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Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Publié le 11 mars 2013 par Unionstreet

Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Le voyage temporel, ce sujet qui fait frémir les passionnées et sourire les connoisseurs qui n’en perdent pas une miette pour nourrir leurs alentours de leurs connaissances foisonnantes sur ce sujet bien épineux. Littérature, cinéma, télévision, nombreux sont les médias à s’être adonné à ces théories temporelles, parfois dans le flou le plus total et l’incompréhension du public, parfois le plus simplement du monde, et souvent tout simplement raté par un flot d’incohérences invraisemblables (oui, « Lost », tu es visé).

Si le temps aura appris à certains réalisateurs et scénaristes une chose, c’est qu’il n’est pas si facile de le manipuler, le temps. On a vite fait de se retrouver dans un paradoxe temporel dès lors qu’il s’agit d’aller dans le passé pour tuer son grand-père (et ouais, mais si tu tues ton grand-père, comment exister dans le futur, et comment avoir été envoyé dans le passé pour tuer ton grand-père ? TIME PARADOX). Pour tout acte, il existe des règles, des sortes de gentleman’s agreement à respecter, il en va de même pour les médias traitant du voyage temporel, la principale étant : définir un périmètre et des règles du temps. Le voyage dans le temps n’existe pas, il est donc possible d’en créer les mécaniques. Plus ou moins. Si beaucoup se sont brisés les dents (Damon Lindelof, « Lost », encore vous) et l’ont amèrement regretté (pas facile de sortir son scénario coulé d’une bourde temporelle), d’autres s’en sortent à merveilles. A l’occasion de la sortie de « Looper » nous avons sélectionné pour vous une petite liste de ces longs et courts métrages qui font la belle part au voyage temporel, et souvent, ce sont les petites productions qui marquent par leur inventivité.

Primer, 2004

Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Aaron et Abe, deux amis, inventent par erreur, au cours de leurs travaux, une machine à voyager dans le temps, “the box”.

“The box”, donc, est une boîte, équipée de capteurs et de fils connectant les diverses parties de la machine. Le principe est simple, il faut la démarrer à l’heure à laquelle on veut y retourner MAIS le problème est que lorsque la machine s’enclenche, le double qui a voyagé dans le temps en sort, et il vaut mieux éviter toutes rencontres de ce type. Abe et Aaron utilisent donc un mécanisme de déclenchement à retardement. Les versions originelles de nos deux héros poursuivent ensuite leur journée éloignée de tout dans un hôtel pour consulter les fluctuations boursières et ne ressortent qu’au moment de rentrer dans la boîte pour retourner dans le passé. Au retour dans le passé, il existe donc deux version d’Abe et d’Aaron, l’une est dans un hôtel et l’autre a en main les clés pour les opérations boursières de la journée. Ainsi file le temps, l’opération étant répétée plusieurs jours, du moins, c’est l’impression. Mais les apparences temporelles sont parfois trompeuses.

Un regard nouveau sur les conséquences du voyage temporel pour un film à budget infime. Intime à sa sortie, il bénéficie aujourd’hui d’un statut de film culte.

Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Il est probablement le monument de complexité du voyage temporel. Responsables de tellement de fusibles sautés que certains en ont extirpé des explications longues et verbeuses comme la Bible. Nombreuses sont les âmes à s’être égarées sur la pellicule, difficile à suivre sur les séquences finales, le scénario est presque hermétique (même si l’analyse complète et précise qu’en ont fait certains spécialistes révèle elle aussi quelques failles, mais si profondes dans le raisonnement qu’elles n’altèrent pas le talent ambiant).

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« Man, are you hungry? I haven’t eaten since later this afternoon. »

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Peu peuvent se targuer d’une timeline si complexe et pourtant si juste (« Terminator », oui, on connaît ta timeline foireuse qui ressemble à s’y méprendre avec mes branchements électriques). De nombreux visionnages seront nécessaires pour la bonne compréhension du film. Malgré des bases et des règles solides imposées par l’utilisation de cette machine à voyager dans le temps, l’inventivité du scénario trouve toujours un moyen de nous surprendre et de nous pénétrer gentiment les neurones.

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Les Maîtres du Temps, 1982

Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Au cours de ce qui semble être une fuite d’un danger imminent, Piel et son père Claude ont un accident sur la planète « Perdide », un astre comme terrain de jeu pour de biens viles créatures. Claude est gravement blessé mais contacte son ami Jafar grâce à un oeuf-téléphone qu’il transmet ensuite à son fils en lui ordonnant de faire tout ce que l’oeuf lui dira (et il donna à l’objet le prénom de Mike). Dans ces derniers efforts Claude ordonne son fils de s’enfuir profondément dans la forêt où il sera en sécurité de toutes menaces extérieures en attendant l’arrivée de Jafar.

Le concept du voyage temporel n’est ici dévoilé qu’à la toute fin, la séquence finale, le twist merveilleux, ce vertige scénaristique. Une révélation qui pèse sur la conscience et la réflexion. Le tout porté par une histoire et d’un imaginaire des plus inventifs (dessins de Moebius oblige). Si l’animation n’est quant à elle pas irréprochable (souvent bien trop figée), l’expérience reste féerique et troublante. L’attention du détail porté sur chacun des personnages est méticuleuse, tous ont un caractère et un développement intéressant et le héros, Jafar, n’est finalement qu’une clé d’ouverture aux autres protagonistes. Le film touche aussi de vastes sujets, notamment le communisme et le conformisme (via un passage sur une planète où la diversité des êtres est une maladie) et la conscience collective (époque oblige).

