Au-delà de l’aspect mégalomane, le lancement par un rappeur d’une marque de vêtements peut se justifier par l’opportunité que représente le pouvoir fédérateur qu’exercent ces chanteurs auprès de leur communauté de fans. Une communauté d’autant plus engagée lorsque ces rappeurs sont en conflit. A partir de là, vendre des vêtements peut s’avérer être aussi intéressant que de vendre des disques. C’est pourquoi, bon nombre de rappeurs se sont lancés dans ce business en parallèle de leur carrière musicale. A la fin des années 90, Joey Starr et Kool Shen avaient lancé respectivement les marques Com8 et 2 High. Sully Sefil autre rappeur français moins connu a créé la marque Royal Wear. Ces 3 marques ont eu beaucoup de succès à cette époque. Du côté des Etats-Unis, les exemples de Jay-Z avec Rocawear, de Puff Daddy avec Sean John ou de Pharrell Williams avec Billionaire Boys Club illustrent ce parallèle naturel entre la musique et le streetwear.
Et contrairement à de simples produits dérivés, les vêtements de ces marques sont vraiment incarnés par leur créateur/rappeur qui les porte à chaque occasion pour les promouvoir. Que ce soit sur scène, dans leurs clips ou même lors des tournées promotionnelles dans les médias. C’est ainsi que dernièrement les rappeurs Booba et La Fouine ont fait la tournée des plateaux de télévision pour présenter leur nouvel album respectif en arborant fièrement les produits de leur marque de vêtements. Le CSA a notamment mis en garde la chaîne D8 pour publicité clandestine lors du passage de Booba sur le plateau de «Touche pas à mon poste» (+ d'infos), mais cela n’a pas empêché La Fouine d’y faire quelques jours plus tard dans la même émission la promotion de son album vêtu d’une veste, d’un t-shirt et d’une casquette de sa marque Street Swagg.
Mais dans la catégorie des meilleurs porte-manteaux publicitaires, la palme peut sans aucun doute être décernée aux rappeurs du label Wati-B. Le label de musique rap dont la tête d’affiche est le groupe Sexion D’Assaut, a créé sa propre marque de vêtements surfant sur le fort succès de son groupe phare. La marque au nom de Wati-B, comme le label, bénéficie de la forte exposition de la Sexion dans les médias. Sachant que les chanteurs du label portent en permanence les vêtements de sa marque, les retombés en terme de visibilité pour les produits de la marque sont énormes. Dans chaque clip, chaque sortie promotionnelle, on ne peut même plus parler de simples placements de produits, c’est un véritable défilé de mode. Et grâce à cette publicité générée par les artistes du label à travers leurs clips, la marque semble avoir beaucoup du succès auprès du public, preuve en est l’ouverture d’une boutique à Châtelet (Paris) et prochainement à Marseille. La marque Wati-B est également devenue partenaire du Montpellier Hérault SC (sur le dos des shorts), du club de basket de Nanterre ainsi que de la Ligue Nationale de Basket avec la création d’une ligne de vêtement dédiée et d’un hymne officiel, rien que ça.
On voit bien que le rap et notamment le rap français profite de sa situation concurrentielle et conflictuelle pour fédérer un public communautaire dévoué, qui consomme rap et donc est prêt à poursuivre leurs rappeurs fétiches dans leur projet vestimentaire. Les clips s'apparentant de plus en plus à des spots publicitaires, la musique devient ainsi un outil parfait pour promouvoir une marque de streetwear tout en véhiculant un univers à son image.
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