Titre original : This is 40
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Judd Apatow
Distribution : Leslie Mann, Paul Rudd, Jason Segel, Megan Fox, Melissa McCarthy, Jon Lithgow, Maude Apatow, Iris Apatow, Chris O’Dowd, Albert Brooks, Graham Parker, Lena Dunham, Ryan Lee, Phil Burke, Billie Joe Armstrong, Ryan Adams…
Genre : Comédie
Date de sortie : 13 mars 2013
Le Pitch :
Alors qu’ils s’apprêtent à franchir le seuil fatidique de la quarantaine, Debbie et Pete, mariés depuis longtemps et parents de deux filles de 8 et 13 ans, se débattent avec de nombreux problèmes. La maison de disques de Pete prend l’eau, il doit entretenir son père, son ainée est en pleine adolescence, et sa chère et tendre refuse de vieillir. Debbie qui elle aussi doit batailler sévère pour garder le cap, entre la gestion de son entreprise et cette décidément très épineuse question de la quarantaine. De quoi déclencher une furieuse série de conflits dans le foyer de ces deux adultes à la fois nostalgiques d’une insouciance perdue, et désireux de négocier au mieux ce périlleux virage de leur existence…
La Critique :
C’est lorsqu’il réalise sont premier film, 40 ans toujours puceau, que Judd Apatow se révèle au monde. Déjà très actif à la télévision via des séries plutôt confidentielles chez nous, comme Freaks and Geeks, ce premier long-métrage le propulse dans la cour des grands et offre à son talent une visibilité planétaire. Et ce même si la France reste (et c’est toujours le cas) très frileuse vis à vis de la verve d’Apatow. Avec 40 ans toujours puceau, Apatow s’offre un nom. Déjà producteur et scénariste, il rajoute une corde à son arc et assoit sa suprématie dans le monde de la comédie américaine qui en avait bien besoin. Au début des années 2000, difficile de se marrer franchement grâce au cinéma comique yankee. Profitant volontairement ou pas du petit coup de mou des Frères Farrelly, Apatow monte et impressionne. Et il n’est pas seul. Des comédiens comme Steve Carrell, Jonah Hill, Seth Rogen, Paul Rudd, Will Ferrell, ou encore Jack Black sont dans son sillage, tout comme des réalisateurs comme Adam McKay ou Greg Mottola, jamais bien loin du producteur/scénariste/réalisateur. L’équipe impose rapidement une école de comédie qui fait depuis les beaux jours des amateurs de gaudrioles aux plusieurs niveaux de lectures. La patte Apatow si on peut dire. Une patte qui change la face de la comédie u.s et qui encore aujourd’hui nous offre à intervalles réguliers, des pépites du genre à ranger d’emblée dans la catégorie culte.
Très actif à la production et à l’écriture, Judd Apatow l’est moins quand il s’agit de se poser derrière une caméra pour mettre en image ses propres projets. Ainsi, 40 ans : Mode d’emploi est son quatrième film. Quatre longs-métrages en huit ans. Quatre films qui comptent d’une façon ou d’une autre.
40 ans : Mode d’emploi s’intéresse à Debbie et à Pete, à savoir le couple interprété par Leslie Mann (Madame Apatow à la ville) et Paul Rudd, qui volait presque la vedette à Katherine Heigl et Seth Rogen dans En Cloque : Mode d’emploi. Ici, Paul Rudd et Leslie Mann campent donc les mêmes personnages. Un couple qui fonctionne à fond les ballons, en forme d’incarnation cinématographique du propre couple d’Apatow. En tout logique, son dernier film est aussi son plus personnel. Derrière l’objectif, Apatow filme son alter-égo, l’excellent Paul Rudd, sa femme et ses deux filles, Maude et Iris Apatow. Une sorte de thérapie de groupe en somme, qui sonde les rapports entre un homme et une femme mariés depuis de nombreuses années, en n’oubliant pas de laisser une large place à tous les à-cotés.
