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Saint-Jean De Torcello, raconté par les chats

Publié le 13 mars 2013 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

C’est encore grâce à nos amis les chats de Torcello que nous allons faire un voyage dans le passé, qui est simplement prodigieux.

Monastère de San Giovanni Evangelista

Voici le récit, fait par un de ces félins compagnons, d’un temps qui a totalement disparu, et dont il ne reste plus aucune trace :

Il existait, au XVIIème siècle deux monastères de religieuses bénédictines, dont l’un était appelé Saint Jean de Torcello, car son église était dédiée à Saint-Jean Évangéliste (San Giovanni Evangelista di Torcello)

L’église était fort belle, avec des autels en marbre fin, à main gauche, un tableau de Domenico Tintoreto représentait un saint évêque. Suivaient trois tableaux de Bartolomeo Scaligeri, qui narraient la vie d’un sait martyr.

Le sol de l’église était entièrement composé de mosaïques, dont on peut encore voir des fragments dans des caisses en bois entreposées dans la sacristie de la Cathédrale, ou au Musée de l’île. Selon certains témoignages de l’époque, de grandes parties du monastère étaient décorées avec des mosaïques d’une grande beauté.

Mosaïques de Saint Jean de Torcello

On y révérait la corps de Sainte Barbe, vierge et martyre, apportée de Nicomedie à Costantinople en 565, et transférée ensuite à Venise en 1003, à l’époque du dogat de Pietro Orseolo II. Le relique fut apportée à Venise par Maria Argyropoula, présentée par Giovanni Diacono et Andrea Dandolo, comme fille de la sœur des empereurs Basilio II et Costantino VIII (selon d’autres chroniqueurs, comme la propre sœur des deux empereurs). Placée dans un premier temps dans l’église ducale de Saint Marc. Puis, deux enfants de Pietro Orseolo, Orso, évêque de Torcello, et Lelicità, mère supérieure du monastère San Giovanni Evangelista de Torcello la firent transféer en 1009 dans cette église. (Il y a une autre corps de Sainte Barbe – Barbara pour les italiens, Varvara pour les orthodoxes – dans l’église qui fut celle des Pères de la Compagnie de Jésus de Venise, rapporté de Constantinople en 1258, mais c’est celui d’une autre vierge du même nom).

Sainte Barbe

A la vérité, la Sainte Barbe de Torcello, n’était pas martyre de Nicomedie, ainsi qu’il fut déclaré en 1630… mais ce n’est qu’un détail.

Pendant les destruction bonapartistes, la relique fût transférée dans l’église de San Martino, sur l’île de Murano, où elle se trouve de nos jours.

Mais revenons à notre monastère disparu…

Le monastère fut construit sur un terrain donné à Domenico Foscarini da Torcello par Pietro Vadi, près du Rio Piccolo di Torcello (acte numéro 664 en date du 9 Octobre 1094)

Au XIIIème siècle, Grignone, procurateur de San Giovanni Evangelista de Torcello, avait considérablement agrandi les propriétés du monastère, tant dans la lagune que sur la terre ferme. Cette politique foncière se perpétuera après lui. Ces apports fonciers provennaient de dons, plus ou moins forcés.

Par exemple, chaque nouvelle religieuse, en entrant au couvent, apportait sa dot. « Truno Pitulo, de Costanziaco, à l’occasion de l’entrée de sa fille Maria dans le monastère de San Giovanni Evangelista de Torcello, remet à Paolina, abbesse du précité monastère, une vigne située à Altino. » Il ne nous est pas possible de dater cet acte avec exactitude. Nous avons trouvé sa retranscription dans des registres notarié de 1145, mais l’acte d’origine a disparu. Probablement avant 1025.

Plan du monastère S. Giovanni Evangelista

En 1211, Sidiana, Ricofilima et Calandra, moniales de San Giovanni Evangelista de Torcello, achètent un domaine de vingt champs situé près de Piove. Agnese, l’abbesse de l’époque signe de nombreux contrats elle aussi.

Notre compagnon nous montre un vieux parchemin, écrit en latin. Il stipule que, le 13 décembre 1230 :

« Adoalda Marcello, abbesse de San Giovanni Evangelista de Torcello, avec 24 moniales, loue pour 25 ans à Giovanni Calesa, fils du défunt Wado, plusieurs terres situées près de Piove di Sacco, pour 7 mesures et 4 boisseaux de blé par an… »

Aboalda Marcello avait été nommée abbesse le 10 juin 1224.

 Adoalda Marcello, badessa di San Giovanni Evangelista di Torcello

Adoalda Mercello, abbesse de San Giovanni de Torcello, laisse ainsi sa trace posthume dans de nombreux actes de vente, d’achat ou de bail fonciers, jusqu’en 1238.