Si René Laloux avait réalisé un chef-d’oeuvre avec « La Planète Sauvage », il n’en égal pas la suprématie mais bouleverse tout de même ses univers bruitistes en ne précipitant jamais son récit, l’action est lente et contemplative, et le spectateur reste suspendu aux aventures de Piel, Jafar et les autres.

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La Jetée, 1962

Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Dans ce monde de courts-métrages, certains volent la vedette des longs formats. Terry Gilliam ne s’y est pas trompé en puisant son inspiration pour “L’Armée des 12 Singes” au travers de ce roman-photo-narratif made in Chris Maker (qui d’autre ?).

Introduction d’un moment de jetée, Aéroport d’Orly, un souvenir marquant, marqué mais effacé, du moins, en partie, non dévoilé dans son entièreté, une femme, un visage, un drame, une cicatrice du temps. La troisième guerre mondiale éclate et le monde n’est que ravage, l’impossibilité de vivre à la surface enterre les survivants dans les souterrains parisiens. Des scientifiques s’intéressent à l’exploration temporelle et testent leurs méthodes sur des prisonniers, beaucoup deviennent fous ou meurent de l’expérience traumatisante du rattachement à un fil temporel passé, sauf un, celui dont le souvenir de cette jetée est indélébile. Cet élu est capable de remonter le temps jusqu’à cette époque pacifique où vit son souvenir. Mais le temps ne fait pas de cadeaux.

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« Ceci est l’histoire d’un homme marqué par ses souvenirs »

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Le choix du récit photographique et du N&B n’est que la métaphore du voyage temporel, une photo étant un instant volé, une prise figée, on  y revient nostalgiquement. Incroyable photographie, la mort latente et le désespoir hante chaque grain des photos du présent, le bonheur et la lumière hante celles du passée et le flou, le stellaire celles du futur. La narration est lente et documentaliste, l’impression d’assister à un reportage photo d’une horreur passée, même si la technique est moderne.

Le voyage temporel est ici marqué par l’usage d’électrodes et de “médicaments” et se fait aussi bien dans le passé que le futur, pas de révélations supplémentaires, tout comme dans les “Maîtres du Temps”, le voyage temporel est partie intégrante de la révélation scénaristique finale.

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L’Armée des 12 Singes, 1995

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1996, le front de libération des animaux, “L’Armée des 12 Singes”, libère un virus mortel qui fera plus de 5 milliards de victimes. Les survivants s’unissent alors sous terre dans une colonie dirigée par une élite de scientifiques. Ces derniers cherchent à remonter le temps pour récolter des informations sur cette catastrophe. James Cole (Bruce Willis) est sélectionné pour la mission, pour la simple raison qu’il était présent au moment de la catastrophe, et que ses souvenirs lui permettrait de se raccrocher temporellement lors du voyage.

Son premier voyage l’amènera en 1990, puis à la WWI, et finalement en 1996. Au cours de ses périples passés, il croisera le fils du microbiologiste Christophe Plummer, fondateur de « L’Armée des 12 Singes », du nom de Jeffrey Goines (le formidable Brad Pitt, qui a reçu une nomination aux Oscars pour sa prestation délirante) et tentera de révéler le mystère pesant sur la fin du monde.

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« I want the future to be unknown »

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Terry Gilliam signe ici un de ses chefs-d’oeuvre, largement inspiré de “La Jetée” de Chris Marker, dont il vante sans arrêt les mérites et n’oublie jamais de rappeler l’attachement de son oeuvre à l’idée originelle. L’utilisation du voyage temporel est ici identique, l’histoire dans sa globalité est plus étoffée, long format oblige, et si « L’Armée des 12 Singes » ne bénéficie pas d’une patte visuelle aussi expérimentale et technique que l’oeuvre de Chris Marker, il n’en reste pas moins un délice visuel et auditif (ce thème, mes enfants, ce thème !). Le temps est traité linéairement, il n’existe pas de réalité alternative ou divers embranchements, le futur ne peut être changé, il existe déjà. Le temps file droit et nous avec.

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Timecrimes, 2007

Les voyages temporels, paradoxes et timelines brillantes

Hector (Karra Elejalde), un homme tout à fait ordinaire profite de son temps de repos en se prélassant sur sa chaise de jardin d’où il observe une scène particulière avec ses jumelles. Il capte ce qui semble être une femme nue, courant dans les buissons. Interpellé, Hector décide d’investiguer la scène mais tombe nez à nez avec un homme à imperméable et au visage couvert de bandages roses. Fuyant face à la terreur de la scène, il court se réfugier dans un laboratoire où ils expérimentent une nouvelle création scientifique, le voyage dans le temps. Sans le savoir, il va se trouver confronté à son double et déclencher une réaction en chaîne de paradoxes temporels.

Encore une fois, le dénouement est secret et les rouages du film sont simples, pour une fois. Ici, la machine à voyager dans le temps est objet, tout comme dans “Primer” (avec lequel il partage de fortes ressemblances scénaristiques et de simplicité de réalisation). Elle prend la forme d’un bac dans lequel le voyageur est immergé et ensuite enfermé.

Oscillant entre science-fiction, horreur et humour noir, Nacho Vigalondo réussit lui aussi le pari de réaliser un film de voyage temporel avec un budget minimal. Une réalisation sobre mais précise, des acteurs étonnants et un scénario bien ficelé (bien que certaines révélations soient finalement convenues puisque trop amenées). Un des meilleurs exemples de l’utilisation du voyage temporel ces dernières années.

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