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Les réponses de Najat Vallaud-Belakcem à La Robe Rouge relatives aux Droits de la Femme.

Publié le 11 mars 2013 par Laroberouge @hocinisophia

La Robe Rouge et Pote à Pote Magazine ont interpellé jeudi dernier la ministre des droits de la femme, madame Najat Vallaud Belkacem a accepté de répondre à mes questions, voici ses réponses.

La Robe Rouge: L’égalité étant un principe important de notre république, affirmé en 1789 au nom de l’universalisme et faisant également partie du bloc de constitutionnalité, on note pourtant qu’entre les hommes et les femmes l’égalité est loin d’être une réalité. Aujourd’hui en France, le salaire d’une femme est en moyenne 20% inférieur à celui d’un homme. Qu’est-ce que le ministère des droits de la femme a l’intention de faire pour rétablir la justice et l’égalité puisqu’en terme d’égalité des salaires entre les femmes et les hommes cette situation stagne depuis maintenant 15 ans?

Najat Vallaud-Belkacem: Force est de constater que si l’égalité en terme de salaire est inscrite dans les textes, les écarts de rémunérations demeurent entre les femmes et les hommes. Ce phénomène peut s’expliquer par des discriminations pures et simples, la concentration de l’emploi à temps partiel chez les femmes, ainsi que par des lacunes en matière d’orientation professionnelle. Aujourd’hui, les choix offerts aux femmes sont nettement plus réduits que ceux des hommes : la moitié des femmes salariées restent cantonnées dans quelques familles professionnelles, peu valorisées et peu rémunérées en règle générale. Nous agissons donc sur plusieurs plans, notamment en impliquant les partenaires sociaux. J’ai modifié les procédures de contrôle dans les entreprises par décret en décembre dernier afin de les rendre systématiques, et donc enfin effectives. Un plan de  contrôle ambitieux va pouvoir être déclenché dans les prochains mois. Si rien n’évolue, les sanctions seront appliquées. Avec Vincent Peillon, nous avons par ailleurs lancé une réforme de l’orientation scolaire, nous allons former les professeurs et introduire, dès les petites classes, des enseignements spécifiques à l’égalité fille-garçon.

LRR: Toujours autour de la thématique de l’emploi, on sait qu’aujourd’hui la tendance européenne est à la flexibilisation du marché du travail, soit, pourtant, les hommes eux sont assez peu touchés par ce phénomène de précarisation de l’emploi. Le temps partiel peut effectivement être un choix, mais aujourd’hui un million de femmes travaillant à temps partiel souhaitent travailler davantage contre 300 000 hommes. Le temps partiel subi contribue donc à précariser les femmes, on note d’ailleurs qu’en 2010 le taux de pauvreté féminin était de 8,1% contre 7,4% pour les hommes. Quelles solutions seraient les plus pertinentes pour pérenniser la situation de ces femmes? 

NVB: Aujourd’hui, 80% des postes à temps partiels sont occupés par des femmes, ce qui contribue à leur grande précarité. L’accord de sécurisation de l’emploi signé en janvier dernier par les partenaires sociaux entend répondre à ce problème en instaurant un minimum horaire de 24h par semaine ainsi que la majoration de 10% du salaire dès la première heure complémentaire ( équivalente des heures supplémentaires). Les droits individuels des salariés seront également étendus, leur donnant accès une meilleure protection sociale ainsi qu’à des formations professionnelles.

LRR: Nous connaissons tous le concept sociologique du plafond de verre relatif aux chances d’une ascension sociale d’une catégorie socio-professionnelle a une autre plus privilégiée, êtes vous d’accord pour parler d’un plafond de verre masculin empêchant les femmes d’accéder au postes de décision?  

