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J'veux du soleil dans mes étoiles ! (Lamartine - 4ème jour)

Par Absolut'lit @absolute_lit

jéhova.jpg- Bonsoir Madame, je sais qu'il est un peu tard, vous préparez sans doute le souper..
- Bah oui, c'est à dire que là, on va pas tarder à passer à table mon mari et moi..
- Je ne vous dérangerai pas longtemps, rassurez-vous.. Loin de moi l'envie de vous gâcher la soirée d'
une nuit d'été ; nuit dont les vastes ailes
Font jaillir dans l'azur des milliers d'étincelles ;
Qui, ravivant le ciel comme un miroir terni,
Permet à l'oeil charmé d'en sonder l'infini ;
Nuit où le firmament, dépouillé de nuages,
De ce livre de feu rouvre toutes les pages !(*)

- Ah, mais j'le connais pas ce livre-là. Vous savez j'lis pas beaucoup, j'ai pas trop l'temps, avec la maison à tenir, tout ça... Pi l'soir j'm'endors sitôt couchée..


- Que le séjour de l'homme est divin, quand la nuit
De la vie orageuse étouffe ainsi le bruit !
Ce sommeil qui d'en haut tombe avec la rosée
Et ralentit le cours de la vie épuisée,
Semble planer aussi sur tous les éléments,
Et de tout ce qui vit calmer les battements ;
(*)

- Pour sûr c'est un quartier tranquille, pas de circulation, pas de p'tit jeunes qui font la java jusqu'au milieu d'la nuit. Faut dire on est beaucoup de retraités dans l'coin..

- Un monde est assoupi sous la voûte des cieux ?
Mais dans la voûte même où s'élèvent mes yeux,
Que de mondes nouveaux, que de soleils sans nombre,
Trahis par leur splendeur, étincellent dans l'ombre !
Les signes épuisés s'usent à les compter,
Et l'âme infatigable est lasse d'y monter !
(*)

- Mais vous vous êtes encore jeune, nous on peut plus r'garder en l'air comme ça, avec nos cervicales tout arthrosées..

- Les siècles, accusant leur alphabet stérile,
De ces astres sans fin n'ont nommé qu'un sur mille ;
Que dis-je! Aux bords des cieux, ils n'ont vu qu'ondoyer
Les mourantes lueurs de ce lointain foyer ;
(*)

- J'ai jamais appris moi, l'nom des étoiles. Ça m'aurait pas déplu mais bon, ma mère elle avait pas l'temps ! Les histoires du soir, c'était pour les gamins uniques, ou les "fils de".. maman elle avait sept enfants à moucher..

- Là l'antique Orion des nuits perçant les voiles
Dont Job a le premier nommé les sept étoiles ;
Le navire fendant l'éther silencieux,
Le bouvier dont le char se traîne dans les cieux,
La lyre aux cordes d'or, le cygne aux blanches ailes,
Le coursier qui du ciel tire des étincelles,
La balance inclinant son bassin incertain,
Les blonds cheveux livrés au souffle du matin,
Le bélier, le taureau, l'aigle, le sagittaire,
Tout ce que les pasteurs contemplaient sur la terre,
Tout ce que les héros voulaient éterniser,
Tout ce que les amants ont pu diviniser,
Transporté dans le ciel par de touchants emblèmes,
N'a pu donner des noms à ces brillants systèmes.
(*)

- Ah ça, le système ! À vouloir mettre des noms à tout ! Y f'rait bien d'ret'nir ceux qui existent déjà.. Et sinon, les histoires du ciel, vous en avez beaucoup ?

- Les cieux pour les mortels sont un livre entrouvert,
Ligne à ligne à leurs yeux par la nature offert ;
Chaque siècle avec peine en déchiffre une page,
Et dit : Ici finit ce magnifique ouvrage :
Mais sans cesse le doigt du céleste écrivain
Tourne un feuillet de plus de ce livre divin,
Et l'oeil voit, ébloui par ces brillants mystères,
Etinceler sans fin de plus beaux caractères !
(*)

- Y a un livre avec les histoires du ciel ? Oh, ma foi, ça m'tent'rait bien, pour mon p'tit-fils, il aime bien tout ces trucs-là, qui font peur, avec du suspense, tout ça.. En plus si c'est en lettres qui brillent... C'est bien ça qu'vous dites ?

- Que dis-je ? À chaque veille, un sage audacieux
Dans l'espace sans bords s'ouvre de nouveaux cieux ;
Depuis que le cristal qui rapproche les mondes
Perce du vaste Ether les distances profondes,
Et porte le regard dans l'infini perdu,
Jusqu'où l'oeil du calcul recule confondu,
Les cieux se sont ouverts comme une voûte sombre
Qui laisse en se brisant évanouir son ombre ;
(*)

- Bin didonc, à partir d'quel âge on peut les lire vos histoires ? Pi, faut avoir un bon niveau à l'école quand même, j'ai l'impression, vu que ça parle de calculs, non ? Heureusement qui voit plus loin que l'bout d'son nez l'petit, pas comme son père (vous l'répétez pas hein, mais ma fille a pas choisi l'meilleur d'la couvée, comme on dit)

- Plus loin sont ces lueurs que prirent nos aïeux
Pour les gouttes du lait qui nourrissait les dieux ;
Ils ne se trompaient pas : ces perles de lumière,
Qui de la nuit lointaine ont blanchi la carrière,
Sont des astres futurs, des germes enflammés
Que la main toujours pleine a pour les temps semés,
Et que l'esprit de Dieu, sous ses ailes fécondes,
De son ombre de feu couve au berceau des mondes.
(*)

- Remarquez si y a des conseils pour jardiner, ça peut m'intéresser aussi. Par contre le p'tit il a pas fait sa communion, j'crois qu'il est même pas baptisé, c'est gênant ?

