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Loi Brottes : les éoliennes entre simplification et complication

Publié le 17 mars 2013 par Arnaudgossement

83856_L-Assemblee-nationale.jpgLa proposition de loi déposée par François Brottes et visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes a été adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale, ce 11 mars 2013.


Il convient pour l'heure d'être prudent s'agissant du commentaire des dispositions de cette loi. Le Conseil constitutionnel a en effet été saisi aux fins de contrôle de la constitutionnalité de cette loi. Je reviendrai donc sur ce texte, une fois la décision DC du Conseil contitutionnel publiée et la loi promulguée.

Sous cette (importante) réserve, je vous propose cette première analyse, rédigée en janvier, des principales dispositions de la proposition, aujourd'hui adoptées, qui concernaient l'éolien.

La "petite loi" Brottes prévoit pour l'heure :

  • que la procédure de création de ZDE est supprimée (le régime transitoire reste à définir)
  • que la règle des cinq mâts est supprimée
  • Une dérogation - assez complexe -à la loi littoral pour l’outre-mer
  • Une dérogation à la loi littoral pour le raccordement des sites de production d’énergies marines renouvelables.  

Reste à savoir si ces avancées seront suffisantes pour freiner la chute actuelle de l'éolien.

L'article 24 de la loi complète en effet l'article L.553-1 du code de l'environnement en ce sens:

"I. – Le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1, si ce schéma existe. »"

J'ai déjà eu l'occasion de m'étonner de cette nouvelle disposition qui apparaît, à la lecture des débats parlementaires, comme une contrepartie à la suppression des ZDE.Sur ce point, mon analyse rejoint celle de mes confrères Gandet et Deharbe qui écrivent à juste titre : "On peut dès à présent prédire que cette disposition posera de sérieux problèmes aux opérateurs (...)"

En effet. 

En premier lieu, cette disposition revient à graver dans le marbre, non seulement le classement ICPE des éoliennes mais, au surplus, la soumission de celles-ci au régime de l'autorisation, c'est à dire au régime le plus contraignant de la police des ICPE. Or, je reste convaincu que ce classement ICPE et la double commande PC+ICPE freine considérablement le développement de l'éolien en France. Il serait au demeurant intéressant de savoir combien d'autorisations ICPE ont pu être délivrées depuis l'entrée en vigueur du classement.

En second lieu, cette disposition vient donner une portée quasi contraignante aux SRCAE qui n'était pas du tout dans l'intention des auteurs de cet instrument. Rappelons qu'au lendemain du Grenelle, le SRCAE devait contribuer à sa territorialisation, à l'extension du dialogue environnemental, au progrés des connaissances sur le potentiel énergétique et d'économies d'énergie desdits territoires. A aucun moment le SRCAE n'a été créé pour constituer un instrument réglementaire contraignant ni pour créer un nouveau risque de frein au développement des énergies renouvelables. Bien au contraire.Nul doute que  cette disposition va modifier les conditions d'élaboration des SRCAE même si l'amendement sénatorial tendant à leur révision systématique a été finalement écarté.

En troisième lieu, le rapport de compatibilité introduit par cette loi entre l'autorisation ICPE et le SRCAE est imprécis et donnera immanquablement lieu à de longs débats devant les juridictions administratives. Qu'entend on précisément par "tenir compte" ? L'expression est d'autant plus délicate à définir que la qualité du document de référence - le SRACE" varie considérablement d'une région à l'autre. Tenir compte d'une carte et de l'épaisseur des traits est un travail différent de tenir compte d'une liste de communes.

Pour se convaincre de cette difficulté nouvelle qui affectera immanquablement le contentieux administratif des éoliennes, il suffit de se reporter aux travaux parlementaires préalables au vote de la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Les expressions "tenir compte" ou "prendre en considération" avaient été étudiées par les rapporteurs qui avaient bien voulu m'auditionner au sénat puis à l'assemblée nationale. Le résultat en a été une extension assez complexe de l'obligation de motivation des actes réglementaires et non individuels. "Tenir compte" suppose que soit rapportée la preuve, par l'administration" qu'elle a bien tenu compte, soit d'une observation, soit un document de planification. Cela suppose sans doute et sous réserve de ce que précisera la jurisprudence, dans un deuxième temps, une motivation de l'autortisation attaquée. Le débat, préexistant au sein de la doctrine, ne fait que commencer là où l'éolien avait besoin de stabilité et de visibilité.

En quatrième lieu, cette disposition modifie également la nature et les conditions de légalité de l'autorisaion ICPE. Celle-ci était déjà inscrite dans un rapport de compatibilité avec un document d'urbanisme, le PLU. La voilà soumise à un autre rapport de compatibiité, non avec un document  d'urbanisme de valeur supérieure mais avec un document de planification visé par le code de l'environnement, le SRCAE. Il faut espérer qu'il n'y ait point de contradiction entre PLU et SRCAE. Il faut également souligner que la police des ICPE concerne le risque et non l'aménagement du territoire. Or, il est désormais demandé un contrôle d'un nouveau type à l'administration (DREAL), lequel offrira un moyen de plus aux réquérants. Cette confusion entre urbanisme et environnement invite une fois de plus à s'interroger sur la pérénité du principe d'indépendance de ces deux législations.Un contrôle qui s'étendra sans doute - du moins faut-il s'interroger - aux documents connexes aux SRACE, comme les S3RENR dont certains suscitent déjà l'inquiétude des professionnels.

Arnaud Gossement

Avocat associé

Selarl Gossement avocats


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