Vers 1275, c’est Giacomina Contarini, abbesse de San Giovanni Evangelista de Torcello, qui appose dans signature à la base des contrats, à cette époque, c’est Frà Salastrisio qui est procurateur du monastère, avant Frà Spera vers 1295.

Un long procès qu’elle tint contre Paolo Gradenigo de la paroisse de San Polo, nous montre que, déjà au moyen âge, les propriétés foncières étaient l’objet de rudes affrontements, et de certaines tensions :

« Antonio Soranzo, de la paroisse de Sant’Angelo, et Enrico Querini, de la paroisse de San Polo, attestent que ce même jour, devant les juges, sur mandat du doge Ranieri Zeno, un litige eut lieu entre Vito Marcello, procurateur de Giacomina Contarini, abbesse de San Giovanni Evangelista de Torcello, et Paolo Gradenigo de la paroisse de San Polo, Gradenigo cherchant remore et renvois en jugement (« inducia advocatorum »); les juges, une fois ces remore levées, accueillirent l’opposition exercée par Giacomina Contarini contre l’investiture posée par Gradenigo sur une terre avec maison située dans la paroisse de San Polo, jugeant que celui-ci n’avait pas apporté la pleine preuve de ses droits. Documents cités: 24 décembre 1264, Rialto. Leonardo, officier de justice, atteste que le 17 du mois, devant les juges de l’Esaminador, sur mandat du doge Ranieri Zeno, Leonardo Dandolo de la paroisse de San Silvestro, sur instance d’Adoalda Marcello, abbesse de San Giovanni Evangelista de Torcello, en tant qu’exécutrice testamentaire de Benedetta, veuve Giacomo Gradenigo, contesta l’investiture posée par Paolo Gradenigo sur une terre avec maison située dans la paroisse de San Polo, ayant appartenue à Giacomo et à Marino Michiel, de la paroisse de San Giovanni Evangelista.12 juin 1265, Rialto. Alberto Lombardo, de la paroisse de San Lio, et Martino Calbo, de la paroisse de Sant’Ermagora, attestent que le même jour, les juges, sur mandat du doge Ranieri Zeno, invitèrent l’abbesse Adoalda à prêter serment. 24 décembre 1264, Rialto. Leonardo, officier de justice, atteste que le 17 du mois, en présence du doge Ranieri Zeno et des juges de l’Esaminador, Leonardo Dandolo, procurateur d’Adoalda, abbesse, fit opposition à l’investiture « ad proprium » posée par Paolo Gradenigo sur la maison située dans la paroisse de San Polo.Décembre 1239, Torcello. Benedetta, veuve de Giacomo Gradenigo, de la paroisse de San Giovanni de Rialto, résidant désormais à San Giovanni Evangelista de Torcello, fait son testament et nomme comme exécuteurs testamentaires l’abbesse Adoalda et Giovanni Barozzi, fils du défunt Pancrazio de la paroisse de San Moisè.19 mars 1265, Rialto. Giovanni Barozzi, exécuteur testamentaire avec Adoalda, abbesse de San Giovanni Evangelista de Torcello, de Benedetta, veuve de Giacomo Gradenigo, renonce à la commissaria en faveur de l’abbesse Adoalda.20 – 31 avril 1221, Rialto. Tribuno Barozzi et Leone Barozzi, de la paroisse de San Moisè, attestent que le 20 du mois, en l’église de San Pietro de Castello, Benedetta, veuve de Giacomo Gradenigo, revêtit les habits de veuvage de Marco Nicola, évêque de Castello. 11 mars 1267, Torcello. Adoalda Marcello, abbesse de San Giovanni Evangelista de Torcello, lègue les biens de la commissaria de Benedetta, veuve de Giacomo Gradenigo, à son monastère, la fille de Benedetta, Elena, étant entrée au monastère comme moniale et mandant ainsi d’autres héritiers. 25 août 1267, Rialto. Le doge Ranieri Zeno et les juges font rédiger une copie judiciaire du document de mai 1223, à Rialto, promesse de Giacomo Michiel, de la paroisse de San Giovanni Evangelista, de payer à la dite Benedetta la redevance fittalizio d’une terre située dans la Rimania de Mogliano, d’un montant de 80 lires de deniers vénitiens par an. »

En 1279, le monastère fit l’objet d’une complète restauration suite aux dommages causés par un incendie. Cette même année, un nouveau maître autel fut consacré par le cardinal Bernardo.

Plan de l'église San Giovanni Evangelista d'après les relevés de 1961


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