La Commission européenne vient de publier un livre vert sur une stratégie européenne en matière de déchets plastiques dans l'environnement. Ce Livre vert ouvre une période de consultation publique dont le but est d’évaluer l’opportunité d’une législation spécifique aux déchets plastiques.
Le Livre vert de la Commission européenne peut être consulté ici. Il comporte une analyse (courte) des limites de la législation européenne actuelle tant du point de vue de son contenu que de son application. Il comporte en outre une liste de 26 questions destinées à susciter des réaction au cours de la consultation publique ainsi ouverte.
Intéressant, ce Livre vert n’en est pas moins un peu décevant. Une étude de droit comparée plus fouillée, des idées nouvelles notamment sur la fiscalité des déchets, des propositions pour dépasser les difficultés d’application de la directive de 2008, l'étude du déploiement du principe de la responsabilité élargie du producteur, la consommation de matière première secondaire (à définir) pour la production d’énergie (biomasse) : autant de sujets pour lesquels le Livre vert se limite – c’est l’exercice – à quelques questions sans proposer de réelle analyse de fond. Attendons donc le Livre blanc.
L’enjeu environnemental
Le Livre vert rappelle tout d’abord que la production de plastiques et, par voie de conséquence, de déchets plastiques est en augmentation :
« Dans l’Union européenne (UE-27), il est estimé qu'environ 25 Mt de déchets plastiques ont été produits en 2008, dont 12,1 Mt (48,7 %) ont été mis en décharge, 12,8 Mt (51,3 %) ont été destinés à la valorisation, et seulement 5,3 Mt (21,3 %) ont été recyclés. Tandis que les prévisions pour 2015 annoncent une augmentation globale de 30 % du niveau de recyclage mécanique (de 5,3 Mt à 6,9 Mt), la mise en décharge et l'incinération avec valorisation énergétique devraient rester les principaux modes de gestion des déchets. »
Outre une augmentation du « gisement » de déchets plastiques, force est de constater que les modes d’élimination prédominants demeurent l’enfouissement et l’incinération, ce qui démontre de ce point de vue l’échec des mécanismes fiscaux mis en place pour tenter de corriger cette évolution (TGAP en France).
Les conséquences environnementales de cette augmentation des déchets plastiques sont importantes, notamment pour les océans :
« les plaques de déchets qui flottent dans les océans Atlantique et Pacifique sont estimées à 100 Mt, dont environ 80 % de matières plastiques. »
L’enjeu économique
Le Livre vert, même court, prend soin de souligner que le recyclage des matières plastiques est créateur d’emplois, ce qui peut apparaître comme une évidence :
« Le recyclage des matières plastiques possède, à lui seul, un potentiel de création de 162 018 emplois dans l’UE 27, si le taux de recyclage atteint 70 % d'ici à 2020 »
Pas de législation spécifique
Le Livre vert souligne l'absence de législation spécifique :
« Les déchets plastiques ne sont pas spécifiquement couverts par la législation de l’UE, malgré leur incidence croissante sur l'environnement. Seule la directive 94/62/CE établit un objectif spécifique de recyclage pour les emballages plastiques. La directive-cadre relative aux déchets (2008/98/CE) fixe un objectif général de recyclage des déchets ménagers, qui couvre, entre autres, les déchets plastiques".
Cependant, il aurait été préférable de présenter les avantages et inconvénients d'une législation spécifiques. La multiplication des règles particulières peut aussi être contraignante, notamment pour les acteurs économiques.
Outre l’absence de législation spécifique, le Livre verte point également l’absence d’application du droit actuel :
« Les dangers liés à la présence de déchets plastiques dans l’environnement seraient beaucoup plus faibles si la législation européenne en vigueur en matière de déchets était correctement mise en œuvre. La mise en décharge reste le principal mode d'élimination des déchets plastiques dans de nombreux États membres. En outre, le déversement illégal n'a pas été totalement éliminé et nombre de décharges sont illégales ou mal gérées. Le nombre de ménages non couverts par un système de collecte des déchets municipaux est un élément encore plus préoccupant; c'est une situation dans laquelle les déchets plastiques ne sont soumis à aucun contrôle, ce qui augmente la probabilité que des plastiques légers atteignent des masses d'eau puis la mer."
Le Livre vert souligne les conséquences de l’absence de respect de la législation actuelle :
« Le respect de la législation relative aux déchets peut contribuer significativement à favoriser la croissance économique et la création d'emplois. Selon une étude récente, la pleine mise en œuvre de la législation de l’UE relative aux déchets permettrait d’économiser 72 milliards EUR par an, d’augmenter de 42 milliards EUR le chiffre d’affaires annuel du secteur de la gestion et du recyclage des déchets de l’UE et de créer plus de 400 000 emplois d’ici à 2020 »
Prévention des déchets
Parmi les pistes de réflexion pour l’amélioration tant de la législation actuelle que de ses conditions d’application, le Livre vert met à son tour en évidence l'intérêt d'une meilleure prévention des déchets et de l'amélioration de l'éco conception des produits :
« Les options stratégiques présentées ici suivent une approche fondée sur le cycle de vie, qui débute avec la conception des matières plastiques. Il est évident, en effet, que la conception des matières plastiques et des produits en matière plastique joue un rôle clé en termes de pérennité et détermine les étapes ultérieures du cycle de vie des matières plastiques. Par exemple, le recyclage des matières plastiques dépend dans une large mesure de la composition des matériaux plastiques et de la conception des produits en matière plastique. »
Economie des ressources
Le Livre vert esquisse l’idée de faire évoluer le droit actuel pour permettre d’améliorer l’économie des ressources, tant par la prévention que par « une meilleure gestion des déchets plastiques »
« Des modèles plus durables de production de plastiques et une meilleure gestion des déchets
plastiques, notamment des taux de recyclage plus élevés, offrent un potentiel considérable pour améliorer l'efficacité des ressources. Dans le même temps, ils devraient contribuer à réduire les importations de matières premières ainsi que les émissions de gaz à effet de serre. Les économies de ressources peuvent être significatives. Les matières plastiques sont fabriquées presque exclusivement à partir de pétrole; à l'heure actuelle, leur production représente environ 8 % de la production mondiale de pétrole, dont 4 % comme matière première et 3 à 4 % comme produit énergétique destiné aux processus de fabrication »
Au terme d’une distinction classique des ressources, des matières (premières) plastiques des déchets, le Livre vert rappelle :
« Du point de vue de l’efficacité des ressources, il est particulièrement important d'éviter la mise en décharge de déchets plastiques. Toute mise en décharge de matières plastiques est un gaspillage manifeste de ressources, qu'il importerait d'éviter au profit d'autres options préférables: le recyclage ou la valorisation énergétique. Toutefois, les taux de mise en décharge de matières plastiques demeurent élevés dans plusieurs États membres, du fait de l’absence de solutions de remplacement et d'une utilisation insuffisante des instruments économiques ayant démontré leur efficacité.
La nécessité de préserver les ressources naturelles et d'améliorer l'utilisation efficace des ressources pourrait être un moteur pour rendre la production de matières plastiques plus durable. Idéalement, tous les produits en matière plastique devraient être entièrement recyclables et d'un coût raisonnable. »
Prévention des déchets, meilleur contrôle de la hiérarchie des modes de traitement des déchets, développement des actions volontaires, augmentation de la valeur des matières plastiques… le Livre vert démontre aussi la difficulté de passer une nouvelle étape pour le droit des déchets.
Arnaud Gossement
Avocat associé
Selarl Gossement avocats