- C'est de là que, prenant leur vol au jour écrit,
Comme un aiglon nouveau qui s'échappe du nid,
Ils commencent sans guide et décrivent sans trace
L'ellipse radieuse au milieu de l'espace,
Et vont, brisant du choc un astre à son déclin,
Renouveler des cieux toujours à leur matin.
(*)

- C'est bon alors, si on peut commencer sans, parce que ma fille, vous savez, elle est d'la nouvelle génération, elle y croit pas à tout ça, mais elle a dit qu'elle laiss'rait ses enfants choisir eux-mêmes.. J'sais pas si c'est une bonne idée. Nous on nous d'mandait pas notre avis, baptisé communié confirmé, on f'sait tout dans la foulée, on était tranquille après on en parlait plus, c'était réglé ! J'sais pas c'qu'est l'mieux, t'façon, vu comment ça tourne aujourd'hui, la r'ligion, on dirait qu'chacun s'en fait une à sa sauce, nan ?

- Chaque atome de feu que dans l'immense éther
Dans l'abîme des nuits l’œil distrait voit flotter,
Chaque étincelle errante aux bords de l'empyrée,
Dont scintille en mourant la lueur azurée,
Chaque tache de lait qui blanchit l'horizon,
Chaque teinte du ciel qui n'a pas même un nom,
Sont autant de soleils, rois d'autant de systèmes,
Qui, de seconds soleils se couronnant eux-mêmes,
Guident, en gravitant dans ces immensités,
Cent planètes brûlant de leurs feux empruntés,
Et tiennent dans l'éther chacune autant de place
Que le soleil de l'homme en tournant en embrasse,
Lui, sa lune et sa terre, et l'astre du matin,
Et Saturne obscurci de son anneau lointain !
(*)

- Voilà, c'est exactement c'que j'dis ! Avant si on avait un peu d'terres, on était heureux ! Maintenant chacun veut sa planète, chacun veut son étoile, chacun veut son soleil quoi ! Bin voyons ! Allez trouver six milliards d'soleils ! Les gens y croient qu'c'est facile ! C'est si grand qu'ça le ciel ?

-Oh ! que tes cieux sont grands!

- Ah j'aurais pas cru autant, vous voyez ! Quand j'vais dire ça à mon mari ..!

- et que l'esprit de l'homme
Plie et tombe de haut, mon Dieu! quand il te nomme !
Quand, descendant du dôme où s'égaraient. ses yeux,
Atome, il se mesure à l'infini des cieux,
Et que, de ta grandeur soupçonnant le prodige,
Son regard s'éblouit, et qu'il se dit : Que suis-je ?
(*)

- Je l'sais, moi, qui vous êtes ! Un témoin d'Jevéhou qu'est sorti d'son ch'min tout droit et qui va vite le r'trouver avant qu'j'y colle une boussole où j'pense !
- M'enfin, Jean, pourquoi qu'tu t'énerves comme ça après Monsieur ! Y m'parlait d'un livre qu'a l'air super pour le p'tit-fils!
- Et qu'j'vous r'vois plus dans l'coin !!!... Ah... ma p'tite Marguerite.. t'es trop gentille avec les gens.. ton cœur c'est comme une fleur il respire le bonheur et les gens ils le sentent le bonheur, alors ils en veulent tous un peu, mais y en a qu'en veulent plus, ma pâquerette, y en a qui veulent mettre la fleur dans leur jardin, et garder le bonheur rien que pour eux jusqu'à c'qu'elle ait plus d'parfum..
- Ah bon, il avait pas de livre d'histoires de là-haut à vendre alors ?
- Des histoires, oui.. mais elles sont d'en bas, ces histoires, bien d'en bas.. J's'rai pas toujours là ma tulipe, tu sais, faut qu'tu fasses plus attention hein ! Bon, c'est pas tout ça mais... on mange quoi ce soir ?

Quelques pâtés d'maison plus loin :

- J'le savais qu'j'aurais pas dû l'prendre ce boulot..
pourquoi si haut mes yeux ont-ils monté ?

J'étais heureux en bas dans mon obscurité,
Mon coin dans l'étendue et mon éclair de vie
Me paraissaient un sort presque digne d'envie
(*)
C'est pas donné à tout l'monde d'être une Lumière...

(* : tout le texte en italique est extrait de L'infini dans les cieux)


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