Créée en 1972, l’aventurière japonaise a rempilé en 2012 pour sa vingt-sixième aventure. Quarante ans de longévité, ça méritait bien une petite lecture suivie et un petit article!
Vic Video et Pol Pitron, respectivement réalisateur et cadreur pour la télévision, aperçoivent un soir une silhouette qui s’introduit clandestinement dans un immeuble. Persuadés de tenir un scoop, ils n’imaginent pas rencontrer ainsi Yoko Tsuno, une ingénieure en électronique, engagée par les propriétaires pour tester le système de sécurité. Impressionnés, les deux amis lui proposent alors de les aider dans une expédition de spéléologie. Mais ils sont engloutis par un courant qui les entraîne au coeur de la terre, où ils découvrent que vivent d’étranges créatures à la peau bleue.
Ce résumé du premier tome, Le Trio de l’Etrange, marque le début de l’histoire de Yoko Tsuno avec les Vinéens, exilés d’une planète devenue pour eux invivables et qui se cachent sur notre Terre, sous nos pieds. Au fil des albums, on découvrira le complexe système qui régit ce peuple, leurs différentes colonies, les étonnantes créatures qui peuplent leur planète et les amusants robots qui leur servent de garde d’enfant.
Mais Yoko Tsuno n’est pas qu’une bande-dessinée de science-fiction. Dès la deuxième aventure, L’orgue du Diable, une autre grande thématique se dessine et nous emmène dans l’Allemagne gothique, à la rencontre d’une organiste, Ingrid Hallberg, qui détient les secrets d’un orgue qu’on dit doté de pouvoirs diaboliques. On bascule alors volontiers dans des histoires à la limite du fantastique, porteurs d’aventures humaines, émotionnelles et psychologiques intenses, pleines de mystères et de suspens, comme La Frontière de la vie où un vampire entraîne Yoko dans les limites de la lutte contre la mort, ou La Proie et L’ombre ou une jeune femme hantée par le fantôme de sa mère en devient à moitié folle.
Quand elle ne nous emmène pas outre-rhin, Yoko est bien sûr souvent appelée en Asie. Cela commence avec son père, qui l’appelle dans La Fille du Vent, pour l’assister dans une lutte qui utilise les terribles typhons qui font trembler les Japonais. Plus tard, dans Le Dragon de Hong-Kong, Yoko doit élucider l’apparition d’un gigantesque dragon que seule la flute d’une petite fille parvient à contrôler. Les dessins sont alors un régal, puisqu’ils nous transportent dans l’univers poétique de l’Asie et de son histoire, comme dans La Jonque Céleste où Yoko enquête sur la mort de la troisième épouse de l’empereur à l’âge de… six ans!Mais comme Yoko ne serait pas Yoko sans prouesses techniques, elle se plaît aussi à voyager…. dans le temps! Dans La Spirale du Temps, l’unique survivante de la destruction future de la terre matérialise devant elle sa machine temporelle afin d’empêcher ce sinistre avenir de se produire. Plus tard, elle revient au Moyen Age en Indonésie, à Bruges au XVIème siècle, ou dans la Chine médiévale. Et c’est l’occasion de nouveaux décors magnifiques et costumes non moins soignés.
Vous l’aurez compris, je ne me suis pas ennuyé avec Yoko, une héroïne qui a la poigne, un côté tête brûlée, qui touche à des domaines très masculins comme l’aéronautique, l’électronique, l’aviation ou les arts martiaux, mais qui ne se départ jamais de sa féminité. Je regrette cependant que certains albums, très axés sur des subtilités politiques, techniques, économiques, … fassent la part belle aux complexités et moins à l’action ou à l’émotion. Mais d’autres m’ont tout simplement ravie! De plus, on sent une évolution très nette avec les albums qui montrent que Yoko reste toujours en adéquation avec son temps: les premiers dessins sont très stylisés, ressemblant beaucoup aux Spirous de notre enfance, et Yoko n’hésite pas à placer quelques clichés asiatiques comme “Le Sage dit que…”. Mais au fil des tomes, les dessins s’affinent, recherchent le réalisme, mais Yoko reste un peu figée et froide, dans une attitude plus zen. Dans les plus récents, Yoko devient bien plus expressive, au point de gifler sa nouvelle compagne Emilia lorsque celle-ci se montre trop insolente, et se laisse aller à des moments de tendresse avec le trop dévoué Vic (qui se languit visiblement d’amour pour elle). De même, au début, les interventions du narrateur prennent un peu trop de place pour un art qui justement peut utiliser les dessins pour les remplacer, mais il finit par se taire petit à petit pour laisser parler les images et les personnages.
La note de Mélu:
Une bonne série, comme le prouve sa longévité ! Le tome 27 est déjà en cours d’écriture.
Un mot sur l’auteur: Roger Leloup (né en 1933) a commencé comme assistant dessinateur aux studios Hergé.