À l’instar de ses précédentes réalisations, 40 ans : Mode d’emploi brille par son authenticité. En effet, difficile de ne pas se sentir concerné à un moment ou à un autre, par les péripéties qui rythment la vie de cette famille à la fois ordinaire et pourtant extraordinaire. Apatow s’attache à donner du relief aux petits évènements de la vie quotidienne, sans que cela ne devienne barbant, prouvant du même coup que son génie réside dans le fait de rendre originale une trame qui d’un premier abord pouvait sembler plutôt rabattue. Pete et Debbie ont des problèmes très courants et tout le sel du film réside dans le fait de savoir comment ils vont en venir à bout. L’important ici n’est pas tant le dénouement, mais la façon d’y parvenir. Et Apatow est très doué pour tisser des intrigues où les joutes verbales, tour à tour bien salées et tendres, forment un tout homogène facilitant l’immersion ainsi qu’une puissante identification.
Pas de doute ! 40 ans : Mode d’emploi est un pur film Apatow. Tout y est. Toutes les obsessions du gus s’y trouvent d’une façon ou d’une autre. La musique est omniprésente par exemple. Pete est patron d’un label et on peut croiser des artistes comme Graham Parker ou Billy Joe Armstrong de Green Day. La bande-originale quant à elle est excellente.
La pop culture tient aussi une grande place dans l’univers Apatow, ce qui se ressent tout au long du film. On peut apercevoir un portrait de Mr. Burns des Simpsons, la série Lost est l’objet d’un running gag brillant et hilarant, Bob l’Éponge et son pote Patrick sont de la fête, et ça parle beaucoup cinéma. En phase avec son époque, Apatow décrypte une dynamique de couple fascinante dans sa faculté à intégrer à son fonctionnement tout un tas de références, sans que cela ne tourne au collage con-con et facile, comme on peut en voir chez ceux qui tentent de se calquer sur le modèle du maître.
Situé 5 ans après En Cloque : Mode d’emploi, 40 ans : Mode d’emploi démontre aussi d’une maturité assez étonnante de la part d’un réalisateur qui avait déjà surpris dans ce sens avec son précédent Funny People. Quand ce dernier analysait les rouages du rire par le biais du parcours de vie pathétique d’une star du stand-up (Adam Sandler), 40 ans : Mode d’emploi vise à revenir à l’esprit des premières œuvres du cinéaste, pour en livrer une sorte de mise à jour plus réfléchie mais pourtant tout autant immature. Le paradoxe est une chose importante chez Apatow. Avec une tendresse jamais démentie et souvent flagrante, prompte à faire fonctionner les glandes lacrymales, Apatow charge la mule comme un gosse, grâce à son humour joyeusement vulgaire et implacable. Féroce, le métrage dilue néanmoins son portrait du couple au vitriol d’une bonne dose d’amour. La famille, tout comme l’institution du mariage ou la condition de parents, en prennent pour leur grade, sans retenue, pour au final se voir célébrés dans ce qui demeure un éloge touchant et profondément juste. Une démarche qui aménage en outre de belle plages récréatives, à l’image de ce one woman show à se pisser dessus de Melissa McCarthy.
En alter-égo de Judd Apatow, Paul Rudd s’en tire avec les honneurs. Ici, il est chez lui et la complicité avec la femme de son réalisateur saute au yeux. Il serait temps que ce mec soit chez nous reconnu à sa juste valeur et non seulement comme le gars qui se mariait avec Phoebe dans Friends. Leslie Mann et ses (vraies) filles sont tout autant impressionnantes de justesse. Sans trop forcer, elles arrivent à instaurer une authenticité flagrante bienvenue qui confère au long-métrage une large partie de son identité. Les seconds rôles, nombreux, ne sont pas en reste. Megan Fox ne joue pas la potiche et se révèle très drôle, Jason Segel est superbe, Chris O’Dowd itou, John Lithgow est parfait et Albert Brooks se livre à un numéro qui fait plaisir à voir. Ajoutez à cela les interventions de la tornade Melissa McCarthy ou de Lena Dunham de la série Girls (produite par devinez qui ?) et vous obtiendrez une distribution à la cohérence jubilatoire. On regrettera juste l’absence de Katherine Heigl et de Seth Rogen, qui auraient pu raccrocher un peu plus les wagons avec En Cloque : Mode d’emploi et qui ici, ne sont que furtivement évoqués. Ce n’est que bien peu de chose finalement. Tout comme la longueur excessive du film. Une tradition chez Apatow qui n’est pas homme à se presser. Il se fait plaisir et nous avec et c’est bien connu : quand on aime, on ne compte pas !
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France