car sur ces médias on retrouve un peu près les mêmes attentes et donc les mêmes réticences et aversions quant à l'exposition d'un point de vue non dominant de la part des auditeurs ou téléspectateurs qui n'attendent pas particulièrement de tous ces médias une autre approche, un autre contenu... tout simplement parce qu'au fond, ils pensent que l'information c'est le métier des journalistes et pas le leur ; ce qui explique l'absence de mobilisation critique ; et là, on rejoint ce que j'ai pu écrire à propos des documentaires de Fourest : documentariste pour une audience somnolente.

Il faut bien se résoudre à faire le constat suivant : la contre-information intéresse peu de gens. On peut le déplorer pour une seule raison : moins ils sont nombreux à souhaiter défendre cette contre-information plus la liberté d'informer et de penser est en danger.

Certes, il y a Internet qui est plutôt un miroir aux alouettes : déformant la réalité, comme une loupe ou un verre grossissant, il laisse penser qu'il existe dans le domaine de la contre-information une communauté importante... alors qu'il n'en est rien.

Certes, les journalistes des grands médias sont discrédités (toutes les études le montrent), n'empêche... tout comme cette classe politique impuissante et sans pouvoir, sinon dans les marges... marges très étroites, les élections mobilisent quand même une majorité du corps électoral, et les médias dominants - surtout radios et télés -, une audience de loin majoritaire qui s'évalue entre 15 et 20 millions en cumul.

Aussi... force est de conclure que... sans Internet, il n'y aurait aujourd'hui plus aucune diffusion de cette liberté de penser. 

Mais alors, est-ce à dire qu'il y aurait un ange qui veille sur nous, nous tous... de bonne foi et de bonne volonté, non résignés ?

Décidément, personne n'aura ce qu'il veut : ni eux qui ne veulent rien pour nous, ni nous qui voulons tout face à ce rien qui nous est proposé et promis.

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Pour prolonger...

- http://sergeuleski.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/10/29...

- http://blogs.mediapart.fr/blog/serge-uleski/270113/mediap...

- http://sergeuleski.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/08/26...


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