NVB: Je pense malheureusement que ce plafond de verre est toujours une réalité. Les femmes ont trop rarement accès aux postes à responsabilité et encadrement, même dans les métiers dits féminins. Nous agissons pour la mise en oeuvre de l’objectif de 40% de femmes dans les conseils d’administrations des grandes entreprises d’ici 2017. Cette mesure est d’une grande importance lorsque que l’on sait la part très faible des femmes dans les comités de directions et les comités d’exécutions. Nous venons aussi d’ engager un travail avec 17 grandes entreprises : l’objectif  est d’améliorer la représentation des femmes dans les comités de direction et d’exécution, de lutter contre l’éloignement des bénéficiaires du congé parental et de proposer aux TPE et PME un appui pour favoriser l’égalité professionnelle.

LRR: La résolution 1751 du Conseil d’Europe datant de l’année 2010 entérine le fait que les stéréotypes sexistes ne doivent pas être véhiculés par les médias. La publicité fait tout le contraire, puisque l’image de la femme est souillée au quotidien par des images publicitaires présentées comme la norme, images qui sont intégrées comme telles par les enfants, des hommes en devenir qui vont ensuite traiter les femmes comme on le leur montre. Les publicitaires ne respectent pas leur engagement au titre de cette résolution, or nous pouvons constater qu’ils véhiculent des contenus outranciers et rétrogrades. Qu’en pensez-vous et surtout, qu’êtes vous en mesure de faire pour mettre à fin à ce qui relève du sexisme ordinaire et du porno chic?

NVB: J’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet lors de la remise du rapport annuel de l’ARPP en janvier dernier. Cet organisme s’attache à contrôler et à réguler la publicité ayant un caractère sexiste, dégradant ou violent, pour les femmes notamment. Je leur ai demandé d’orienter et d’approfondir leur action également vers la lutte contre les stéréotypes, car le fait de voir, par exemple, une femme systématiquement derrière les fourneaux est un stéréotype. Ce genre de représentation véhicule et engendre des inégalités puisque les femmes finissent par intégrer qu’il serait « normal »  pour elles de s’atteler davantage aux tâches domestiques. C’est un chantier que j’ai ouvert plus largement avec l’ensemble du secteur audiovisuel et des medias, ainsi que les autorités de régulation, dont le CSA.

 LRR: La convention internationale du 25 septembre 1926 a défini l’esclavage comme « l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux » et la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 proclame qu’aucun être humain ne sera gardé en esclavage ou en servitude forcée et le marché des esclaves sera prohibé sous toutes ses formes. Pour autant, cela n’a pas permis d’enrayer le phénomène de la prostitution qui relève pourtant bien de quelque chose comme l’asservissement moderne et ce n’est pas ce dont il s’agit aujourd’hui, mais quand bien même il n’est pas possible de le faire, il aujourd’hui essentiel de protéger les travailleuses du sexe à tous les plans, que ce soit en terme d’hygiène, de droits ou encore de sécurité; d’autres pays en Europe l’ont fait, où en est la France et qu’envisage-t-elle? 

En décembre 2011, une résolution (qui réaffirmait la position abolitionniste de la France) a été adoptée à l’unanimité. Un consensus a donc pu être trouvé au parlement.  Aujourd’hui, des parlementaires de tout bord  travaillent depuis octobre sur un nouveau cadre législatif pour la fin de l’année. Il y a des élus en pointe sur ces questions dans tous les partis, comme Maud Olivier et Guy Geoffroy à l’assemblée ou encore Esther Benbassa, Laurence Rossignol et Chantal Jouanno au Sénat. C’est sur cette base que seront dessinés les contours d’une proposition de loi. L’idée n’est pas de se focaliser exclusivement sur les questions pénales, mais aussi sur l’ensemble des champs que nous avons abordés : prévention, droits sociaux, accès au logement, aux aides, au titre de séjour, formation, réinsertion professionnelle, etc…. Vous avez raison de souligner les dangers sanitaires de la prostitution. L’IGAS vient de nous remettre un rapport à ce sujet et le constat est alarmant : depuis la loi Sarkozy sur le racolage passif, la santé des prostitués s’est nettement dégradée. Ce délit sera abrogé, conformément aux engagements du président de la République.

Najat Vallaud Belkacem face à La Robe Rouge



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